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Полное собрание сочинений. Том 33. Дополнения к изданию. Публичные чтения Г. Грановского

que le gouvernement national polonais ait ignoré ces sourdes menées, c’est alors qu’il lui eût fallu se lever de toute sa hauteur, et proclamer à haute voix ce qu’il a dit dans une lettre adressée à nous, les éditeurs du Kolokol. C’est alors qu’il fallait dire que le gouvernement polonais n’avait pas attendu le gouvernement russe pour reconnaître aux paysans le droit à la terre, et ajouter qu’il désirait la réunion des provinces de la Pologne, lui qui n’a jamais accepté leur partage, mais qu’il laissait au peuple (au peuple bien entendu et non aux agents

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du gouvernement russe) la pleine liberté de se prononcer sur son propre sort.

La grande intrigue se serait évanouie, et tout ce patriotisme de terreur sauvage se serait évaporé avant d’infecter les cœurs et les esprits simples et naïfs.

En évoquant des sentiments de haine et de férocité, en tuant ses adversaires avec une cruauté mongole, en expropriant la noblesse des provinces, le gouvernement russe n’avait d’autre but, que de se rendre maître de l’insurrection et de sauvegarder sa domination dans les provinces, mais si le gouvernement de Saint-Pétersbourg propose, il est une autre force qui dispose.

Lorsqu’un organisme fort se développe, tout lui sert, même les maladies. L’agitation contre la Pologne s’évanouira, mais le mouvement produit par cette secousse restera. Pour provoquer les adresses, le gouvernement a permis des réunions politiques dans les petites villes, dans les bourgades! Dans les villages on s’est assemblé pour discuter des dangers de la patrie, de la guerre et de la paix. Moscou et Pétersbourg ont demandé l’autorisation de former une garde citadine. En Lithuanie le gouvernement a prêché contre la noblesse et a fini par exproprier la majeure partie des seigneurs pour donner la terre aux paysans et se les attacher; le premier résultat de ces mesures a été le refus de travailler pour les seigneurs russes dans le gouvernement de Kiev. Le gouvernement a réveillé des forces qu’il n’endormira pas de sitôt; il a mis en mouvement des masses qu’il ne lui sera pas facile d’arrêter. Ce que n’ont pu faire ni la presse clandestine, ni la propagande venue d’outre-mer, c’est le gouvernement qui le fait malgré lui. Semblable au Japonais qui, dans son accès de rage, s’éventre pour se venger d’un ennemi, le gouvernement russe devient terroriste et révolutionnaire par haine de la Pologne. Où peut-il s’arrêter? Personne ne le sait, mais c’est évidemment un suicide.

C’est aux hommes indépendants, c’est aux groupes qui se détachent des masses et se fondent par l’affinité morale autour d’une idée, d’une tendance, c’est à ces groupes qui commencent à graviter vers un centre commun d’action, c’est à eux, c’est à nous, de profiter du mouvement provoqué par une main insolente et impure.

Pour le moment notre activité est entravée; la démence patriotique, la propagande de police, l’état de guerre, la lubie, la crainte folle inspirée par cette Europe si bonne, si pacifique, si raisonnable, tout nous empêche d’agir…

Si vous saviez, vénérable ami, avec quelle anxiété nous attendons la fin de cette lutte maudite. L’indépendance de la Pologne, c’est notre propre affranchissement. Nous sommes courbés sous le joug des crimes que l’on fait accomplir par nos propres mains,

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et cependant croyez bien que nous ne voulons pas moins nous affranchir de la Pologne que la Pologne ne veut s’affranchir de la Russie!

Le jour où la Pologne sera indépendante, nous jetterons un voile sur les terribles pièces de conviction, nous les couvrirons jusqu’au grand jour du jugement et nous irons d’un pas ferme, reniant un passé odieux, foulant aux pieds les fétiches d’hier, chercher notre avenir, travailler à l’écroulement de cet Empire qui fait le malheur d’un sixième du globe terrestre, — déchirer enfin cette camisole de force jetée sur les épaules d’un géant pendant son sommeil.

Se serait-il réveillé en effet? Si vous me faites cette question ou tout autre, cher et vénérable ami, permettez-moi de vous répondre dans une seconde lettre et recevez maintenant le témoignage de mes sympathies, de ma vénération, de mon admiration pour vous.

A. Her z en.

Florence, le 21 novembre 1863.

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CAMICIA ROSSA LA CHEMISE ROUGE. — GARIBALDI A LONDRES BREVIAIRE INTRODUCTION

La journée anniversaire de Shakespeare s’est changée en une journée de Garibaldi. L’histoire tire quelquefois ses rapprochements par les cheveux; il n’y a qu’à elle que cela réussisse.

Le peuple de Londres s’est rassemblé pour fêter le grand threecentenary. Après avoir solennellement planté un arbre en l’honneur de son poète sur la magnifique colline de «Primrose Hill», il a commencé à discuter le départ subit de Garibaldi. Une trentaine de policemen ont chassé cinquante mille hommes, qui ont obéi à un ordre illégal, par respect pour la loi.

