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Полное собрание сочинений. Том 13. Статьи из Колокола и другие произведения 1857-1858 годов

le Césarisme. Peut- on, au contraire, imaginer, par exemple, une Angleterre bonapartiste?

On dit pourtant que depuis quelque temps un grand changement s’est opéré dans l’esprit populaire en France. La docilité

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passive indique en effet un travail intérieur; mais nous avons peu de faits pour déterminer ce changement.

Il y a cependant un moyen très simple d’apprécier le lot de Dieu et le lot de César en France; le voici. Le régime abrutissant de l’impérialisme est détesté; car la France n’aime que la poésie du bonapartisme et non sa prose. Après tout, il n’y a pas de pays au monde qui courbe la tête sous le joug par amour pour la tyrannie. Toute la différence consiste en ceci, qu’un peuple souffre l’esclavage, pour un plat de lentilles ou pour autre chose, tandis que tel autre peuple ne s’en accommoderait pour rien au monde. Or, il y a une minorité de républicains, de socialistes qui protestent avec énergie contre l’oppression sous laquelle la France est écrasée. Cette minorité doit nécessairement être contre tout ce qui peut corroborer la puissance de Bonaparte et des janissaires qui le soutiennent. C’est évident.

Il y a quelques jours tout le monde a entrevu la possibilité d’une guerre entre la France et l’Angleterre.

L’Angleterre maintenant avec fermeté sa liberté et le droit d’asile; «The Empire espionage»83[83] du Times ne peut tolérer près de la France un reproche si vivant et si accablant; et, dès qu’il se sentira assez fort, Bonaparte fera la guerre à l’Angleterre. Chacun à sa place en ferait autant.

Je voudrais savoir, maintenant, quelle partie de la minorité française fera des vœux pour le succès des hordes zouaves en Angleterre et quelle autre regardera avec horreur cet attentat contre la liberté menacée de mort dans le dernier coin de l’Europe, et applaudira aux Waterloo futurs? Remarquez

qu’il ne s’agit que de la minorité: quant à la majorité, on peut être sûr qu’elle verra avec enthousiasme l’humiliation de la fière Albion.

Eh bien, les hommes qui préfèrent la gloire militaire de leur patrie à la liberté, n’aiment pas la liberté. Ce sont des Romains de l’ancienne Rome, des braves de la grande armée; se sont les derniers Abencérages, les derniers Mohicans… tout ce que l’on voudra; mais ce ne sont pas les hommes du nouveau monde.

On peut appliquer successivement cette épreuve à des séries de questions dumême genre. Le résultat sera presque toujours le même.

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La peau du vieil Adam tient d’autant plus fort qu’il ne s’en aperçoit pas. Le Français, convaincu qu’il est révolutionnaire et qu’il marche à l’avant-garde de l’humanité, n’a pas de preoccupations. Il est content de lui-même, et s’il a perdu son chemin et revient sur ses pas, il ne s’en rend pas compte. C’est justement ce qui nous fait penser que les Français devraient entreprendre un grand travail de remue-ménage intérieur, d’analyse psychiatrique. Cela leur serait si facile, ayant parmi eux de graves penseurs qui regardent, pleins d’amertume, tout ce qui se passe. Mais on ne les écoute pas. Ils sont trop peu patriotes, trop peu dans la tradition révolutionnaire, trop indépendants d’elle.

C’est là qu’est le mal: car c’est peu de renier la France monarchique et féodale; elle n’existe presque pas. Il faut s’émanciper de la France de Béranger. C’est peu de ne pas sympathiser avec la St. Barthélémy, il faut aussi ne pas sympathiser avec les journées de Septembre. C’est peu de ne pas vouloir se venger de Waterloo, il faut ne plus se complaire dans le souvenir d’Austerlitz.

Heureusement, plus que pour tout autre peuple vieux dans l’histoire, il est facile pour la France d’entrer dans une autre phase, et c’est un immense avantage qu’elle a. L’Angleterre, par exemple, comme les énormes châtaigniers de ses parcs, tient à son sol par des racines qui vont se ramifier et se perdre dans les profondeurs de la terre. Par un travail séculaire, elle a accumulé des richesses immenses; l’alliage n’est pas séparé de l’or, et elle tremble de les séparer, craignant que le métal ne lui échappe. La France, au contraire, n’a rien de définitivement acquis. Elle n’a fait que secouer d’une main vigoureuse la poussière gothique et la poudre de Versailles, elle n’est pas entrée dans un état normal depuis 89, et elle est encore en proie à toute agitation convulsive, à toute incohérence de la lutte qui a, déjà deux fois, abouti à une négation complète de tous les droits. Aimant l’émeute et la centralisation, dénuée de l’instinct de la liberté — et voulant émanciper les autres peuples, intolérante au nom de l’indépendance, la France n’est pas arrivée à fixer les points cardinaux de son édifice social. Ayant eu une coalition formidable à combattre, distraite par la guerre, elle a perdu dans les victoires toutes les acquisitions de 1789.

Elle a confondu la révolution avec la guerre, et ayant une fois voilé la statue de la liberté, elle n’a plus ôté le voile.

