дают в Виленской губернии и на каком основании переходят усадьбы, дом и проч.? Как только нам доставят эти сведения, мы их поместим.
ГРАФ ТАТИЩЕВ И ПРЕДВОДИТЕЛЬ ПАНТЕЛЕЕВ
Управитель Татищева в его имении, Лужского уезда, приказал молодому крестьянину идти в воду под запруду водяной мельницы для исправления повреждений — работа тяжелая, с которой одному справиться нельзя; крестьянин, опрокинутый быстриною, свалился с ног и потонул. Все это произошло на глазах его родных; они бросились на управляющего и поколотили его. Отсюда следствие, причем предводитель Пантелеев драл бунтовщиков, заключил некоторых в острог; говорят даже, что Татищев брата потопленного управляющим отдал в солдаты. Немец-управляющий остался в селе Ретенях.
Правда ли это, г. губернский предводитель, г. военный генерал-губернатор, — ведь — это в двух шагах от столицы? Ну как это дойдет до нежного сердца еманципатора Буткова и других вольнодумов комитета … А немец все сечет!..
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ДРУГИЕ РЕДАКЦИИ
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SUR LE ROMAN RURAL EN RUSSIE
(LETTRE A MSdle MEYSENBUG,
OU AU TRADUCTEUR DES PECHEURS)
J’apprends que vous avez terminé la traduction d’un roman russe de Grigorowitch Les Pêcheurs. Vous avez eu un travail bien rude. Le grand talent de Grigorowitch consiste dans une reproduction fidèle et poétique non seulement de la vie des paysans — mais aussi de leur langue… La langue parlée d’un peuple est très peu internationale.
Pourtant vous avez bien fait en choisissant un roman rural — il a acquis le dernier temps une certaine signification dans la littérature russe. Et ce qui est très remarquable c’est que ce roman — non dans le sens pastoral et idyllique, mais bien réaliste, avec un caractère patriarcal et tout plein de sympathie pour le paysan — succède brusquement au roman ironique, de négation, de protestation et peut-être de haine. Il me semble qu’il y a là un symptôme qui marque un grand changement dans les esprits.
Vous le savez qu’en général le roman, la comédie et même la fable russe — depuis le commencement de la littérature européisée chez nous — c’est à dire depuis la moitié du XVIII siècle — portait un caractère prononcé d’amertume ironique, de critique railleuse — qui ne se limitait que par la censure. Rien de débonnaire, de «gemütlich», nous n’avons jamais eu de période sentimentale — sauf le temps de la jeunesse de Karamzine, où l’on traduisait et copiait des romans à la Lafontaine. Aussi rien n’a été créé, rien n’a survécu d’un genre antinational et forcé — tandis que les comédies de Fonvisine écrites bien antérieurement restent dans la mémoire comme des vérités, des témoignages de leur époque.
La littérature russe, c’est à dire la littérature moderne et laïque s’est développée dans la minorité nobiliaire — détachée du peuple par la révolution de Pierre I. L’existence de cette classe du peuple était singulière — existence étrangère au milieu
d’une nation de même race. Au lieu de la patrie on avait l’Etat on travaillait à sa force, à sa gloire en écrasant la base naturelle sur laquelle l’édifice se reposait. Certainement, il y avait des nécessités historiques, qui créèrent cet état de choses — c’était même un progrès relatif — il ne s’agit pas de cela maintenant. Je voudrais tourner votre attention sur la confusion qui devait s’en suivre dans tous les rapports sociaux; des collisions tristes et comiques devaient se produire à chaque instant: patriarcalisme et bureaucratie, byzantisme et germanisme, barbarie mongole, brutalité de caserne, et la philosophie du XVIII siècle! Enfin un empire gigantesque — où il n’y avait personne à l’exception de l’empereur, le reste des masses uniperson
Entre la classe civilisée et le peuple — rupture complète — autre costume, autre langue, autres idées. — C’était deux Russies se tenant en face pendant plus d’un siècle sans le comprendre. L’une urbaine, courtisane, militaire, gravitant vers le centre, entourant le trône, méprisant et exploitant l’autre. L’autre — agricole, éparpillée, vilaine, moujique, mise hors la loi. Entre ces deux Russies il se forma bientôt un lien — ou plutôt un entremetteur — l’employé de l’Etat, moins carnassier et plus voleur que le seigneur, — c’est le type le plus hideux qu’on puisse s’imaginer. Cette noblesse d’encre montait toujours des basfonds de la société et se confondait avec la noblesse de sang mais ne descendait jamais au peuple.
La minorité civilisée entraînée par le courant imprimé aux esprits par Pierre I — suivit pendant une cinquantaine d’années le char impérial — servant de fanfare et de panégyriste. Cela ne pouvait durer à la longue. Les premiers esprits sérieux et indépendants comprirent les anomalies de cet état de choses provisoire et voyant les dissonances criantes, l’arbitraire, l’absurde à droite et à gauche — sans autre arme que la satyre, ils commencèrent une opposition d’ironie, une véritable flagellation de la société — pleine d’amertume, d’acharnement sans tergiversation sentimentale, sans solution à l’eau de rose (ohne Vermittelung).
