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Полное собрание сочинений. Том 18. Статьи из Колокола и другие произведения 1864-1865 годов

autre liberté, la liberté dorée, la liberté… avec la terre.
Le Tzar lui répondait par des coups de fusil; mais le paysan tombait en maudissant la noblesse, et gardait sa confiance dans le Tzar.
Le gouvernement, qui jusqu’alors avait traité le peuple avec un souverain mépris et avec la dureté combinée du seigneur et du militaire, commença dès lors à apprécier la force que le peuple lui apportait.
La situation était complètement changée; et le gouvernement, soutenu par la force populaire, pouvait hardiment en 1860 — 1861, aller en avant et faire des réformes sérieuses. Au lieu de cela, le gouvernement ne se sentit pas plus tôt puissant, qu’il employa sa puissance à rebrousser chemin et à consolider l’autocratie.
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Tant que dura la lutte entre le gouvernement et la noblesse, la littérature, sans distinction de nuances, soutint le gouvernement dans son projet d’émancipation des paysans. C’était un spectacle tout nouveau; mais l’entente ne fut pas de longue durée. A peine l’acte d’émancipation fut-il proclamé, qu’une fraction de la littérature tourna à l’opposition et engagea contre la littérature gouvernementale une lutte sourde, inégale, dont tout le poids devait nécessairement retomber sur le parti radical.
L’attitude de la jeunesse russe envers la Pologne qui commençait alors sa mélancolique protestation de prières et de deuil, et l’apparition d’une série de proclamations, clandestinement imprimées à Pétersbourg, et de livres et de journaux russes, provenant des presses étrangères, envenimèrent la lutte.
Lorsque les premières victimes tombèrent à Varsovie, il se produisit en Russie une chose inouïe: des étudiants et des officiers de la garde impériale et de l’armée firent chanter des messes de morts pour les Polonais massacrés; et cela à Pétersbourg, à Moscou, à Kiev, et dans les corps d’armée qui se trouvaient en Pologne. Le gouvernement, qui n’était nullement habitué à ce genre de démonstration, fut exaspéré; mais ce qui porta son exaspération au comble, ce fut le fait encore plus grave qui se produisit à Kazan.
Les étudiants de cette ville se réunirent dans l’église de l’université pour prier pour l’âme du paysan Anton, fusillé par les ordres du comte Apraxine, à la suite d’un soulèvement sans armes, supprimé avec une férocité sanguinaire; un professeur de l’université, appartenant au clergé, Tchapoff, prononça un discours funèbre à la gloire du martyr; c’était plus que le gouvernement n’en pouvait supporter.
Il commença par des persécutions isolées. Les officiers qui avaient fait célébrer les messes de morts pour les Polonais furent traduits devant des conseils de guerre. Tchapoff, immédiatement arrêté, fut
jeté dans les prisons de la police secrète57[57]. Les procès politiques presque oubliés depuis la mort de Nicolas, reprirent leur cours. Le poète Mikhaïlov, pour avoir adressé à la jeunesse un appel qui n’avait eu aucune suite, fut condamné à sept années
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des travaux forcés dans les mines. Il était en route, et n’avait pas encore eu le temps d’arriver à sa destination, que de nouvelles arrestations et de nouveaux procès vinrent alarmer le public.
Au nombre des arrêtés se trouvaient des militaires, comme Obroutchev, des officiers de la garde, comme Grigorieff.
En 1862, le gouvernement fit traduire devant un tribunal à Varsovie trois jeunes officiers russes — Arnholt, Slivitsky, Kaplinsky et un sergent Rostkovsky, comme faisant de la propagande dans l’armée, comme fondateurs d’une société secrète parmi les officiers, et comme dévoués à la cause polonaise. Ils furent fusillés, à l’exception de Kaplinsky qui fut envoyé aux travaux forcés. Un soldat, Stchur, fut passé par les verges, pour ne pas avoir dénoncé les officiers.
L’empereur Alexandre n’aime pas à confirmer de sa main les arrêts de mort: il laisse cette besogne à ces lieutenants. La sentence des pauvres officiers fut donc signée par le général Lüders. Quelques jours après l’exécution, une balle tirée dans un jardin public, à Varsovie, lui fracassa la mâchoire.
Au mois d’octobre, un colonel distingué, couvert de blessures et de croix, Krassovsky, fut conduit sur la place publique, à Kiev; on lui arracha ses epaulettes et ses décorations; on lui jeta un habit de condamné aux travaux forcés; on lui mit les chaînes aux pieds, et on l’envoya aux mines pour douze ans. Son crime était d’avoir fait de la propagande parmi les soldats, en les suppliant de ne pas tirer sur les paysans.
Le gouvernement, troublé, ne savait comment se tirer d’affaire, ni comment, sans faire la moindre concession, garder sa réputation de libéralisme. La tâche était difficile. Nicolas avait été beaucoup plus heureux dans la simplicité de son despotisme.
Les persécutions des étudiants à Pétersbourg et à Moscou ne réussirent pas. Elles étaient trop grossièrement arrangées, trop brutalement exécutées.
L’empereur lui-même s’aperçut de la faute qu’on avait faite, éloigna l’amiral de l’instruction publique, éloigna le gouverneur général de Pétersbourg, et se décida à faire l’essai d’une nouvelle méthode beaucoup plus civilisée.
L’inauguration de cette nouvelle méthode, qui eut un succès complet, et sous l’influence de laquelle la Russie se trouve encore
actuellement, est principalement due à deux hommes d’état, jeunes, éclairés, et dans la plénitude de leurs forces.
