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Полное собрание сочинений. Том 13. Статьи из Колокола и другие произведения 1857-1858 годов

de la ligne, au lieu de les attirer à eux. Bientôt après la fondation de la société Mouravioff, les conjurés firent connaissance d’un aide de camp du maréchal, colonel d’un régiment de la ligne, P. Pestel. Il entra immédiatement dans la société, et, de ce jour, il en devint le centre, l’âme. Grâce à lui, les aspirations vagues, les tendances libérales eurent un but, une détermination pratique: sa grande figure domine toute la conspiration; elle est grande même dans les venimeux récits de la commission d’enquête.

Républicain ardent et révolutionnaire déterminé, il n’impose, ne précipite rien. Il agit avec une prudence, une retenue admirables. Il ne cherche qu’à mieux organiser l’association. Il lui

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donne un règlement, la centralise. Connaissant bien la conscience encore timorée de ces jeunes gens nobles, dévoués — mais à peine éveillés aux idées politiques, il leur accorde que la grande affaire serait de limiter l’arbitraire du tzar.

Dans les fragments — cités par l’enquête — de ses entretiens avec les autres, il est impossible de ne pas admirer et son tact et la richesse de ses moyens. Concédant aux uns qu’une constitution à l’anglaise serait très bonne, dès qu’un interlocuteur émet des doutes, il ajoute que, quant à lui, il préférerait la constitution américaine qui, dit-il, convient à tout le monde et non pas seulement «aux lords et aux marchands»; du reste il pense que si on pouvait imposer une Charte à l’empereur, ce

serait, déjà un grand progrès; puis, en quelques mots, il fait entrevoir, parmi les éventualités possibles, la mort de l’empereur. Il doute de la possibilité de forcer, par la seule pression de l’opinion publique, un maître absolu à céder une partie de son pouvoir. Il fait voir que ce n’est que par la force qu’on y parvient, et que — pour limiter le pouvoir, il ne faut pas moins de force que pour l’abolir.

Quoiqu’il fût si prudent (la commission d’enquête prend tout cela pour des tergiversations) — on le comprit: il fit peur. Alexandre Mouravioff s’éloigna de la société. Les membres de l’Alliance du Bien-Etre murmuraient. La société du Nord commençait à craindre l’ambition de Pestel. Il semble que Nikita Mouravioff, qui en était le chef, et, après lui, Ryléïeff partageaient cette opinion. Pestel résolut alors de faire une convocation générale des sociétés du Nord et du Sud à Moscou. On se réunit. — On ne tomba d’accord sur rien. Certains membres se récrièrent contre la dictature de Pestel dans la société du Sud, disant que le but de l’association était dépassé; plusieurs envoyèrent leur démission par écrit. Alors les amis de Pestel, d’accord avec les membres les plus énergiques, proposèrent la dissolution complète de l’Alliance du Bien-Etre. La proposition fut adoptée, et la dissolution prononcée par N. Tourguéneff, qui présidait ce jour-là. C’était à Moscou, au mois de février 1821.

Le colonel Avramoff, indigné, protesta seul contre la dissolution de l’Alliance, disant énergiquement «que quand même tout le monde abandonnerait la société, elle ne serait pas dissoute

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pour cela, car elle existerait encore en lui, fût-il seul». — Mais il se trompait fort. Jamais des hommes comme Pestel, Youchnefski, Von Viezen, N. Mouravioff, Bestoujeff-Rumine n’eurent l’idée d’en finir avec l’association. Pour Pestel, ce n’était qu’un moyen de se débarrasser des faibles et d’organiser une société, non seulement sans la participation des anciens membres, mais sans qu’ils en sussent rien. Réformée immédiatement, la nouvelle société nomma pour directeurs Pestel, Youchnefski et N. Mouravioff. Dès son origine elle prit un caractère décidé et révolutionnaire. En deux ans elle acquit une force et une étendue si grandes, que, en 1823, nous voyons déjà quatre sociétés nouvelles organisées sous la direction de la société-mère qui était à Toultchine, chef-lieu de l’Etat-major de la seconde armée. Pestel, affermi et puissant, ne «tergiverse» plus. Il va directement à son but, à la réorganisation complète et radicale du gouvernement sur des bases non seulement républicaines, mais socialistes50[50].

Il ne s’agit plus maintenant de critiquer la constitution anglaise. Pestel pose purement et simplement aux membres de la société cette question: «En cas de succès qu’y a-t-il à faire de la famille impériale?» Le bannissement, la prison, l’exil sont proposés. Après avoir écouté tout cela, «Il faut l’exterminer!» dit Pestel. — «Comment, — s’écrient-ils tous, — c’est horrible!» — «Je le sais bien». — Les amis de Pestel étaient ébranlés. — On alla aux voix. — La majorité fut pour Pestel, majorité bien faible, six voix seulement.

Quelques mois après Pestel réunit tous les chefs et leur proposa encore une fois la même question. — Tout le monde fut pour lui. C’est en conséquence de cette résolution que Bestoujeff demandait, en 1824, aux sociétés polonaises, de mettre à mort, en cas d’éventualité, le césarévitch Constantin.

Avant de parler des rapports de la société Pestel avec les sociétés révolutionnaires de Varsovie, nous devons dire quelques mots de l’association du Nord.

