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Полное собрание сочинений. Том 25. Письма апрель 1850-декабрь 1852

restaurer l’honneur d’un traître ou bien fournir une satisfaction à mon point d’honneur. C’était, en vérité, trop donner à une divinité altière et froide, — homme d’un monde barbare et d’un monde nouveau, j’ai osé m’attaquer à cette idole.

En même temps j’ai brisé une autre encore, et en le faisant jamais je ne me suis senti plus conséquent avec tout ce que j’ai écrit, avec tout ce que j’ai prêché.

J’ai laissé avec respect la pleine liberté de la défense à la femme elle-même, et non seulement de la défense, mais de la punition. La femme ne doit plus être l’éternel mineur. J’ai atteint mon but, elle se fit un piédestal de l’infâmie de son persécuteur, elle l’écrasa du haut de sa grandeur morale. Palpitante d’indignation, elle lui écrivit une lettre sublime. Il renvoya la lettre sans l’avoir décachetée. Alors elle convoqua quelques amis autour de son lit, pour apporter un témoignage à tout ce que je leur disais, elle leur communiqua la lettre et la remit à mon ami, le général Haug (un des héros de Rome en 1848), en le priant de notifier cet arrêt à l’individu — elle y tenait tant, — elle y voyait la plus haute satisfaction pour moi — et elle avait raison.

Elle était grande, cette pauvre martyre dans cet acte, la réhabilitation était plus que complète — tout le monde s’inclina devant tant d’énergie. Mais bientôt les forces physiques l’abandonnèrent; le 2 mai elle cessa d’exister.

J’ai juré de la venger.

Ma vengeance devait commencer avec la même conformité de mes principes, avec laquelle j’ai réhabilité la victime. Je voulais porter la cause au seul tribunal que je reconnaisse, je voulais punir le traître par la seule force morale de la Démocratie. C’était à elle, à ses représentants de prononcer l’excommunication d’un misérable qui ose se compter dans les rangs révolutionnaires. Si la démocratie n’est pas une puissance, si elle ne comprend pas la solidarité de tous pour chacun — elle n’est pas une réalité. Si elle n’est pas assez forte pour protéger un de ses frères, ni assez morale pour flétrir un traître — elle n’a pas d’avenir.

J’écrivis à un ami que je respecte beaucoup, à Mazzini, sa belle réponse augmenta mes forces. Les fougueux Italiens avec lesquels je vivais à Nice et à Gênes, applaudirent avec enthousiasme à ma décision. Lé <...>230[230] Giacomo Medici était le premier

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à demander que son nom parût sous le verdict. Un incident a modifié la position…

L’ami Haug, devenu exécuteur testamentaire, quitta Londres pour remplir la volonté de la défunte et alla à Zurich. Accompagné de deux amis, tous les deux très bien connus dans la démocratie, — il alla chercher l’individu chez lui. Il lui notifia l’arrêt d’outre-tombe; le coupable l’entendit pâle, tremblant — non de remords, mais de peur. Après avoir entendu la lecture, il eut la bassesse de nier l’authenticité de la lettre; on lui montra l’enveloppe, il la reconnut, — mais en même temps on trouva une autre lettre écrite de sa main, qui était dans l’enveloppe qu’il disait ne pas avoir décachetée. C’était un commentaire odieux de la lettre qu’il disait n’avoir pas lue.

Le coupable n’a retrouvé quelque semblant de courage que pour fuir et invoquer à grands cris le secours de la police. Ernst Haug alors, transporté d’une juste indignation, a puni le lâche en lui imprimant sur le visage le cachet de son mépris. C’était le 1-ier juillet.

Sept jours après Hervegh m’envoya une seconde provocation. Mon refus était à prévoir.

Cependant le fait a transpiré, les journaux le portèrent à la publicité. L’homme prostitué, me parodiant alors, a eu l’impudence alors d’imprimer un article sale dans un journal réactionnaire (Neue Züricher Zeitung) où il traite mes amis de spadassins et déclare qu’il ne se battra pas avec Haug.

Me voilà donc engagé dans une polémique dégoûtante que je désapprouve, et qu’il n’est pas en mon pouvoir d’arrêter, — il m’est impossible de me taire lorsqu’on offense mes amis, qui se sont dévoués avec tant de générosité à une œuvre de haute moralité.

Si après tout je trouve la force suffisante de traverser ce marais boueux, avec le cercueil que je porte, la tête haute, sans faillir, j’en sortirai victorieux. Si non — il n’y a pas de salut pour moi. Et je recommande mes enfants à mes amis, je vous les recommande à vous, vénérable ami, d’une manière toute particulière.

Je ne suis pas encore à bout de mes forces. Mais quelquefois un abattement, un désespoir s’emparent de mon âme: l’idée me vient que j’ai entrepris une tâche beaucoup au-dessus de mes forces, je tremble à la pensée qu’ayant le premier fait appel à la publicité, je ne trouverai ni assez de talent, ni assez de puissance pour la dominer — et qu’alors je n’ai fait que livrer à la foule une cause sainte pour moi, que je l’ai profanée en voulant l’entourer d’une auréole de respect et de vénération.

