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Полное собрание сочинений. Том 13. Статьи из Колокола и другие произведения 1857-1858 годов

contagieux est allé poursuivre son gibier à plumes taillées — dans les chancelleries et les cabarets, entre les paperasses et parmi les sergents de ville — était le Cosaque Louganski (pseudonyme de M. Dahl). Petit Russien d’origine, il avait peu d’amour pour le fonctionnaire Moskal; doué d’un grand talent d’observation, il connaissait parfaitement le peuple. Aussi il en a eu l’occasion. Il traversa la Russie comme docteur en médecine, servit ensuite à Orenbourg près de l’Oural, fut longtemps attaché au ministère de l’Intérieur — voyant tout, regardant tout et racontant une partie — avec une verve de malice et d’originalité — d’un haut comique quelquefois. Bientôt après parut N. Gogol — qui a imprimé sa direction et même sa manière à une génération entière. C’est difficile pour un étranger de comprendre quel effet prodigieux produisit chez nous la représentation

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Du Reviseur au théâtre — cette pièce qui a fait un fiasco complet à Paris. Par le rire et les bravos le public chez nous protestait contre l’administration stupide et tracassière, contre une police voleuse et le «malgoveno» général.

Son grand poème en prose Les âmes mortes, ce roman macabre, fit en Russie une sensation dans le genre de celle qui a été provoquée en France par le Mariage de Figaro. En contemplant cette ménagerie de seigneurs et d’employés — repus, avinés, ignares, marchant dans les ténèbres les plus profonds et occupés de l’achat et de la vente des «âmes des paysans morts» — il y a de quoi devenir fou.

Et pourtant chez Gogol lui-même on sent quelquefois vibrer une autre corde, ce sont comme deux courants dans son âme. Dès qu’il monte dans les appartements du chef de déparlement, du préfet, des seigneurs campagnards, des que son héros a au moins la croix de Ste Anne et le rang d’assesseur de collège — il est atrabilaire, inexorable, d’une verve sarcastique qui fait rire jusqu’aux spasmes et provoque à un mépris allant jusqu’à la haine.

Au contraire, dès qu’il s’encanaille avec des rouliers de la Petite Russie, avec les descendants des cosaques de l’Ukraine, avec les paysans dansant avec bruit autour d’un cabaret ou même dès qu’il nous peint un pauvre vieux scribe, mourant de chagrin qu’on lui a volé son manteau — c’est un tout autre homme, avec le même talent, il est tendre, aimant, humain — son ironie ne blesse plus, n’envenime pas, c’est un débordement, un luxe d’une âme impressionnable et poétique — et il reste fidèle à ce rôle, pourvu qu’il ne rencontre pas sur son chemin un commissaire de police, un juge de première instance, sa femme ou sa fille… — car alors c’est fini, il leur ôte leur masque humain et les met à la torture de l’exposition publique — avec un rire fou et amer.

Pendant que toute la minorité civilisée rougissait en se reconnaissant sous les traits de Khlestakoff et de Nosdreff et abhorrait de plus en plus le milieu dans lequel elle a été jetée — on entendait une autre voix de loin, d’en bas comme une voix de consolation, des sons simples, quelquefois plaintifs, mais sans la moindre ironie, des sons d’une fraîcheur naïve et primordiale. C’était comme l’herbe verte poussant au-dessous de la neige lors du débâcle printannier.

Ces sons n’étaient pas falsifiés, ce n’était pas un costume de bal masqué d’une muse aristocratique qui se met par coquetterie en paysanne. C ‘était tout de bon des chants d’un jeune et simple bouvier de Voronèje qui traversant à cheval les déserts aves ses troupeaux, chantait d’ennui et de tristesse, chantait la vie des paysans et ses propres chagrins — il était maltraité par

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un père dur, par une famille grossière, et il aimait tendrement une pauvre ouvrière, qui faisait le ménage dans leur maison et qu’on avait renvoyée pour cela.

C’était un autre monde qui se révélait dans les chansons de Koltzoff — monde triste, malheureux, mais très loin d’être ridicule — au contraire, touchant, doux dans sa simplicité naïve, naturelle, dans ses misères résignées — c’était la Russie oubliée, l’autre Russie — vilaine, moujique, qui se faisait entendre enfin, la Russie qui arrêtait par moment l’ironie de Gogol et le faisait joyeux convive de bourreau.

Le temps était donc arrivé où Gendrillon allait passer aux salons. Le courant de dessous commença à l’emporter. La Russie civilisée comme le Dieu de Baranger — regarda enfin avec curiosité ce bas monde, qui pullule et travaille aux champs. — Tiens, mais ils sont plus hommes que nous ne l’avons pensé! — Ah que c’est drôle! — C’était en effet une grande découverte!

