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Полное собрание сочинений. Том 12. Произведения 1852-1857 годов

того, что Международный комитет избрал меня представителем русской революционной партии, то полагаю, что Комитет сам намерен нести за это ответственность.

Остаюсь, милостивый государь, преданный Вам

Александр Герцен.

Твикенхэм, Ричмонд Хауз, 14 феврали 1855 г.

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DISCOURS D’ALEXANDRE HERZEN, EXILÉ RUSSE, PRONONCÉ AU MEETING TENU LE 27 FÉVRIER 1855 DANS ST.-MARTIN’S HALL, À LONDRES, EN COMMÉMORATION DES GRANDS MOUVEMENTS RÉVOLUTIONNAIRES DE 1848

Citoyens,

Lorsque le Comité International m’invita à prendre la parole, j’hésitai un instant. Je reculai devant la difficulté de parler au nom de la minorité révolutionnaire en Russie, au milieu des bruits de la guerre, au milieu des passions frémissantes et d’un deuil saint et profond. J’en fis part au Comité. Il m’invita encore une fois de la manière la plus fraternelle, et j’eus comme un remords de cet instant de doute et de manque de foi.

La guerre s’agite et gronde dans un autre monde. Elle expire devant cette porte, devant cette salle où les hommes, proscrits de tous les pays, se réunissent aux Anglais libres du préjugé du leur, au nom d’un souvenir et d’une espérance, au nom de ceux qui souffrent. — C’est ainsi que les chrétiens des premiers siècles se réunissaient dans leurs humbles banquets, tranquilles et sereins… tandis que l’orage déchaîné par los Césars et les prétoriens secouait les vieux fondements de l’Empire romain. (Applaudissements).

Dans cette fête de la fraternité des peuples, il ne fallait pas qu’une voix russe manquât; car, outre le tzar, il y a un peuple; outre la Russie officielle et despotique, il y a une Russie souffrante et malheureuse; outre la Russie du Palais d’hiver — il y a une Russie des casemates. C’est au nom de celle-ci qu’une voix russe devait se faire entendre ici.

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J’ai hâte de dire que je n’ai aucun mandat pour représenter l’émigration Russe, — il n’y a pas d’émigration Russe organisée. Mon mandat — c’est ma vie entière, c’est ma sympathie pour le peuple Russe, c’est ma haine contre le tzarisme.

Oui, citoyens, j’ai la hardiesse de le dire, je crois représenter la pensée révolutionnaire russe, — parmi vous, j’ai droit à la parole — c’est mon cœur, c’est ma conscience qui me le disent (Applaudissements prolongés. — Bravos).

Il y a six ans que j’ai commencé mes publications sur la Russie. Etourdi par une réaction sauvage, on m’écoutait alors avec indulgence. Les temps ont changé; l’esprit martial qui se développa avec la guerre, particulièrement dans quelques feuilles allemandes, devint despotiquement intolérant.

On m’accusa de mes sympathies slaves. On m’en voulut de mes espérances, de mon activité même… Des articles traversèrent deux fois l’Océan, portant des incriminations; d’autres reçurent l’immense honneur d’être répétés par le «Moniteur» de France.

Avant nous, on n’a jamais demandé à aucun exilé de détester sa race, sa nation. A vous, citoyens proscrits, on vous ôte votre présent; à nous, on nous ôte aussi l’avenir; on veut tuer chez nous jusqu’à l’espérance.

Si je haïssais le peuple russe, si je désespérais de lui, — je ne serais pas ici… un peuple libre et républicain m’a donné le droit de cité, j’y resterais sans m’occuper d’un pays qui n’avait que des persécutions pour moi. (Applaudissements).

Cette confusion est très étrange.

Le règne de Nicolas s’ouvre par une conspiration formidable. Il passe sous l’arc triomphal de cinq gibets, pour aller se couronner à Moscou. Des centaines de conspirateurs, la chaîne aux pieds, vont aux mines. Des fournées de jeunes gens les suivent à courts intervalles et disparaissent en Sibérie… tout cela passe inaperçu; tandis que la figure insolente du despotisme incarné, réfléchit sur nous — les persécutés — un peu de cette haine, qu’il a si bien méritée.

On s’obstine à dire que les éléments du progrès, en Russie, ne sont qu’une fiction de quelques têtes exaltées.

Je sais, citoyens, que vous croyez à l’existence d’un parti

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révolutionnaire en Russie: autrement, mon apparition à cette tribune serait une absurdité. Mais la majeure partie des personnes dites radicales tâche de ne pas y croire… Ils en ont assez de la solidarité et de la fraternité des peuples brevetés comme révolutionnaires, inscrits sur leurs registres. On ferme les yeux pour ne pas voir.

Si je pense à ce brave orateur du genre humain, Anacharsis Clootz, qui tatoua lui-même un de ses cousins, pour qu’un délégué d’Otahiti ne manquât pas à une des fêtes de la République, il est impossible de ne pas convenir que la fraternité des peuples n’a pas beaucoup marché depuis ce temps.

Nicolas nous pend, nous envoie en Sibérie, nous jette dans les casemates; mais au moins il ne doute pas de notre existence: au contraire, il nous surcharge de ses marques d’attention. — Vous devez me pardonner, citoyens, — c’est pour la première fois de ma vie que je cite cette autorité comme exemple.

