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Полное собрание сочинений. Том 12. Произведения 1852-1857 годов

allemand.

Notre éducation n’a rien de commun avec le milieu pour lequel l’homme est destiné, et c’est pour cela qu’elle est bonne. L’éducation détache le jeune homme d’un sol immoral chez nous, l’humanise, en fait un être civilisé et le met en opposition avec la Russie officielle. Il en souffre beaucoup. C’est une expiation des fautes de nos pères, et là est le germe révolutionnaire. Les temps les plus durs sont passés; la petite minorité, jusque là complètement détachée de la nation, a rencontré le peuple, là où elle pensait être le plus loin de lui.

Avec quel étonnement on écoutait nos récits sur la commune russe, sur le partage continue l des terres entre les membres de la commune, sur la simple administration par un starost électif, sur le vote universel dans les affaires de la commune! Quelquefois on nous traitait en visionnaires, en hommes qui avaient perdu l’esprit à force de socialisme!.. Eh bien voilà un homme qui est médiocrement révolutionnaire, qui publie trois volumes sur la commune rurale en Russie, — Haxthausen, catholique, prussien, agronome et monarchiste tellement radical, qu’il trouve le roi de Prusse trop libéral et l’empereur Nicolas trop philanthrope!

Les faits relatés par nous sont débités in extenso par lui. Je ne répéterai pas encore une fois tout ce que j’ai dit sur cette organisation rudimentaire du self-government des communes, où tout est électif, où tous sont propriétaires, quoique la terre n’appartienne à personne, où le prolétaire est une anormité, une exception. Vous la connaissez assez pour comprendre que le peuple russe, le malheureux qu’il est, écrasé en partie par le servage et entièrement par le gouvernement qui le méprise et l’opprime, ne pouvait suivre l’exemple des peuples de l’Europe dans leurs phases révolutionnaires complètement urbaines et qui auraient immédiatement attaqué par la base l’organisation communale. Au contraire, la révolution qui s’accomplit maintenant se trouve placée sur le même terrain — et nous verrons quel sera le résultat de cette rencontre.

Conserver la commune et rendre l’individu libre, étendre le self-government de la commune et du district (volost) aux villes et à l’Etat entier, et maintenir l’unité nationale, développer les droits personnels et maintenir l’indivisibilité de la terre — voilà la question révolutionnaire pour la Russie, la même que la grande autonomie sociale dont la solution incomplète agite tant l’Occident.

L’Etat et l’individu — l’Autorité et la Liberté — le Communisme et Pégoïsme (dans le sens large du mot), ce sont les colonnes herculéennes de la grande lutte, de la grande épopée révolutionnaire.

L’Europe oppose une solution tronquée et abstraite. La Russie une autre tronquée et sauvage.

La synthèse sera faite par la Révolution. Les formules sociales ne président jamais à leur réalisation que vaguement.

Les peuples Anglo-Saxons sont parvenus à émanciper l’individu en niant la communauté, en isolant l’homme. Le peuple russe conserve la communauté, en niant l’individu, en absorbant l’homme.

Le ferment qui devait mettre en mouvement la masse des forces inertes endormies parle patriarcalisme communal, c’est le principe de l’induvidualisme, de la volonté personnelle. Ce ferment entre dans la vie russe par une voie étrangère, s’incarne dans un tzar révolutionnaire, qui nie la tradition, la nationalité, qui divise le peuple en deux.

L’empire russe est une création du XVIII-e siècle, tout ce qui a été conçu dans ce temps portrait en soi des germes révolutionnaires.

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Le palais célibataire de Frédéric II et la maison de correction qui servait de palais à son père, n’étaient nullement monarchiques comme l’Escurial ou les Tuileries. Il y avait un air âpre, matinal, dans le nouveau royaume; il y avait quelque chose de simple, de sec, de positif, de rationnel, — et c’est ce qui tue la religion et la monarchie. De même en Russie.

Pierre I rompit violemment avec la tradition byzantino-moscovite. Homme de génie, il aimait le pouvoir beaucoup plus que le trône, il agissait plutôt par la terreur que par la majesté, il détestait la mise en scène, ce qui est très important pour la monarchie.

L’organisation de l’empire russe est de la plus haute simplicité. C’est le gouvernement du docteur Francia au Paraguay appliqué à un peuple de 50 millions d’hommes. C’est la réalisation de l’idéal bonapartiste: le peuple muet, sans droits, sans défenseurs, hors la loi, et, vis-à-vis de lui, une minorité entraînée, protégée, annoblie par le gouvernement et qui forme l’administration.

La Russie est, à la lettre, gouvernée par les aide-de-camps, les ordonnances, les copistes et les estafettes. Le sénat, le conseil d’Etat (création postérieure), les ministères — ne sont que des chancelleries, où on ne discute pas, mais où on exécute; où on ne délibère pas, mais où on transcrit. Toute l’administration ne représente que les bras d’un télégraphe par lequel l’homme du Palais d’hiver annonce sa volonté.

Cette organisation expéditive, automatique, est beaucoup moins attaquable par la base que par la cime.