Nous parlons du ministre de l’instruction publique Golovnine et du ministre de l’intérieur Valouïev.
Lorsque tous les instruments furent bien préparés, et que l’orchestre n’eut plus qu’à attendre le coup d’archet du maître de chapelle, et celui-ci qu’une bonne occasion pour le donner, il arriva un de ces à propos que le hasard fournit toujours à ceux qui les désirent et qui ont la force en main. Ce fut l’incendie qui eut lieu à Pétersbourg, incendie historique, dont nous avons déjà parlé dans la préface.
M. Golovnine — l’admirateur de l’indépendance des employés — fut nommé, en remplacement de l’amiral Poutiatine, au ministère de l’instruction publique. Homme intègre, ayant de plus la réputation d’un philosophe, il s’arrangea si bien que, tout en parlant constamment de la liberté de la presse… dans l’avenir, il rendit provisoirement la censure trois fois plus rigoureuse. Il offrait aux journalistes, en ayant l’air de recevoir leurs avis, des conseils si éloquents que le ton des journaux changea à vue d’œil. La même méthode fut employée dans les affaires du ministère. Après avoir parlé, des mois entiers, dans les feuilles publiques, des réformes, dans le sens progressiste, qu’il était nécessab re d’introduire dans l’administration des universités, on finit par des règlements qui enlèvent aux étudiants jusqu’au dernier vestige de l’indépendance.
Et ce qui en fait le plus grand mérite, de ces règlements, c’est que ce n’est par le ministère qui les a proposés: M. Golovnine ayant laissé l’initiative et l’élaboration du projet aux conférences des professeurs.
Ce que Golovnine faisait, comme penseur et philosophe au ministère de l’instruction publique, M. Valouïev le faisait en homme du monde consommé au ministère de l’intérieur; et cela avec plus de franchise, c’est-à-dire avec moins de précautions. Il est vrai que l’administration de ce ministère offrait une matière beaucoup plus souple: elle n’était pas composée de vieux professeurs et de jeunes savants, mais d’employés émérites de la police, et de jeunes gens enthousiastes de l’idée… de se faire une carrière.
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Valouïev faisait donc ses petites affaires de la direction de l’opinion publique avec une certaine gaieté. On savait, par exemple, qu’un journaliste était endetté jusqu’aux oreilles, qu’il jouait aux cartes, qu’il avait du style et peu de conviction, libéral, du reste, par réminiscence. On trouvait ses articles instructifs. Le simple devoir disait au ministre d’encourager, de soutenir un homme de talent… qui avait le malheur de perdre beaucoup au jeu. On l’encourageait donc un peu. Par reconnaissance, il balbutiait quelques éloges, en mettant en relief les vertus intérieures du gouvernement — et perdait le double. Tout à coup l’encouragement cessait… et la réputation aussi;
car, chose étonnante, tout le monde savait que le rédacteur avait été encouragé. L’année se terminait, et les souscriptions aussi (ce n’est qu’en 1863 que le public a commencé à lire avec sympathie les journaux encouragés). Le rédacteur aux abois allaita Pétersbourg, solliciter le ministre.de le sauver. On trouvait cela difficile. Cependant on pouvait donner à son journal le droit, par exemple, d’imprimer les annonces du ministère de la guerre. Mais il y avait à cela quelques difficultés. Le ministre de la guerre n’était pas d’un libéra lisme avancé comme Valouïev. Par une singulière coïncidence, le rédacteur trouvait aussi que de jour en jour il devenait lui-même moins libéral. Il obtenait le privilège des annonces, et se trouvait ainsi au nombre des journalistes encouragés.
Comme le nombre des journaux et des revues répandus en Russie est très restreint, les affaires, grâce à l’application de cette méthode d’encouragement, aidée de la doctrine du ministère de l’instruction publique, et de deux ou trois feuilles in partibus infidelium, qui représentent, pour ainsi dire, l’indépendance internationale des opinions européennes — les affaires marchaient très bien. On faisait des dissertations chez Golovnine; on riait chez Valouïev: et la presse devenait de jour en jour plus conservatrice.
L’incendie qui eut lieu à Pétersbourg fut le véritable triomphe de la méthode.
Le général Potapov, chef de la police secrète, disait à cette époque à une de nos connaissances: «II ne s’agît plus maintenant de vouloir soutenir Ou renverser telle ou telle institution — chose que l’on peut discuter; non, il s’agit de serrer nos rangs, et de
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nous unir au gouvernement pour sauver la civilisation: elle esten danger!»
Un homme émettait-il une opinion indépendante, et qui, pour son malheur, ne fut pas d’accord avec les opinions tolérées, par le gouvernement, il était immédiatement accusé, si non d’avoir incendié lui-même Pétersbourg, au moins d’avoir des sympathies pour les incendiaires. Et Potapov se frottait les mains. La moitié de la besogne de sa chancellerie était faite par la littérature.
Le zèle, l’indignation des journaux dépassaient toute mesure.On provoquait le gouvernement à des rigueurs exceptionnelles,extraordinaires.
«Tout le monde», s’écriait la revue de M. Kraefsky „Les Annales patriotiques», — compte que la police découvrira ces monstres, que

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autre liberté, la liberté dorée, la liberté... avec la terre. Le Tzar lui répondait par des coups de fusil; mais le paysan tombait en maudissant la noblesse, et gardait sa