Ce qui vient de passer ces jours-ci devant nos yeux sur le fond brumeux et monotone de la vie anglaise, ressemble bien en vérité à l’un de ces rêves fantastiques comme Shakespeare seul savait les concevoir et où l’on assiste à une promiscuité bizarre du grand et du mesquin, de ce qui fend l’âme et de ce qui écorche les oreilles. A côté de la sainte simplicité d’un homme du peuple et de la simple naïveté des masses, — des conspirations de ministres, de lords, des conciliabules derrière la tapisserie, des intrigues, des mensonges. Des ombres bien connues passaient devant nous, depuis Hamlet et le roi Lear, depuis Goneril et Cordelia jusqu’à l’honnête Jago. Les Jago étaient Lilliputiens… mais comme ils étaient nombreux et comme ils étaient honnêtes!

PROLOGUE

— Fanfares. — Les canons grondent, les cloches sonnent, les vaisseaux se couvrent de drapeaux, — et s’il n’y a pas de musique, c’est que l’hôte de l’Angleterre est venu un dimanche, et que le dimanche est un jour maigre, marqué à la fois pour le repos et pour l’ennui. — Voilà le demi-dieu, l’idole des masses, la seule grande individualité, la seule populaire qui se soit élevée

depuis 1848. — Elle apparaît dans toutes les splendeurs de la gloire. Londres, Londres tout entier reste six heures sur pied pour attendre le grand homme. Les ovations augmentent chaque jour. L’apparition de l’homme en chemise rouge produit une orgie d’enthousiasme, des milliers d’hommes reconduisent sa voiture après minuit de Covent-Garden à Saint-James, des milliers d’hommes l’attendent à sept heures du matin devant Stafford-house. Des ouvriers et des ducs, des pairs et des laquais, des blanchisseuses et la «high church», la ruine féodale Derby et le débris des orages de 1848, le fils aîné de la reine Victoria et le gamin, le «sweaper» couvert de lambeaux, qui n’a eu ni père ni mère, veulent lui serrer la main, le voir; Glasgow, Newcastle on Tyne, Manchester, l’Ecosse entière, frémissent du désir de le posséder… et il disparaît dans la nuit de l’Océan comme l’ombre de Hamlet père; il a mis le pied sur une trappe ministérielle, et il a disparu. — «Où est-il?» — «A l’instant il était là!» — «Et là!» — Il n’y est plus! — Il ne reste plus qu’un point, qu’une voile qui se gonfle.

Comme ils l’ont attrapé le peuple anglais!.. «Grand peuple bête», comme a dit un grand poète. Je le plains, ce pauvre John Bull, si bon, si fort, si obstiné, mais si lent et si lourd, et tout en le plaignant il m’est impossible de ne pas rire. Pauvre taureau aux velléités léonines, — tu as secoué ta crinière, tu t’es fait beau pour recevoir ton hôte, comme tu n’as jamais reçu aucun monarque, démissionné ou en fonctions, et on te l’a donc escamoté! — Le bœuf-lion frappe du pied la terre et rugit, mais ses gardiens connaissent trop bien le jeu des serrures et des verrous de la liberté pour s’en inquiéter. Ils lui débitent des contes à dormir debout en gardant la clef dans leur poche… et le point s’éloigne, s’éloigne et disparaît.

Sois raisonnable, pauvre Bull, retourne à ton rocher de Sisyphe. Trois ministres, un autre qui ne l’est pas, un duc, un professeur de chirurgie, un lord du piétisme, n’ont-ils pas publiquement témoigné dans les deux Chambres et dans dix salons, dans les journaux et dans les lettres signées, que l’homme bien portant que tu as vu hier était malade, et malade au point qu’il fallait l’envoyer dans un yacht le long de l’Océan et dans la Méditerrannée? Le doute est-il permis après cela? Pense à la vieille histoire du meunier qui disait à son ami, que son âne n’était pas à la maison. Le voisin, entendant l’âne, voulait s’offenser, mais il fut désarmé par le meunier qui, d’un air triste, dit au sceptique: «Est-ce que tu crois plus à un âne qu’à ton ami?» — N’oublie pas que ces lords, ces ministres sont plus que tes amis, qu’ils sont tes tuteurs, tes pères et mères en l’Etat…

Les journaux ont raconté tous les détails des fêtes et dîners, des banquets et des épées, des discours chantés et des cantates

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récitées, de Chiswick et de Guild-Hall. Les décors, les costumes, les ballets, les féeries, les arlequinades de ce rêve dans une nuit de printemps, tout cela a été illustré, illuminé, vendu à un penny, — je ne prétends pas faire une concurrence tardive à ces récits, je me hasarde simplement à offrir quelques petits tableaux que j’ai pris de l’humble coin où j’étais placé pour regarder.

Ils auront les défauts de toutes les photographies reproduisant parfois les plis sans grâce, les poses guindées, les hasards qui accompagnent toute chose dans la vie réelle et les traits non corrigés par l’art.

Je dédie mon procès-verbal à mes enfants absents, c’est pour eux que j’ai commencé le travail, et, encore une fois, je leur répète qu’il m’a été bien pénible de ne les avoir pas eus avec moi le 17 avril 1864.

CAMICIA ROSSA I BROOK-HOUSE

Garibaldi est arrivé à Southampton

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que le gouvernement national polonais ait ignoré ces sourdes menées, c'est alors qu'il lui eût fallu se lever de toute sa hauteur, et proclamer à haute voix ce qu'il a