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Полное собрание сочинений. Том 25. Письма апрель 1850-декабрь 1852

Je laisse à N elle-même le soin de vous raconter le coté lyrique de cette réconciliation et de la complète harmonie dans notre vie de famille, qui dura jusqu’à ce qu’un malheur affreux vint nous frapper. Le 16 novembre ma mère, mon second fils et un de mes amis, son instituteur, périrent dans la Méditerranée. Ce coup abattit la santé de N; la débilité et la faiblesse finirent par une maladie aigüe. Elle gagna une pleurésie; le 2 et le 3 janvier le mal empira de manière que les médecins commencèrent à douter de la possibilité de la sauver.

C’est le temps que choisit ce misérable pour m’envoyer une ignoble provocation. Il savait tout ce qui se passait chez nous par sa femme, qu’il avait forcée à vivre à Nice. Je n’aurais pas ouvert sa lettre s’il n’avait pas écrit sur l’enveloppe: «Provocation honorable». — Eh bien, au lieu d’un cartel, j’ai trouvé une lettre sale, dégoûtante de cynisme, pleine de dénonciations contre N et de révélations inqualifiables. Il couvrait la sordidité de sa démarche en disant: «On vous a dit tout», — comme si jamais j’eusse voulu m’abaisser, moi, et abaisser N jusqu’à un récit révoltant des détails. — Je parlai de cette lettre à un de mes amis, Mr Engelson (la seconde personne, après Sasonoff, avec laquelle j’ai parlé de l’affaire). Quel fut mon étonnement lorsque je vis qu’il était bien instruit de tout ce qui s’était passé. Mr et Mme H ont initié toutes leurs connaissances à la triste histoire de notre rupture, oubliant que le titre de traître revenait de droit à l’un, comme celui d’entremetteuse

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à l’autre. J’en étais ébahi et scandalisé. Quel duel pouvait arrêter les on-dit? — Et N avec moi gardant le plus profond secret, nous leur avions laissé tout le temps pour répandre les calomnies les plus infâmes. — Le lendemain on savait déjà qu’une provocation m’était adressée; l’individu en avertit sa dame. Peu de jours après Mme Reichel communiqua de Paris à N qu’une provocation m’était envoyée, comme elle venait de l’apprendre de M. Kolatchek.

Faire un duel de parade avec l’intervention de la héroïne de Bade, c’était trop ridicule pour une si triste histoire. Le duel ne réparait rien, il était stupide, c’était un guet-apens; le seul homme qui pouvait se réhabiliter par le duel — c’était lui. Quant à mon honneur — je n’y pensais pas trop; je voulais punir ce scélérat, me venger, mais défendre mon honneur contre lui, cela ne me préoccupait que médiocrement. Je le dirai franchement; mes antécédents, — à commencer par la prison et l’exil de 5 années aux frontières de la Sibérie et à finir par mon expulsion de Paris, — m’ont donné sinon des droits, au moins quelque confiance en moi-même. Si mon honneur pouvait dépendre d’un traître, dont les antécédents ne sont pas moins connus que les miens, je voudrais être déshonoré.

Refuser un duel n’est pas chose légère. N’oubliez pas que je vous écris deux mois après la provocation. J’ai fait pendant ce temps une véritable maladie psychologique — avant d’engager mon honneur à moi-même par une décision immuable, forte, de tenir tête à cet homme dénué de tout sentiment de noblesse, de dignité, et aux préjugés invétérés — en persistant dans mon refus d’élever ce misérable à l’honneur d’un duel. Je connaissais très bien, à quel monstre puissant et implacable j’allais m’attaquer. La divinité altière, inhumaine et injuste du point d’honneur, est omnipotente; elle fascine les hommes les plus indépendants, et ils s’arrêtent devant ses décrets et renient leurs convictions pour montrer qu’ils ont assez de courage pour soutenir la vue d’un pistolet. Je m’insurge contre le despotisme, car moi, je me sens pur et innocent, car je me sens la force de faire appel à mes amis et de leur tout dire. — Mon refus avait encore une autre signification plus étendue; j’ai voulu par ce fait définitivement, solennellement reconnaître en réalité la liberté de la femme. J’ai voulu donner toute la plénitude de l’indépendance à la femme pour se réhabiliter elle-même. Ce ne sont que les imbéciles, les mineurs et les faibles qui doivent être défendus par les autres — mais cette femme est forte, et elle est plus forte seule. Cet homme, pour se venger de ce qu’une femme n’est pas restée fidèle au crime, qu’elle ne voulut pas subir son esclavage, veut l’écraser par son cynisme. — Eh bien, elle l’écrasera par la grandeur de son repentir… A peine depuis un mois cette

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femme a commencé à parler, et déjà l’opinion étonnée se tourne vers elle. Naguère encore on me plaignait seul et on répétait les accusations calomnieuses répandues pendant une année par dame H, et maintenant déjà on trouve N sublime d’énergie, de volonté.

Voilà le commencement de mon triomphe!