J’imprimerai un appel aux frères de la démocratie, qu’ils me soutiennent dans ma route ou qu’ils m’abandonnent à mon

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sort par leur silence. Dites votre opinion, ne m’épargnez pas, dites — la avec sincérité — j’attendrai avec impatience votre lettre. Proudhon et ses amis partagent ma manière de voir — ainsi qu’ils viennent de m’assurer.

Je ne veux pas vous parler de ce que j’ai souffert, combien je me sens épuisé depuis ma dernière lettre (écrite, je crois en janvier). C’est une triste chronique de pathologie — qui peut bien rester ensevelie dans ma poitrine. Ce n’est qu’un organisme pareil au mien, qui pouvait résister à cette incessante torture.

Mes deux petites sont à Paris, chez cette dame russe que vous avez rencontrée une fois chez moi. Moi, j’erre avec mon fils dans les montagnes de la Suisse; je resterai quelque temps à Lucerne, ville qui me plaît, parce je ne connais âme qui vive.

Permettez-moi, maintenant, de vous communiquer une chose qui pourrait vous intéresser et vous faire oublier un peu mon triste récit. Vous connaissez qu’on organise à Genève une académie; les genevois ont déjà engagé des hommes illustres de la science, entre autres — mon ami C. Vogt. Je pense qu’ils seraient enchantés de vous posséder au moins pour six mois, j’ajoute même, d’après les assurances des personnages compétents qu’on irait volontiers à plus de 3000, entre 3 et 4000 frs à vous offrir. Le semestre commence au 1 novembre. Je serai tout heureux si vous voudriez me permettre d’entrer en rapport sur ce sujet avec mes amis de Genève.

Excusez amicalement la longueur de ma lettre. Moi-même, je suis fatigué, c’est très douloureux de rouvrir ces plaies saignantes. — Je vous laisse en serrant votre main et en répétant que c’est un don bien maudit que la vie.

Votre ami tout dévoué.

A. H.

P. S. Je recommanderai ma lettre, par crainte de la poste française, qui ne se borne pas à lire les lettres, mais qui croit prudent de les retenir — ce qui ne se fait en aucun pays.

Vous faites mention d’un ouvrage sur la Russie, je n’en ai aucune connaissance. Je voudrais bien en connaître le titre.

Mon adresse: Lucerne, poste restante.

Перевод 25 июля 1852.

Люцерн.

Дорогой и глубоко уважаемый г. Мишле. Ваше письмо от 4 июля дошло до меня только 18. Оно побывало в Ницце, Генуе, Лугано и, наконец, застало меня в Люцерне.

Уже давно я испытываю настоятельную потребность написать вам, но то, что я собирался сообщить, было столь мрачно,

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печально, и так тягостно было об этом говорить, что я не решался взяться за перо. Ваше письмо, столь теплое и дружеское, положило конец моим колебаниям.

Вы искренно мне соболезнуете, однако вам известна лишь часть обрушившихся на меня несчастий. Гибель семьи во время кораблекрушения, смерть жены, угасшей в слезах, — это еще не все; понадобилось еще оскорбление, клевета, предательство друга, чтобы переполнить горькую чашу, которую жестокая судьба не перестает мне преподносить.

Уединившись, я решился восстать против ее ударов; я еще раз почувствовал свою революционную натуру и начал борьбу, в которой если и погибну, то по крайней мере заставлю дорого заплатить за свою голову.

Я совершил поступок, который будет расценен либо как героизм, либо как трусость.

Я ставлю на карту свою честь — это моя последняя ставка.

Один бесчестный человек, которого я имел несчастье любить как задушевного друга и которого вынужден был выгнать из моего дома около двух лет тому назад, дождался смертельной болезни моей жены, чтобы оскорбить ее на ложе страданий, огласив из чувства жестокой и подлой мести преданное забвению прошлое. К своему доносу он присоединил самую черную клевету. Имя этого негодяя — Г. Гервег, бывший немецкий поэт, прославившийся бегством с поля битвы. В довершение всего он послал мне нечто вроде вызова, составленного в самых гнусных выражениях. Я отверг подобный картель.

Это решение мне дорого стоило. Нужно было нечто большее, чем чувство справедливости, большее, чем доверие к своему прошлому, выставленному на свет божий для всеобщего обозрения. Понадобилась сила более могущественная, чем все это, чтобы заставить меня так поступить. Дуэлью ни в чем нельзя было оправдать благородную жертву: скрывая сущность, дуэль лишь предала бы огласке внешнюю сторону дела. К тому же она могла бы лишь восстановить честь предателя или же дать какое-то удовлетворение его самолюбию. Это, право, значило бы отдать слишком большую дань надменному и бесчувственному божеству. Как человек и варварского мира и нового, я отважился на борьбу с этим идолом.

В то же время я сокрушил еще и другой кумир и, поступая так, чувствовал, что я еще никогда не был так верен всему тому, что писал и что проповедовал.

Уважение к женщине побудило меня предоставить ей самой полную свободу защиты — и не только защиты, но и наказания. Женщина не должна вечно оставаться несовершеннолетней. Я достиг своей цели: она воздвигла себе пьедестал на бесчестии своего преследователя, она уничтожила его с высоты

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своего нравственного величия. Дрожа от негодования, она написала ему прекрасное письмо. Он

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