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Полное собрание сочинений. Том 12. Произведения 1852-1857 годов

«Maudit pays où l’on ne sait même pas pendre!»

Savoir que des hommes pareils ont existé, non loin du Palais, existent peut-être encore — n’est pas bon pour le sommeil impérial.

Nicolas attend depuis 30 ans une demande d’amnistie, — elle ne vient pas. La mort amnistie. Quelles histoires! quelles légendes!

Un autre Mouravioff — il y en avait quatre dans la conspiration — colonel d’état-major, demeurait, après dix années de travaux forcés, comme colon dans une petite cabane, au fond de la Sibérie, avec deux autres forçats, — le général Iouchnefski et le

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colonel Abramoff. Il meurt en 1841. Les deux amis clouent un cercueil et portent le défunt à l’église qui était à quelques lieues. Le vieux général aimait Mouravioff comme une mère peut aimer son fils. Pas une parole pendant la route. Arrivé à l’église, il s’agenouilla près du cercueil et cacha son visage. Le sacristain s’approcha de lui après la cérémonie. L’immobilité du vieillard l’étonnait. Le vieillard était mort. Abramoff n’eut pas le courage de retourner dans la cabane, il alla se perdre dans les océans de neige de la montagne…

Nicolas avait beau étaler une persistance de férocité, une absence de cœur peu commune contre les hommes, il n’atteignit, pas l’idée; au contraire, l’idée devint plus révolutionnaire et plus nationale.

Il y a deux ou trois mois qu’un livre remarquable sur la Russie parut en France. L’auteur, M-sieur Gallet de Kulture, revient de la Russie; il a vu les choses après moi. Permettez que je cite quelques lignes de cet ouvrage (page 222):

«Le tzar n’a point, sous les vains prétextes d’une protection religieuse, à accorder aux Raïas, entamé celte guerre inique. Il est sorti du néant de ses vingt-neuf années de règne — pour une cause décisive, — il ne pouvait plus gouverner. Maître absolu de tout, il commençait à ne plus l’être de rien. La vieillesse, en s’approchant, lui montrait non seulement la décadence évidente de l’homme, mais celle du principe. Montant comme les marées sous une impulsion uniforme et irrésistible, l’idée do réforme battait la théorie vermoulue du vieux despotisme… Un parti, d’ailleurs, s’était formé parmi la noblesse — cette classe redoutable, frondeuse et boudeuse à la fois, critiquant avec amertume et s’isolant par système, composée d’hommes à idées, à énergie, à foi, à rancune, — elle recrutait autour d’elle toute la jeune génération».

Parlant d’un rapport de la police secrète, sur l’affaire de Pétrachefski et de ses nobles, généreux amis, les conspirateurs de 1849, l’auteur cite textuellement ces considérations présentées par Liprandi au général Nabokoff:

«Los élèves des divers collèges sont imbibés des systèmes les plus extravagants: chaque mot, chaque ligne qui sortent de leur esprit respirent les doctrines pernicieuses. C’est en s’abandonnant

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aveuglément à ces utopies qu’ils so croient appelés à remanier toute la vie sociale, toute l’humanité; et ils sont prêts à se faire les apôtres et les martyrs de cette malheureuse déception. On peut s’attendre à tout de la part des gens pareils. Rien ne les arrêtera jamais; car, dans leur idée, ils ne travaillent pas pour eux-mêmes, mais pour l’humanité, — non pour le présent, mais pour l’avenir».

«On ne peut indiquer, — dit un homme très éminent de Russie à M-r de Kulture, — le moment précis de l’avènement des idées révolutionnaires (en Russie), mais il est proche, et il revêtira une forme nouvelle spéciale — la forme russe… Tout le monde s entendra pour abattre un système condamné par l’esprit de temps — fantôme armé, capable encore d’inspirer la terreur, mais impuissant déjà à faire vibrer une seule fibre dans l’âme humaine. Il y aura ensuite de grandes luttes, les hommes de progrès voudront faire du nouveau, une partie des slavophiles reviendra à l’ancienne Russie — et le peuple prendra en main la hache do Robespierre, il abattra les blasons et les têtes».

Voilà, citoyens, ce qui se fait sous la croûte de glace, sous l’aspect uniforme du despotisme boréal. Descendons maintenant dans les profondeurs de cette mer sombre et regardons quels sont là les forces et les orages qui peuvent mettre en mouvement les océanides populaires.

D’abord, il faut vous dire que non seulement on a douté de l’existence d’un parti révolutionnaire en Russie — qui par nécessité se tient à l’ombre, mais on a douté aussi de l’organisation communale, c’est-à-dire de la manière d’être de 50 millions d’individus à deux pas de l’Allemagne.

Haxthausen a écrit trois volumes sur ce sujet, c’était un réactionnaire — on ne l’a pas cru. Moi, j’en ai parlé, on ne m’a pas cru, je suis un révolutionnaire.