Mais on nous dit que nous autres, par contre, nous ne croyons ni à la force ni à l’organisation actuelle de l’Europe. Certainement non. — Et vous — est-ce que vous y croyez?

Le fait est que, sortant de la prison, revenant de l’exil, le russe, habitué au culte de l’Europe, s’y précipite avec foi, plein d’ illusions, et trouve partout d’autres éditions du tzarisme, des variations, à l’infini, sur le thème Nicolas — et il ose le dire — voilà le grand malheur!

On nous en veut, à nous, témoins depuis les journées de Juin 48, de cette réaction hideuse, dépassant tout ce que le pessimisme le plus noir a pu s’imaginer — on nous en veut pour nos sanglots, pour des moments de désespoir et de rage, dans lesquels on ne trouve rien dans son âme que des doutes, — sur ses lèvres que des mots amers et des malédictions.

Il fallait les cacher?

Et pourquoi devons-nous courtiser ce vieux monde féodal, ce monde de routine, qui vous écrase les premiers, qui entasse partout les cadavres du passé pour arrêter l’avenir.

Les rois ont assez perdu par les flatteries et les réticences. — Veut-on que les peuples passent aussi par cet énervement?

Supposons même que nos opinions soient exagérées, erronées, d’où a-t-on le droit d’en soupçonner la sincérité?

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On n’en finit pas avec les erreurs en les dénonçant comme schismatiques et panslaves — ou, pire encore, en les salissant par des allusions infâmes et calomnieuses.

Vous me pardonnerez, citoyens, ces détails; j’en avais le coeur gros. Je n’ai rien répondu aux attaques; une haute convenance, un décorum de délicatesse que vous apprécierez facilement, m’imposait le silence pendant la guerre. Mais il me semblait impossible de monter à cette tribune, sans avoir touché ce triste sujet.

Maintenant, laissant la lutte des empereurs et des journaux, regardons ce qui se passe dans l’intérieur de ce pays muet qu’on appelle la Russie.

Il y a chez nous deux courants révolutionnaires: l’un en haut, l’autre en bas. L’un éminemment négatif, dissolvant, détestant l’absolutisme, éparpillé en petits cercles, mais prêt à former une grande conspiration, actif, remuant. L’autre, plutôt plastique, organique, en état de germe, mais somnolent et apathique. Je parle de la jeune noblesse et de la commune rurale, cette alvéole de tout le tissu social, cette monade vivifiante de l’état Slave.

Sur leurs épaules, écrasant les uns, exténuant les autres, se dresse le monstre de la Russie officielle, — pyramide vivanle, comme je l’ai dit ailleurs, de crimes, d’abus, de concussions — soudé par le partage du butin, — aboutissant au tzar, et appuyé sur sept cent mille machines organiques à baïonnettes.

Le tzarisme ne s’apprivoisera pas, il restera un danger permanent pour l’Europe et un malheur pour le monde Slave. Il est par sa nature agressif, vorace — très pauvre en idées, très peu adroit en organisation intérieure. Il a créé une chose — c’est l’armée. Il doit faire la guerre — c’est son métier, c’est son salut.

Le gouvernement de Pétersbourg n’est pas populaire, il a trop tenu avec les seigneurs, trop avec les Allemands, selon l’expression du peuple. La seule idée vivante qui lie les masses au gouvernement — c’est l’unité nationale. Le gouvernement ne l’ignore pas — et l’exploite maintenant. Et voilà une des principale raisons pour laquelle il fallait porter la guerre en Pologne. La déclaration de l’indépendance de la Pologne serait acceptée par le peuple, non seulement par les petits-russiens, mais par une partie

de la Grande-Russie, comme un acte révolutionnaire, et non comme une agression.

Soyez persuadés que le tzarisme ne craint rien autant que l’indépendance de la Pologne. Le jour où la république sera restaurée à Varsovie, l’aigle impérial de Pétersbourg se pendra par l’une de ses têtes.

Je ne m’arrêterai pas à la nécessité historique de cette dictature soldatesque et bureaucratique créée par Pierre I. Je pense qu’elle est expliquable pour le passé; qu’elle était même nécessaire comme châtiment, comme éducation, comme soudage enfin. Mais je pense encore plus qu’elle a fait son temps, que sa continuation est artificielle, forcée. L’impérialisme russe, après 1813, est d’une improductivité, d’une stérilité étonnante. L’œuvre gouvernementale, depuis Nicolas, est devenue complètement négative — répression, réaction, persécution…

C’est que le lendemain de son avènement au trône, il a vu des hommes qui l’ont terrifié, et il ne les a jamais oubliés. Etonné par la fermeté et la noblesse des paroles de Mouravioff, il lui dit: «Votre parole d’honneur que vous abandonnerez vos projets, et je vous pardonne». — «Point de grâce, point d’arbitraire», — répondit Mouravioff, condamné à mort. «C’est pour être indépendants de vos caprices que nous voulions vons renverser».

Le lendemain il fut pendu.

«Vous avez solennellement juré sur votre poignard, dans une séance de la société, de tuer l’empereur?» — demanda le président à Pestel. — «Ce n’est pas vrai, — répondit-il, — j’ai tout simplement dit que je voulais le tuer. Il n’y avait ni poignard ni serment; j’ai toujours détesté les scènes mélodramatiques». On le pendit aussi. La corde rompt, Pestel tombe dans la neige, se relève et dit:

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