L’association dissoute s’était reconstruite aussi à Pétersbourg et avec beaucoup plus d’énergie. A la tête de cette société

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nous voyons d’abord le prince Troubetzkoï, puis N. Mouravioff et le prince Obolénski. Un peu plus tard enfin elle est dirigée par l’homme le plus remarquable parmi ceux de Pétersbourg, le poète Ryléïeff. On s’était beaucoup rapproché des idées de la societé du Sud: mais cette malheureuse pensée que «Pestel était plutôt un Bonaparte qu’un Washington» poursuivait les hommes du Nord et empêchait constamment l’entente et l’unité d’action. Les jeunes enthousiastes ne comprenaient pas l’homme mûr. Causant un jour, avec Pestel, de la nécessité d’une dictature provisoire qu’on lui conférerait, Poggio ajouta: «Certainement cet état de choses ne durera que quelques mois». — «Comment, — s’écria Pestel, — vous pensez à changer toute cette machine gouvernementale, à lui donner une autre base, à habituer les hommes à la nouvelle organisation, et cela en quelques mois! — Il faut une dizaine d’années pour cela». — Pestel avait profondément raison. Que son ambition entrât ou non pour quelque chose dans ses opinions, cela est assez indifférent. Le fait grave est que Pestel comprenait la révolution bien autrement que ses amis de Pétersbourg. «Vous aurez beau proclamer la république, — disait-il dans une séance, — ce ne sera qu’un changement de nom. Il faut toucher à la propriété territoriale. Il faut, de toute nécessité, donner la terre aux paysans: ce n’est qu’alors que la révolution sera accomplie».

Après sa constitution, la société du Sud entra en rapport avec les sociétés politiques de Varsovie. Bestoujeff-Rumine, qui fut le premier à les découvrir, en fit part au directoire et reçut immédiatement mission et pleins pouvoirs pour entrer avec elles en relations. Les Polonais, de leur côté, envoyèrent Krijanowski. L’alliance eut pour bases: la reconnaissance par la société russe de l’indépendance de la Pologne et des provinces qui n’étaient pas encore complètement russifiées, y compris la province de Bélostok et une partie des gouvernements de Grodno, Vilna, Minsk et Podolsk; l’engagement, de la part de la société Polonaise, de commencer l’insurrection en même temps que la seconde armée, et de s’emparer de la personne du Grand-Duc. Une autre condition était exigée par la société russe, — et faut-il dire que c’est Pestel qui l’avait dictée — c’était la proclamation de la République en Pologne.

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Les Polonais ne voulaient pas se prononcer d’avance sur la forme du gouvernement; ils ne voulaient non plus s’engager à tuer le Grand-Duc. Bestoujeff-Rumine et S. Mouravioff, après de longues discussions, convinrent enfin avec les deux commissaires envoyés de Varsovie, Grodetzki et Carcoski, que les Polonais agiraient envers les membres de la famille impériale qui se trouveraient en Pologne de la même manière que la société russe agirait envers ceux qui se trouveraient en Russie. Pestel alla lui-même, accompagné du prince Volkonski à une seconde entrevue avec les commissaires Grodetzki et Yankofski.

Vers le même temps la section de la société du Sud qui portait le nom de Vassilkoff (de l’endroit où elle siégeait) découvrit une autre association fondée par un officier d’artillerie, Borissoff. L’idée dominante de cette société, qui, formée de Russes et de Polonais, portait le nom de Slaves-unis, était de travailler à la réunion du monde slave en une «République fédérale» dans laquelle chaque peuple devait conserver sa souveraineté entière et ne s’unir aux autres que par un lien fédératif. Bestoujeff proposa à cette société de se réunir à la grande association, ce qu’elle fit. Les Slaves-unis, cela est remarquable et montre que, sous la direction de Pestel, on s’accordait sur tous les points, s’arrêtèrent aussi à l’idée de tuer l’empereur Alexandre, et ce n’est que quelque temps après que S. Mouravioff les réunit définitivement.

III

Le moment d’agir approchait. La société du Sud se ramifiant dans toute la seconde armée, et la société de Pétersbourg entourant le trône et gagnant du terrain dans l’aristocratie, les circonstances étaient propices. Pestel, qui sentait parfaitement la nécessité pressante de l’action, n’était pas content du doctrinarisme de Pétersbourg et du manque d’unité qui existait entre les sociétés du Sud et celles du Nord. En 1824, il alla lui-même à Pétersbourg. Il exigeait la fusion des sociétés sous une même direction, et, après de longs débats, on y consentit. Mais d’un autre côté, on s’opposait beaucoup aux mesures violentes et décisives qu’il proposait. — Il y avait encore un parti qui tenait au régime constitutionnel,

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et ne voulait proclamer la République, qu’en cas de refus de l’empereur d’accepter la Charte. Dans ce cas on aurait exilé la famille impériale.

Pestel ne changeait pas d’avis. — «Nous voulons faire maison nette», disait-il; et son plan était de se saisir, par un coup de main, de l’empereur et de sa famille et d’en finir avec eux; de s’emparer aussitôt du Sénat et du Synode, de les forcer à proclamer le nouveau gouvernement, et, dès que cela

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