Notre commune rurale, par une de ces anomalies qui paraissent être de l’ironie dans l’histoire, a une base très large et éminemment socialiste — il ne s’agit pas de droits politiques — dans toute la Russie, il n’y a que S. M. Nicolas qui soit un citoyen actif et qui ait ses droits politiques — il s’agit des droits administratifs et sociaux — du self-government dans lus affaires communales et du partage de la terre. Je ne répéterai pas ce que j’ai dit tant de fois sur l’organisation de la commune et ses avantages,

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je veux vous montrer au contraire son grand inconvénient. Le paysan russe est un mineur éternel, il n’est jamais sur ses propres jambes; dans tous les cas il s’appuie sur la commune, s’abrite derrière elle. L’individu est absorbé par la commune.

Mettre d’accord la liberté individuelle avec la commune — c’est tout le problème du socialisme. Les Etats-Unis de l’Amérique ne l’ont pas résolu, la commune slave encore moins, c’est un embryon sans conscience — et il ne sera appelé à une véritable existence, que par l’individu demandant la plénitude de ses droits comme personne, sans perdre ses droits comme membre de la commune. Eh bien, ce levain révolutionnaire manquait à la commune patriarcale, elle pouvait encore pour longtemps s’arranger avec le tzar, d’autant plus qu’il a peu d’avantage à empiéter sur ses droits… mais il y a une loi historique qui pousse les despotismes eux-mêmes à provoquer les révolutions.

Le servage introduit peu à peu au XVII-e siècle, acquit au XVIII-e une extension terrible — plus d’un tiers de toute la population agricole a été réduite à l’état misérable des glebae adscripti du Moyen

âge.

Le peuple se leva maintes fois: plus de cent mille hommes étaient sur les bords de la Volga sous Stenka Rasine. Le tzar Alexis pendit des milliers d’insurgés. Le trône de Catherine II chancela, pendant des mois, secoué par Pougatcheff.

Pougatcheff amené dans une cage à Moscou fut exécuté, l’ordre triompha, les serfs étaient vaincus.

Alexandre s’arrêta le premier stupéfait devant la monstruosité du servage; il comprit le mal sans trouver aucun remède, il n’osait ni l’encourager ni l’abattre.

Le crime a été commis, le tzar était lié aux seigneurs, le peuple aliéné de lui par le servage. La voix impériale ne pouvait plus l’atteindre… et lorsque Nicolas — ce tzar omnipotent, lorsqu’il osa au mois d’avril 1842 donner un conseil timide à la noblesse de s’arranger à l’amiable avec les paysans; le ministre de l’intérieur Pérofski ajouta un tel commentaire que les mots pâles de Nicolas disparurent complètement.

La circulaire ministérielle enjoignait aux préfets de juger comme rebelles les paysans qui regarderaient comme obligatoires les augustes conseil de l’empereur.

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Une lueur de liberté passa auprès du malheureux serf — et disparut. Une rumeur vague et comprimée su répandit par le pays et resta. Les révoltes partielles, les assassinais de se igneur — si communs en Russie — devinrent plus fréquents. Dans le gouvernement de Simbirsk les paysans firent une battue en forme des gentillâtres. Dans le gouvernement de Tambov, les paysans de diverses communes se réunirent et allèrent de maison seigneuriale à maison seigneuriale armés de piques, de haches, et portant de la paille — ils poursuivaient leur chemin, silencieux et graves; — une femme du peuple, pieds nus, les cheveux épars, marchait devant eux; elle chantait les psaumes qu’on chante aux enterrements — et elle les chantait lorsque les châteaux brûlaient avec les familles seigneuriales.

J’ai beaucoup vécu avec le paysan russe — et non seulement je l’aime profondément, mais je le connais beaucoup. Enfant, je demeurais chaque été dans les domaines de mon père; exilé, j’eus sept années pour l’éludier depuis l’Oural et la Volga jusqu’à Novgorod. Eh bien, je vous jure que le paysan de l’intérieur de la Russie est moins avili, moins esclave que toute l’aristocratie de Pétersbourg, que tout l’entourage de l’empereur.

Custine l’a remarqué de même que Haxthausen et le savant Blasius.

C’est par l’insurrection des paysans serfs, ou par leur émancipation que commencera l’avenir révolutionnaire et social de la Russie. Le paysan russe ne veut rien entendre d’une émancipation dans le prolétariat, et il a raison — mais de plus, il aura aussi la terre. La noblesse la plus rétrograde serait contente de donner la liberté aux paysans et de retenir toute la terre.

Pestel, le grand révolutionnaire russe, disait à ses amis dans une des séances de la société: «Vous pouvez vous défaire de l’empereur, vous pouvez proclamer la République si vous le voulez — peu de chose changera. Il n’y aura pas de révolution populaire, nationale, chez nous, si on ne touche pas à la propriété territoriale de la noblesse. Il faut la terre au paysan!»

Cela était dit avant 1825; maintenant le gouvernement et la noblesse ont compris qu’il «faut la terre au paysan».

Le partage est indiqué par les faits mêmes et par le génie national.

On a déjà fait des tentatives de partage, en réduisant le paysan charitablement au minimum. Cela n’a pas eu de suite. 

Le paysan ne veut que la terre communale, ne veut que le sol qu’il a marqué par sa sueur, qu’il a conquis par le saint droit du travail. Il ne demande pas plus.

Le paysan

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