De génération en génération elle se lève, tient ses assises, reprend son alphabet de droit, le revise et puis l’oublie. Elle n’a pas de Credo de Nicée adopté une fois pour toutes; elle n’a pas de Common lau,; elle n’a pas de principes fondamentaux reconnus: non, rien de pareil. Les Français recommencent chaque fois par le commencement. «Quels sont les droits imprescriptibles de l’homme? — Est-ce que la liberté de la presse est un droit imprescriptible? — Est-ce que le droit de réunion doit être garanti?» Toutes ces questions, impossibles en Angleterre depuis Cromwell, en Amérique depuis Washington, sont posées en France à chaque changement de gouvernement.

Les solutions les plus excentriques sont quelquefois données à ces questions primaires; mais elles n’étonnent pas et même on les accepte. «Oui, les hommes peuvent se réunir si leur nombre ne dépasse pas 21. — Non, ils ne peuvent pas se réunir si leur nombre dépasse 21». Sur ce arrive une révolution, et de nouveau: «Quels sont les droits imprescriptibles de l’homme? — Est-ce que la liberté de la presse est un droit imprescriptible? — Est-ce que le droit de réunion doit être garanti?» — on change le dictionnaire et le vieil ordre de choses renversé reparaît aussitôt sous un autre costume. Cela me rappelle la farce qu’on jouait au Vaudeville, en 1848, — La propriété c’est le vol. Proudhon arrivait pour proclamer une nouvelle loi. Art. I. — Les agents de change sont abolis. Art. II. — Les agents de change sont rétablis sous le nom d’agents d’échange.

Si on veut suivre le fil rouge qui passe à travers les corsi e ricorsi révolutionnaires, on trouvera un élément constant dans toutes les variations, même dans les plus contradictoires; c’est le vieux péché romain — c’est le grand ennemi de la liberté — le gouvernementalisme, la réglementation d’en haut, l’imposition forcée par l’autorité. Chaque nuance qui arrive au pouvoir devient aussitôt Eglise, et — malheur aux schismatiques. Rien n’est laissé à l’individu; ses croyances, ses vertus, ses convictions, tout est ordonné par l’Etat. Des idées philosophiques sont proclamées sous forme de loi civile. On reconnaît l’Etre suprême par un décret. On oblige les gens à se tutoyer sous peine

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d’être suspects, et à être fraternels pour se mettre en règle avec la police. On intime l’ordre de croire à l’immortalité de l’âme… et ce n’est pas tout: on prend cela au sérieux; on obéit, et on punit les réfractaires.

Quel amour effréné du pouvoir a dû se développer dans ces circonstances, et aussi quel profond mépris pour l’individu! Peut-on trouver étonnant que Louis XIV, ayant passé par le bonnet phrygien, soit devenu Napoléon.

Cet état de fluctuation, d’incertitude de l’alphabet social ne peut plus durer. L’Empire est là, exterminant la pensée et l’aspiration, persécutant le regret et la douleur, écoutant aux portes et regardant par les fentes, corrompant, achetant, à prix d’argent et de croix d’honneur. Si on le laisse faire, chez un peuple qui n’a que des notions contradictoires sur le droit, pendant une où deux générations, il sera peut-être trop tard pour la guérison.

D’un autre côté le despotisme centralisé est toujours prêt à s’écrouler. Ce que Caligula désirait pour Rome, s’est accompli à Paris, — la France n’a qu’une tête. L’Empire met tout en enjeu sur une seule carte, qui peut sauter par une dépêche d’Eupatoria, par une bombe d’Orsini ou par le choléra du bon Dieu. — Et alors s’ouvre un champ immense.

Arrivée à ce point, la France peut-elle sortir — nouvelle Minerve toute armée de la tête fendue de cette larve qui l’enserre? — Nous l’espérons. Mais, dans tous les cas, elle n’en sortira pas sans avoir passé par le purgatoire d’une éducation bien différente de celle qu’elle a reçue jusqu’à ce jour. Il faut abjurer ses vieux péchés; il faut s’émanciper de la maison paternelle ou s’ensevelir sous ses ruines.

Cette éducation sera-t-elle longue?

Rome eut besoin, pour se régénérer, de quatre siècles de Césarisme avant Constantin, et de quatre encore après. Mais avec un conducteur comme le César actuel, on est sûr de faire un chemin rapide. Et puis… de nos jours, les morts vont vite!

20 mars 1858. Putney.

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ФРАНЦИЯ ИЛИ АНГЛИЯ?

Русские вариации на тему 14 января 1858

Брошюру эту, напечатанную по-французски шесть месяцев тому назад, я тогда хотел поместить в «Колоколе» — но время прошло, а перевода не было сделано.

На днях г. С. Тхуржевский получил перевод и спрашивал моего мнения, печатать ли его. Издание этой брошюры на русском языке я не считаю бесполезным, несмотря на то, что события, совершившиеся с тех пор, так ясно подтвердили мнения, нами высказанные, что самая возможность сомнения становится непонятной. Кто и теперь еще не разглядит, что представляет Франция и что представляет Англия, тот не близорук, а просто слепой или человек, забитый доктриной.

Все в Европе идет с поразительной быстротой к пятому действию, мы в антракте, и занавесь

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