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Полное собрание сочинений. Том 7. О развитии революционных идей в Росси. Произведения 1851 — 1852 годов

prendre l’initiative pendant qu’ils avaient le pouvoir. S’opposer et rester les bras croisés était le moyen le plus sûr de voir l’empereur ou le peuple entrer dans la voie pour ne s’arrêter qu’à l’expropriation.

Le ministre des domaines publics, Kisséloff, le représentant de l’émancipation dans le sein du gouvernement et le ministre de l’intérieur Pérofski, qui a tué l’oukase du 2 avril par ses

commentaires,recevaient des projets de toutes les parties de l’empire. Bons ou mauvais, ces projets décelaient une grande préoccupation du pays.

A travers toute la divergence d’opinions et de vues, à travers toute la différence de position, d’intérêt de localité, un principe était admis sans contestation. Ni le gouvernement, ni la noblesse, ni le peuple ne pensaient à émanciper les paysans sans leurs terres. On variait infiniment dans l’appréciation de la quote-part à concéder aux paysans, des conditions à leur imposer, mais personne ne parlait sérieusement d’une émancipation dans le prolétariat, si ce n’est quelques incurables adeptes de la vieille économie politique.

Créer une vingtaine de millions de -prolétaires, c’était une perspective qui faisait, et pour cause, pâlir le gouvernement et les seigneurs. Et pourtant, du point de vue de la religion de la propriété, du droit absolu et imprescriptible de la possession et de l’usage illimité, il n’y avait aucun moyen de résoudre la question sans une insurrection en masse des paysans, sans un ébranlement forcé de la possession territoriale: puisque les mutations des’ propriétés faites à main armée sont acceptées comme des faits accomplis dûment légalisés par l’économie politique.

Au prime abord, il paraît étrange que dans un pays dans lequel l’homme est presque chose, où il appartient au sol, où il fait partie de la propriété et se vend avec elle, l’idolâtrie de la propriété ait été la moins développée. On la défend avec ténacité

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chez nous, comme une proie, mais non comme un droit. Il était difficile d’enraciner une foi dans l’infaillibilité et la justice d’un droit dont les absurdités étaient évidentes pour les deux parties; pour le seigneur qui possédait ses paysans, comme pour le paysan serf qui n’était pas le propriétaire de sa possession. On savait que l’origine des droits seigneuriaux était assez obscure; on savait bien qu’une série de mesures, arbitraires, mesures de police, avaient peu à peu asservi la Russie agricole à la Russie nobiliaire; on pouvait donc s’imaginer une autre série de mesures qui l’ émancipassent.

Le manque même de notions juridiques bien arrêtées, le vague dans les droits ne permettaient pas non plus aux idées de propriété de se consolider, de prendre corps. Le peuple russe n’a vécu que de la vie communale, il ne comprend ses droits et ses devoirs que par rapport à la commune. Hors d’elle il ne reconnaît pas de devoirs et ne voit que la violence. En s’y soumettant, il ne se soumet qu’à la force; l’injustice flagrante d’une partie de la législation l’a amené au mépris de l’autre. L’inégalité complète devant le tribunal a tué en lui le germe du respect pour la légalité. