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Полное собрание сочинений. Том 12. Произведения 1852-1857 годов

les Etats-Unis et la Russie. Personne ne doute que l’Amérique ne soit la véritable continuation du développement de l’Europe et rien que cette continuation. — Dénuée de toute initiative, de toute invention, comme elle l’est, l’Amérique est prête à recevoir l’Europe, à réaliser les idées sociales, mais elle ne viendra pas achever le vieil édifice… elle ne quittera pas ses plaines fertiles.

Peut-on affirmer la même chose du monde slave? Qu’est-ce que le monde slave? Que veut ce monde muet qui a traversé les siècles depuis la migration des peuples jusqu’à nos jours dans un continuel à parte, sans desserrer les dents?

Monde étrange, ne faisant cause commune ni avec l’Europe ni avec l’Asie.

L’Europe fait les croisades, — les Slaves restent chez eux.

L’Europe développe le féodalisme, les grandes cités, une législation basée sur le droit romain, sur les lois germaines: l’Europe civilisée devient protestante, libérale, parlementaire, révolutionnaire. — Les Slaves n’ont ni grandes cités, ni noblesse aristocratique; ils ignorent le droit romain, ne connaissent pas

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de distinction entre les paysans et les ciladins, ils habitent de préférence leurs villages, gardent leurs institutions communales, démocratiques, communistes et patriarcales.

Il semble que le temps de ces peuples ne soit pas venu, qu’ils attendent quelque chose, que leur statu quo ne soit que provisoire.

Maintes fois les Etats slaves commencent à se former avec vigueur, leur tentative prend consistance, cela se développe (comme la Serbie sous Douchan)… et cela échoue, sans qu’on puisse bien comprendre le pourquoi.

S’étendant des bords de la Volga et de ceux de l’Elbe, jusqu’à la mer Adriatique et à l’Archipel, les Slaves ne savent pas même se lier pour la défense commune. Les uns succombent sous les coups des Allemands, les autres sous ceux des Turcs. Une troisième peuplade fut conquise par les hordes sauvages qui s’abattirent sur la Pannonie. Une grande partie de la Russie resta longtemps courbée sous le joug des Mongols.

La Pologne seule était indépendante et forte… mais c’est qu’elle était moins Slave que les autres: elle était Catholique. Or, le catholicisme est complètement contraire au génie slave. Vous vous rappelez que ce sont les Slaves qui ont les premiers commencé la grande lutte contre le Papisme et qui lui ont de suite imprimé un caractère profondément social (les Taborites). Reduite et ramenée au catholicisme, la Bohême a cessé d’exister…

La Pologne donc garda son indépendance en rompant l’unité nationale et en se rapprochant des Etats de l’Occident.

Les autres Slaves, restés indépendants, étaient loin de former des Etats organisés; il y avait quelque chose de flottant, d’indéterminé, de peu gouverné, d’anarchique (comme diraient nos amis de l’ordre) dans leur vie sociale. Je ne connais rien au monde de plus conforme au caractère slave que l’existence de l’Ukraine ou de la Petite Russie, depuis la période de Kiev jusqu’à Pierre I. C’était une république cosaque et agricole, organisée militairement sur des bases complètement démocratiques et communistes. Sans centralisation, sans gouvernement fort, se régissant par des coutumes n’acceptant ni la suprématie du tzar de Moscou, ni celle du roi de Pologne. Il n’y a pas de traces d’aristocratie dans cette république rudimentaire; chaque homme majeur était citoyen actif, toutes les charges étaient électives, depuis le décurion

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jusqu’au Hotman. Je vous prie de remarquer que cette république a existé depuis le XIII-e siècle jusqu’au XVIII-e, en se défendant continuellement contre les Moscovites, les Polonais, les Lithuaniens, les Turcs et les Tartars de la Crimée. En Ukraine, comme chez les Monténégrins, méme chez les Serbes, les Illyriens, les Dalmates — le génie slave a donné quelques indications assez claires de ses aspirations: — aucune forme politique.

Pourtant il a fallu passer par la dressure d’un Etat fort, il a fallu s’assembler, se centraliser ot quitter le laisser-aller de la vie cosaque et l’éternel sommeil de la vie communale.

Vers le XlV-e siècle la Russie commence à avoir un centre autour duquel gravitent et se cristallisent les diverses parties de l’Etat — c’est Moscou. Dès son apparition comme ville centrale, elle prend le rôle de la capitale du monde slave orthodoxe.

G’est à Moscou que se forma l’absolutisme byzantin et oriental des tzars, c’est par elle que périrent les dernières franchises du peuple. Tout fut sacrifié à l’idée de l’Etat, et pour cela tout s’uniformise, tout plie. Gomme si en sortant du joug des Mongols, en continuant les guerres sanglantes contre les Lithuaniens, en voyant la Pologne s’armer, le peuple sentait qu’il s’agissait d’abdiquer tous les droits humains pour sauver son indépendance nationale et son avenir.

Novgorod — cité grande et libre —était un reproche vivant pour la ville parvenue, pour la ville des tzars. Moscou écrasa sa rivale avec une cruauté sanguinaire et sans le moindre remords.

Lorsque toute la Russie fut à ses pieds, Moscou se trouva face à face avec Varsovie.

La lutte entre ces deux rivales fut longue et ne devait finir qu’à une autre époque. Pendant un moment la Pologne eut le dessus. Moscou plia, Vladislaf, fils de Sigismond roi do Pologne, fut proclamé tzar de toutes les Russies. La maison de Rurik, de Vladimir Monomakh était éteinte — il n’y avait pas de gouvernement, les généraux polonais et les Hetmans des Cosaques régnaient à Moscou.

Alors le peuple entier se leva à la voix d’un boucher de Nijni Minine — et la Pologne se vit obligée d’abandonner Moscou et le sol russe.

Après avoir accompli son œuvre de soudage, Moscou s’arrête. Elle ne sait que faire de ces forces évoquées par elle et restées sans emploi. L’issue se trouva de suite. — Là ou il y a beaucoup de force, l’issue se trouve toujours.

Pierre I fit de l’Etat russe un Etat européen.

La légèreté avec laquelle une partie de la nation se fit aux mœurs européennes et renia ses habitudes est une preuve palpable que l’Etat moscovite n’était nullement une véritable expression de la vie populaire, mais bien une forme transitoire. Là où on touchait aux éléments réellement nationaux, le peuple les défendait avec opiniâtreté. Toute la classe des paysans n’accepta rien de la réforme de Pierre I. Aussi était-elle le véritable dépositaire de la vie nationale, et la base de cette vie était (comme l’a dit le célèbre historien Michelet) le Communisme, c’est-à-dire partage continuel de la terre d’après le nombre des travailleurs et absence de propriété territoriale individualisée.

Comme l’Amérique du Nord représente la dernière conséquence des idées républicaines et philosophiques de l’Europe du XVIII-e siècle; c’est ainsi que l’Empire de Pétersbourg a développé jusqu’au monstrueux les principes du monarchisme et de la bureaucratie européenne. Le dernier mot de l’Europe conservatrice est dit par Pétersbourg; ce n’est par sans raison que tous les réactionna ires se tournent vers cette Rome de l’absolutisme.

Quelles forces immenses avait sous ses mains le despotisme de Pétersbourg? C’est facile à juger par l’Etat gigantesque qui se forma. Les forces étaient tellement exubérantes que même pendant la confusion et la détestable administration de Pierre I à Catherine II, — l’Etat s’est accru matériellement avec une rapidité inouie.

Après avoir absorbé, subjugué tout ce qui était à sa portée — prenant les provinces Baltiques et la Crimée, la Bessarabie et la Finlande, l’Arménie et la Géorgie, partageant la Pologne et arrachant une province après l’autre à la Turquie — l’empire russe trouva enfin un rival formidable. C’était la Révolution française renversée, avortée, dégénérée en un despotisme tout pareil à celui de Pétersbourg. La Russie se mesura avec Napoléon et le vainquit.

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Du moment où l’Europe à Paris, à Vienne, à Aix-la-Chapelle et à Vérone reconnut nolens volens, l’hégémonie d’un empereur de Russie — l’œuvre de Pierre était terminée et le pouvoir impérial se trouva dans la même position où s’étaient trouvés les tzars de Moscou avant Pierre I.

L’empereur Alexandre le sentit bien.

Le pouvoir impérial peut certainement se conserver pendant quelque temps encore, s’imposer par tous les moyens qui sont dans les mains d’un gouvernement arbitraire; mais il ne peut rien créer, ni produire de plus à l’intérieur, — sans rencontrer partout l’esprit qu’il ne veut évoquer. Tout ce qu’il peut faire — c’est une guerre à l’extérieur.

Nicolas s’est pourtant constamment abstenu de la guerre.

Comment se fait-il qu’après un règne effacé de 25 années, tout à coup une audace téméraire s’empare de cet homme, et qu’il jette sa mitaine russe à la tête de la France et de la Chine, de l’Angleterre et du Japon, de la Suède et des Etats-Unis… sans parler de la Turquie…

Ou dit qu’il est devenu fou?

Moi, je commence à penser qu’il est devenu sage.

Pour commencer une guerre, il lui fallait la plus entière certitude de la lâcheté de tous les Etats de l’Europe; il lui fallait avoir pour eux un mépris sans bornes… Eh bien! il l’a. Nicolas boudait les gouvernements occidentaux avant 1848, — mais ne les méprisait pas. Nicolas tremblait en apprenant les révolutions de 1848 — et ne s’est rassuré qu’en recevant la nouvelle de la dictature ensanglantée de Cavaignac. Mais après le coup de main qu’il a donné à l’Autriche — par son intervention en Hongrie, intervention tolérée par l’Angleterre, comme l’invasion à Rome, il a mieux compris le terrain de ses amis-adversaires. Il a sondé lentement, peu à peu, l’abîme de leur ignominie, de leur pusillanimité, de leur ignorance — et le voilà qui fait la Guerre. — Voulez-vous parier qu’il en sortira vainqueur, si un tiers imprévu n’y intervient? — leur ennemi commun à eux tous, la Révolution, bien entendu!

«Dans ce cas, pas de guerre! Déclarons nous battus par avance, sacrifions la Turquie, cédons Constantinople plutôt que de rompre avec le tzar».

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Voilà le raisonnement do tous les diplomates, banquiers et autres gens qui pensent que le conservatisme consiste à ne pas lâcher la pièce de 5 francs qu’on a dans la main et à fermer les yeux sur les

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