Je m’arrête, cher Haug. — Les détails, les lettres écrites par mes amis, les démarches insolentes et stupides de l’individu, son refus, p. ex., de recevoir la réponse de mon témoin, la demande d’un duel à huis clos, le renvoi d’une lettre — tout cela vous sera raconté par mes amis, qui se pressèrent autour de moi avec cette bienveillance et ce dévouement qui me donnèrent les forces pour supporter le chagrin de l’humiliation. Ces récits ne peuvent en rien changer les faits principaux; vous y verrez seulement jusqu’où peut aller la corruption dans une âme vile, vulgaire, bourgeoise et lâche. Car, au fond, à quoi bon cette parade de rhétorique, tant de lettres, tant de mots? — Pourquoi n’est-il pas venu à l’improviste, le pistolet à la main; pourquoi s’est-il enfui de la maison, pourquoi n’a-t-il pas essayé (comme il l’a écrit une vingtaine de fois) d’assassiner N ou moi, pourquoi enfin ne s’est-il pas suicidé? — Il n’en a ni l’énergie, ni le courage. — Calomnier, diffamer, faire des intimidations à la femme, c’est plus facile, et il le fait. Il faut enfin y mettre un terme et châtier le scélérat. Il me faut, pour cela, le secours de mes amis, leur conseil; il me faut surtout la foi que si, pour comble d’ironie, je succombais dans cette lutte, mes amis donneront un exemple terrible de justice et de solidarité.

Votre ami A. H.

Перевод

Дорогой Гауг,

ваше письмо от 10 марта было для меня великим благом. Я столько выстрадал в последнее время, я так истерзан, оскорблен во всем самом дорогом, самом святом для меня, что бывают минуты, когда силы покидают меня, полное отчаяние овладевает мною, я чувствую себя опустившимся, униженным… Письмо ваше застало меня в одну из подобных минут, оно возвратило мне бодрость, — глубокая благодарность вам за это! Да, я принимаю выражение братской солидарности, я принимаю вашу руку — не с тем, чтоб она сражалась за меня, а с тем, чтоб она поддержала меня в борьбе, которую очень трудно завершить так, как мне хотелось бы.

Но прежде чем вы подойдете вплотную к этому печальному, мрачному делу, вам следует ознакомиться с фактами. Я хочу рассказать вам их; это чрезвычайно тяжело для меня, но сделать

это необходимо. Закончив свою историю, я скажу вам: «Судите и поступайте теперь так, как велит вам ваше сердце».

В своем письме вы напомнили мне о разговоре, который мы вели как-то ночью, прогуливаясь возле собора св. Магдалины. О, как благодарен я вам за то, что вы о нем напомнили. Разговор этот не только облегчает мою мучительную задачу, но и служит для меня доказательством, основанием, документом — по крайней мере в том, что касается вас. Да, я открыл тогда свою душу, я обнажил перед вами свое сердце. Это случается со мною редко, я никогда не говорю о своих чувствах, какая-то непонятная мне самому стыдливость удерживает меня, чувства мои — для меня одного. — Итак, я говорил вам тогда, что только одна женщина сыграла роль в моей жизни и что роль эта была громадна, что я любил только одну женщину и что любовь эта продолжает жить в моем сердце, как и в первый день. Глубокая симпатия связала нас, когда мы были еще детьми, и симпатия эта пережила все превратности бурной жизни. Прибавлю теперь, что эта же любовь дает мне силу переносить муку нынешнего моего положения. Да, наш союз совершил чудо, гораздо большее, чем его четырнадцатилетняя давность: он пережил потрясение, которое должно <б>ыло его сокрушить. Никогда еще не были мы теснее связаны, нежели после поразившего нас горя: оно еще более спаяло нас друг с другом: оскорбления, которые я выношу за нее, половина вины, которую я беру на себя, — создали новую почву для нашей взаимной симпатии.

Мы уже не те — и потому именно ничто не изменилось в наших отношениях.

Гордо, рука об руку вступили мы в жизнь; мы полагали, что с высоко поднятою головою пройдем перед изумленной толпой. Чего можно было опасаться после двенадцати лет любви, супружества?.. Одна нечистая встреча, одно смертоносное дуновение, перед которым не удалось устоять, привели нас к смирению.

Мы выходим теперь из жизни более смиренные, отягощенные ужасным воспоминанием, мы движемся к могиле с опущенной головой, опозоренные, но рука об руку, как и прежде. Между нами нет виновного или невинного: тот, кто нашел в себе силу простить, взял на себя ответственность за прошлое. Кто презирает нас, пусть идет себе прочь, пусть выбросит нас из памяти; нашу связь, столь человечно святую, именуют позорной — и делает это человек, ее опозоривший. Но вы, так сильно нас любивший, вы должны остановиться, вы должны глубоко понять смысл того, что я вам говорю, и суметь разглядеть подлинный характер этого нетленного союза под пеленою грязи и срама, которыми его покрыли.

Перехожу к фактам. — Когда мы во второй раз встретились с субъектом, о котором идет речь, он был крайне несчастен. Очерненный людьми из своей же партии, обвиненный в трусости и даже в нечестности в связи с баденским походом, он был в не лучшем положении и у себя дома. Связанный денежными

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Je laisse à N elle-même le soin de vous raconter le coté lyrique de cette réconciliation et de la complète harmonie dans notre vie de famille, qui dura jusqu'à ce