Une des qualités du génie russe — qui le distingue même des autres slaves — c’est de pouvoir de temps en temps se replier sur soi-même, nier son passé, l’envisager avec une ironie profonde, sincère, inexorable et d’avoir le courage d’avouer sans le cynisme d’un malfaiteur endurci ni l’hypocrisie qui s’inculpe pour être disculpé des autres.
Pour rendre plus clair ce que je veux dire, j’ajouterai que nous retrouvons ce mêaie talent de sincérité et de négation — chez quelques grands auteurs anglais à commencer par Shakespeare
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et Byron et allant jusqu’à Dickens et Thackeray. Le Français, plus content de soi et toujours en admiration de sa grande patrie — connaît pau cette corde. Si nous exceptons quelques fragments de
Diderot, quelques vers de Barbier — nous n’avons après Montaigne presque rien dans la littérature française qui pourrait servir de preuve du contraire. Et le seul homme de génie et d’initiative parmi les écrivains français, Proudhon a beaucoup perdu de sa popularité — à cause de sa langue pleine d’audace ironique et de scepticisme profond. Les Allemands, au contraire, ont la négation trop facile, cela ne leur coûte rien — car elle aussi elle se fait dans les sphères abstraites, sub specie aeternitatis.
Pourtant la rupture n’était pas si complète, si venimeuse de prime abord entre la littérature russe et la vie qui l’entourait. Jusqu’au règne de Nicolas il y avait encore dans l’opposition littéraire quelque chose de condescendant, de conciliant, le rire n’était pas complètement amer. Nous retrouvons cela et dans les fables admirables de Kryloff (dont la portée d’opposition n’a jamais été bien appréciée) et dans la comédie célèbre de Griboïedoff — Le malheur d’avoir de l’esprit. Mais lorsque — après la tentative révolutionnaire de 1825 le régime brumeux et oppressif de Nicolas — s’appesantit sur tout mouvement intellectuel — un désespoir taciturne, concentré se mêla au rire, et une douleur bien autre se fit sentir à travers les découpures de la censure. Comparez par exemple les sons de tristesse de la poésie de Pouchkine — avec ceux qui percent dans les vers de Lermontoff — il y a une indignation pleine de vigueur dans le premier et un scepticisme sans espoir d’une âme brisée dans l’autre.
La littérature de cette époque commença par un prologue qui comme l’inscription de la «Città dolente» ôtait même l’avenir et tuait l’espérance. Je parle de la célèbre lettre de Tchaadaïeff272[192], méconnu maintenant, mais qui ébranla toute la Russie en 1835. On s’orientait, on tâtait ça et là, on essaya le roman historique et le roman de mœurs et on fit du Walter Scott et de l’ermite de la Chaussée d’Antin — tout cela ne prenait pas ou avait un succès éphémère.
Pourtant peu-à-peu dans ce vague d’imitation, d’essais, de tiraillement deux directions commencèrent à se dessiner.
D’un côté c’était le cri de douleur, de protestation d’un homme jeune, qui sent des forces dans ses muscles, qui a soif d’une activité — et qui se voit dans un gouffre sans issue, avec
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des désirs ardents et une impuissance complète de se mouvoir. Et voilà pourquoi le même type se reproduit dans les poèmes, les nouvelles, les romans. Le type d’un jeune homme brisé — avec de nobles aspirations — allant s’exiler quelque part, se perdre, périr comme une inutilité, comme un être superflu, surnuméraire. Onéguine, Vladimir Lénski — de Pouchkine, Pétchorine de Lermontoff — et les héros des premières nouvelles de I. Tourguéneff — c’est toujours la même personne. Il y a un grand manque d’entendement et de cœur — de ne trouver en cela que l’influence de Byron, qu’une rêverie idéaliste, non, c’est le reflet du règne atroce de Nicolas, c’est son influence. L’âme jeune d’une génération persécutée, humiliée, garrottée — fuyait avec mépris la réalité et montrait au loin son idéal. C’était la conscience de ce qu’il y avait dans notre cœur d’aspiration à une autre existence que celle d’un copiste muet, d’un militaire sans parole, d’un employé qui vole ou d’un seigneur qui pille.
Cet être idéal, cet homme «étranger parmi les siens», inutile — était toujours tourné vers l’Occident — et c’était tout naturel. La patrie de la civilisation, de la pensée — était hors la Russie. Nicolas avouait franchement qu’il ne savait quoi faire de la civilisation — tout ce qui était humain lui était étranger. L’Europe lointaine révolutionnaire — avec le vernis de 1830 — nous paraissait de là comme la terre promise.
D’un autre côté laissons là les idéalistes et les rêveurs humanitaires. Le roman et la nouvelle s’abatt irent avec acharnement sur un produit bien plus terrestre et tout à fait national — sur le vampire de la société russe, sur l’employé de l’Etat. Son maître le livra lâchement à la littérature pourvu que les auteurs ne s’attaquassent qu’aux subalternes. Cette nouvelle direction fit de suite un succès prodigieux. Un des premiers chasseurs intrépides, qui ne craignant ni la vermine ni l’air