Et chose très remarquable — c’est que le saul parti qui s’appelle national par excellence, le parti moscovite dont on a fait un croque-mitaine pendant la guerre — soit le seul qui n’ait rien contribué à cette découverte. Il est vrai que les panslavistes comptent Gogol parmi les leurs, — c’estla canonisation d’Aristote. Gogol n’appartenait jamais à aucun parti. Le mot de l’énigme consiste simplement en cela — qu’ils ne connaissent pas le peuple vivant, ils ont construit (terme de la philosophie allemande) — un pauple russe d’après des études faites sur les chroniques de Nestor, sur les traditions des autres races slaves — sans se donner la peine de connaître celui qui vivait dans leurs pieds. Koltzoff lui-même, le poète-bouvier, n’a jamais été parmi les retrovolutionnaires moscovites.

Lorsque le temps est mûr pour éclore une idée — on est entraîné par elle sans qu’on y pense. Un des Coryphées distingués de la tendance byronnique après avoir fouillé dans les entrailles d’une société mesquine et vulgaire dans laquelle étouffait dans le néant des petites misères tout ce qui osait prétendre à une autre existence — une fois il entreprit de faire à sa manière le portrait de deux pauvres paysans, il leur donna, évidemment pour la charge, à l’un le caractère de Gœthe, à l’autre le caractère de Schiller. Mais à mesure que Tourguéneff perd de vue la maison seigneuriale et la mansarde de l’intendant — il s’entraîne par son sujet, la plaisanterie s’efface de plus en plus — et l’auteur nous trace deux types sérieux, poétiques de paysans russes. Le public qui ne s’attendait pas à cela, applaudit. L’auteur paraît avec son second récit d’un chasseur — il était admirable — et ainsi de suite.

Tourguéneff a aussi sa bête noire — il ne rogne pas les os laissés par Gogol — il a une autre proie — c’est le seigneur du

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village, madame son épouse, son cabinet, son intendant, le starost du village. Jamais l’intérieur de la maison seigneuriale en Russie n’a été tant livré à la risée, au dégoût, à la haine. Avec cela il faut remarquer que Tourguéneff n’emploie jamais de fortes couleurs, d’expressions énergiques… au contraire, il raconte avec une grande placidité, employant toujours la langue la mieux élevée — ce qui ajoute immensément à l’effet de ce plaidoyer poétique contre le servage.

Tourguéneff ne s’est pas arrêté au martyrologe du paysan, il n’a pas craint d’aller trouver le serf domestique dans sa chambre étouffante, oà il n’a qu’un seul consolateur — l’eau de vie. Il nous a retracé l’existence de ces «Uncles Tom» russes — avec cette mesure de l’artiste — qui défiait même la double censure nicolaïste et en même faisait frémir aux récits de cette souffrance mesquine, inhumaine, sous laquelle une génération succombe après l’autre — sans espérance et non seulement avec l’âme outragée, mais avec le corps couvert de meurtrissures.

Le nom de I. Tourguéneff, comme celui de Grigorowitch — ne sera pas oublié par le paysan russe, ni par l’affranchi. Maintenant, la veille de l’émancipation, sous un règne plus doux beaucoup prêchent contre le servage. Ils ont fait en poètes et artistes au milieu de la terreur brute de Nicolas.

Je connaissais fort peu de choses écrites par Grigorowitch en partant de la Russie — il était alors un des jeunes littérateurs qui commençaient à écrire. C’est à Naples que j’ai lu en 1848 son Antoine souffre-douleur, la simple histoire d’un paysan persécuté par l’intendant pour avoir écrit sous la dictée d’autres paysans une supplique contre lui — qu’ils ont adressée à leur maître. Ce «mémento patriam» était bien dur au milieu du temps révolutionnaire, bercé par l’air suave et caressant de la Méditerranée. J’eus honte, comme un remords de me trouver là où j’étais. Le paysan serf, ridé avant l’âge, pauvre, bon, doux, innocent et allant la chaîne aux pieds — en Sibérie… me poursuivait au milieu de cette nature splendide.

Le roman que vous venez de traduire forme une nouvelle phase de la poésie rurale. Le courant de dessous a vaincu, — le seigneur du village, l’intendant, le juge voleur, le commissaire assassin — tout cela a disparu — le type vigoureux tout de nerfs et de muscles, le type de Gleb Savinoff — paysan pêcheur domine tout. C’est déjà la vie du paysan — non dans la lutte inégale contre les droits iniques du seigneur, contre les extorsions chicaneuses de l’administration — c’est la vie du paysan für sich.

L’ennemi qui paraît dans les Pêcheurs est déjà de la maison, c’est le commencement d’une toute autre lutte — la lutte du patriarcalisme agricole, frugal, simple, sobre, — avec l’élément bourgeois — prolétaire, travaillant dans les villes, dans les fabriques,

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corrompu, vagabond… mais la lutte est déjà plus humaine, ce n’est pas la force majeure brutale, ce sont les mêmes armes, ce sont des égaux — et une intervention inutile et bienfaisante de la police est la faute la plus grande de tout le roman de Grigorowitch — parce que c’est une inconséquence et contraire à la réalité.

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ПРИЛОЖЕНИЕ

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КОРРЕСПОНДЕНЦИИ, ОБРАБОТАННЫЕ В РЕДАКЦИИ «КОЛОКОЛА» 1858

ПРИЛОЖЕНИЕ КРЕПОСТНОГО ПРАВА К ЖУРНАЛИСТИКЕ

К кому и к чему не прикреплялись у нас

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