Dans la monarchie, le roi tué — la monarchie reste. Chez nous, l’empereur tué, — la discipline reste, l’ordre bureaucratique reste — pourvu que le télégraphe joue — il sera obéit…

On peut demain chasser Nicolas, mettre à sa place Orloff ou je ne sais qui, sans la moindre secousse. Les affaires s’expédieront avec la même précision, la machine continuera à fonctionner, à transcrire, à transmettre, à répondre, — les machinistes continueront à voler et à faire du zèle.

L’impératrice Catherine II a eu peur de cette terrible et muette omnipotence, de cette obéissance illimitée d’agents et d’esclaves qui servent celui qui ordonne, dont l’obéissance survit même au maître. Elle voulait appeler la noblesse à une existence plus indépendante, pour avoir un entourage attaché librement à elle

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et à la couronne, sur lequel elle put compter. Le silence dos copistes et des exécuteurs effraya la femme de Pierre III! C’est dans le méme silence qu’Alexis Orloff étrangla son maître emprisonné, que les copistes écrivaient: «S. M. daigna mourir», et les exécuteurs exécutaient quiconque ne le croyait pas.

Ces nouvelles organisations étaient vraiment étranges, surprenantes. On n’a jamais sérieusement réfléchi sur leur caractère excentrique, mélange exotique de démocratie et d’aristocratie, du despotisme le plus illimité et des droits d’élection très étendus, de Jean le Terrible et de Montesquieu.

Toutes ces institutions portent le double cachet de la période de Pierre I et d’institutions nationales peu formulées, qui s’épanouissent pur l’influence organisatrice des idées de l’Occident et qui les modifient à leur tour dans un sens qui leur est presque contradictoire.

Des juges éligibles et éligibles pour 6 années, des juges appartenant aux trois classes, à la noblesse, à la bourgeoisie et aux paysans et point du tout d’état judiciaire! Chacun de ceux qui ont le droit de prendre part aux élections peut être élu juge. L’absence de l’ordre judiciaire est un des faits des plus graves. Un ennemi de moins — et quel ennemi! l’autre homme noir, le pendant laïque du prêtre, et le gardien mystérieux de la loi humaine qui a le monopole de juger, de condamner, de comprendre le ratio scripta. Il est très drôle de voir des officiers de cavalerie démissionnaires devenir juges par élection, sans rien connaître aux lois et aux procédures; mais il est d’autre part bien triste de déclarer tous les hommes incapables à statuer sur un fait à l’exception des experts en robe, qu’on a élevés ad hoc. Si les juges élus sont mauvais, tant pis pour les électeurs, — ils sont majeurs et savent ce qu’ils font. Mais, dit-on, la jurisprudence ne vient pas avec la barbe, les lois sont si compliquée, qu’il faut de longues années, de grandes études pour se reconnaître dans le dédale judiciaire… C’est vrai — pourtant il ne s’en suit pas qu’il faille préparer dès l’enfance une classe entière à comprendre ces lois, mais bien qu’il faut jeter ces lois au feu. Les rapports des hommes sont très simples. Ce sont les formalités, les réminiscences, c’est la poésie de la robe, les fiorituri de la jurisprudence qui embrouillent les questions.

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En Russie, le tribunal est composé d’un membre élu par la noblesse, d’un autre élu par les bourgeois, d’un troisième élu par les paysans libres. Deux candidats sont élus par la noblesse pour l’emploi du président. Le gouvernement choisit l’un des deux et envoie de son côté un procureur investi du droit de suspendre chaque décision et d’en référer au sénat.

Si on se rappelle que les procureurs appartiennent aussi à la noblesse, on voit clairement que l’action du juge-assesseur bourgeois et du juge-assesseur paysan est paralysée dans tous les cas d’opposition. Pourtant ils ont le plein droit de protester et de faire passer l’affaire au sénat. Cela ne se fait que bien rarement. La raison en est simple: c’est que le sénat qui n’a aucun élément ni populaire, ni électif, est toujours d’accord avec le parti nobiliaire et gouvernemental. Ce qui nous occupe à présent, c’est la norme et non l’abus. Pensez au cadre, à la puissance possible dans l’avenir, et non à l’application actuelle. Il y a une dizaine d’années, un homme intègre, austère, un vieux négociant de Moscou fut élu maire de cette ville. Le maire des villes est chargé de la surveillance des affaires financières de la cité, il administre les revenus, les dépenses. Ordinairement c’est un millionnaire quelconque, aimant à poser dans les fêtes officielles, — qui est élu, il donne des dîners monstres, des bals monstrueux et signe tout ce que le gouvernement veut et tout ce que les employés désirent. Le maire de Moscou, Chestoff, comprit autrement ses fonctions. Il coupa tellement les ailes aux voleurs officiels, que le grand maître de police lui déclara une guerre acharnée. Le négociant l’accepta, la lutte finit par la chute complète du général de la police.

Mais ce ne sont pas seulement les juges qui sont électifs. La police des districts est élective. Le capitaine

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