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Полное собрание сочинений. Том 13. Статьи из Колокола и другие произведения 1857-1858 годов

serait fait, de déclarer tous les fonctionnaires supérieurs, civils et militaires, démissionnaires, et de les remplacer par les membres de la société.

Cependant Pestel dut quitter Pétersbourg sans avoir complètement réussi. Il proposa alors une réunion générale définitive pour le commencement de 1826. Mais il exigeait que, si alors on tombait d’accord, on procédât immédiatement à l’action.

La position était difficile. Les jeunes gens turbulents et exaltés des sections du Sud, nommément de celle de Vassilkoff, étaient à grand’peine contenus par l’autorité de Pestel, et lorsque, tout à coup,

le gouvernement ôta, sans en dire la raison, le régiment de Saratoff à son colonel Schweikoffski — conspirateur ardent — l’insurrection fut près d’éclater.

D’un autre côté la société devenait trop grande, trop nombreuse pour rester longtemps secrète. Pestel avait donc raison: l’urgence était évidente, et nous avons la pleine conviction que si depuis la fin de 1824, on n’eût pas perdu un temps précieux, l’insurrection aurait eu de grandes chances de réussir. Mais les deux dénonciations envoyées à Taganrog (suites naturelles de cette perte de temps) et la mort inattendue d’Alexandre confondirent entièrement le plan de Pestel.

Il faut, du reste, se rappeler que du temps de l’empereur Alexandre, cette formidable police — création de Nicolas — n’existait pas. On ne pensait à aucune attaque. Les palais, les forteresses étaient plutôt gardés par convenance militaire que sérieusement. Et d’un autre côté il ne faut pas oublier la position sociale des chefs de la conspiration. Pestel demeurait au quartier général de l’armée de Wittgenstein, avec qui il avait des rapports journaliers, étant son ancien aide de camp. En même temps il était colonel d’un régiment qui lui était dévoué, et parmi ses amis, partageant complètement ses vues, étaient le général-intendant

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de la seconde armée, Youchnefski, et deux généraux actifs, Von Viezen et le prince Serge Volkonski.

Dans la même société du Sud nous trouvons, parmi les membres les plus énergiques, six colonels:

Artamon Mouravioff, du régiment des hussards d’Achtyrsk.

Narychkine, du régiment de Taroutino.

Schweikoffski, du régiment de Saratoff.

Avramoff, du régiment de Kazan.

Tiesenhausen, du régiment de Poltava.

Vranitzkoï, colonel quartier-maître, auxquels il faut ajouter Serge et Matthieu Mouravioff qui, tous les deux, étaient lieutenants-colonels.

Avec ces éléments, et ayant à leur disposition un grand nombre d’officiers, l’argent des régiments et tous les secrets de l’Etat-major, de l’Intendance et de la Chancellerie du maréchal, il ne leur était point impossible d’arrêter le prince Wittgenstein, le jour où le régiment de Viatka serait de service, d’attendre l’empereur Alexandre aux manœuvres et de se saisir de lui, d’arrêter les généraux supérieurs, d’occuper immédiatement la forteresse de Bobrouisk, pour avoir un point d’appui, et de s’entendre, de là, avec Varsovie et Pétersbourg. — C’est ce que

voulait Pestel.

La société du Nord, de son côté, devait tenter un mouvement insurrectionnel de la garde. Elle comptait parmi ses membres des officiers très influents, notamment le prince Troubetzkoï, colonel du régiment Préobrajenski et attaché à l’Etat-major, Mitkoff, colonel du régiment de Finlande, Nicolas Mouravioff, capitaine de l’Etat-major, le prince Obolénski, Bestoujeff, et des hommes remarquables par leur courage, comme Lounine, Yakoubovitch, Boulatoff etc.

Mais la force de la societé du Nord ne consistait pas exclusivement dans l’élément militaire. Partagée entre Moscou et Pétersbourg, cette société avait des membres dévoués ou des amis dans les diverses branches de l’administration centrale, dans la plus haute aristocratie et dans l’entourage de l’empereur. Chaque pas du gouvernement était immédiatement connu par les conspirateurs. C’est ainsi que, dans le rapport de la commission d’enquête, nous voyons le procureur du Sénat, Krasnokoutski,

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accourir, le 26 décembre 1825, chez Ryléïeff pour le prévenir que les sénateurs ont décidé de se réunir le 14, à 7 heures du matin, pour prêter serment à Nicolas. Le chef de la chancellerie du prince Golizine à Moscou, Semenoff, était membre de la société, et un autre membre Yakoubowitch était ami du comte Miloradovitch, gouverneur-général de Pétersbourg.

A la veille du 26 décembre, les conspirateurs furent chaque jour avertis des démarches de la famille impériale. Le jeune prince Odoïefski, officier de la garde-à-cheval, les tenait au courant de tout ce qui se faisait et même se disait au Palais.

Leur influence sur l’opinion publique était considérable. Hommes civilisés, énergiques et purs — ce qui n’est pas trop commun en Russie — ils dominaient une partie de l’aristocratie, et, par la littérature qui leur appartenait, toute la jeune génération. Les poèmes énergiques de Ryléïeff, les nouvelles de Bestoujeff, l’Etoile Polaire51[51] — annuaire qu’ils rédigeaient ensemble, la Mnémosine — revue faite par Küchelbecker et le prince W. Odoïefski circulaient dans les universités, les lycées, et même dans les écoles militaires. Ryléïeff est peut-être le plus remarquable des membres de la société du Nord. C’est le Schiller de la conspiration, l’élément exalté, adolescent, poétique, l’élément Girondin dans la meilleure acception du mot. Son poème de Voïnarowski (du temps de Mazeppa), ses légendes populaires, ont de grandes beautés. Sa poésie est pleine d’une résignation mélancolique. Pas de grandes espérances, mais un grand dévouement. Il va aux travaux forcés ou à la mort; il le sait, mais il demande: «Où donc avez-vous vu qu’on ait conquis la liberté sans victimes?» — «Je sais, — dit le cosaque Naliwaïko au prêtre qui le confesse, — je sais ce qui m’attend, mais je bénis mon sort avec joie!» — Voilà Ryléïeff tout entier. Quoique le dictateur élu fût le prince Troubetzkoï, c’était Ryléïeff qui, vers la fin de 1825, était le véritable chef de la société.

Pestel réussit à convaincre la société du Nord qu’il n’y avait pas de temps à perdre, et celle-ci se préparait à suivre la société du Sud, lorsque, coup sur coup, arrivèrent, comme autant de coups de tonnerre, ces nouvelles: Alexandre est mort. — La société du Sud

est dénoncée. — Constantin refuse la couronne. — Nicolas ne l’accepte pas.

Pour donner une idée de ce temps d’anarchie au palais, d’aliénation mentale du gouvernement durant les premiers jours qui suivirent la mort de l’empereur Alexandre I, nous traduisons quelques lignes de la lettre que nous avons adressée à Alexandre II à propos de la publication du livre de M. Korff.

«C’était un accès de folie, un moment de délire, qui s’était emparé du pouvoir. Korff en parle avec détail, et en donnant un cachet caractéristique à cet événement. En l’examinant avec des yeux ordinaires, en l’étudiant avec le plus grand soin, on n’y comprend absolument rien…

Que signifie ce mystère profond de la part de l’empereur Alexandre I qui, en rédigeant un acte d’une aussi haute importance pour le public, que le remplacement du frère aîné par son cadet dans la succession au trône, n’en parle à personne, à l’exception de deux ou trois amis, ne le fait connaître ni au Conseil d’Etat, ni aux ministres, ni aux hommes qui entouraient son lit de mort à Taganrog? — Que signifie cette longue suite de politesses de famille entre Constantin et Nicolas: „Je vous prie de passer le premier». — „Oh, non, de grâce, je vous suis».

L’impératrice Marie verse des larmes de désespoir; le grandduc Michel va ventre à terre de Pétersbourg à Varsovie; retourne ventre à terre de Varsovie à Pétersbourg; Nicolas prête serment de fidélité à Constantin; Constantin jure fidélité à Nicolas; tout le monde appelle à grands cris le césarévitch à Pétersbourg,. et le césarévitch ne bouge pas de son palais de Lazenki. Le premier qui revînt à la raison fut encore Michel, qui, s’étant arrêté à un relais entre Pétersbourg et Varsovie, y resta tranquille jusqu’à ce que les deux aînés eussent fini leur comédie.

Cette manière despotique de faire ses dispositions, et de les tenir cachées, quand il s’agit d’une couronne, ne prouve-t-elle pas le plus profond mépris pour la nation? Les destins de tout un peuple sont considérés comme de simples affaires de famille, et l’habitude de traiter ses sujets comme des choses est tellement enracinée, qu’Alexandre I lui-même, tout libéral qu’il fût, s’imaginait naïvement que la Russie était sa propriété: „Après ma mort on ouvrira mon testament et on verra à qui je lègue mon bien».

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Les conjurés, déjà trahis dans le Midi et à Pétersbourg, n’avaient pas de meilleur parti à prendre que de profiter de cette confusion d’abdication, de cette alarme dans laquelle étaient ceux qui avaient prêté serment et ceux qui ne l’avaient pas prêté, de cet interrègne avec deux empereurs. — Les troupes ne furent pas seules à perdre la tête dans cette occasion: le général-gouverneur de Moscou, sur un ordre de Miloradovitch, va, à la tête des sénateurs, prêter serment à Constantin. Le

métropolitain de Moscou, de son côté, ne veut pas assister au serment, disant que ce sont des cornets, et qu’il a son secret à lui, — dans la grande cathédrale de l’Assomption.

Du reste, l’essai insurrectionnel du 14 décembre n’était pas aussi insensé qu’on veut bien le représenter. Le livre de Korff le prouve mieux que toute autre explication. Les conjurés n’ont pas réussi, c’est tout ce qu’on peut dire; mais le succès n’était pas impossible. Que serait-il arrivé si les conjurés avaient rassemblé les soldats non pas au matin du 14/<26> mais à minuit, et si avec les forces dont ils disposaient ils avaient entouré le Palais d’Hiver, où l’on ne se doutait de rien? Que serait-il arrivé, si, au lieu de se ranger en carré, les insurgés avaient attaqué les corps de garde du palais encore indécis et irrésolus? Fallut-il beaucoup de force à l’impératrice Elizabeth I lors de son avènement au trône — à l’impératrice Catherine II pour détrôner Pierre III?

Il n’y a pas de gouvernement où l’on puisse changer plus facilement la personne du chef que dans un gouvernement de despotisme militaire, qui défend au peuple de se mêler des affaires du pays, qui interdit toute publicité. Cette machine sans

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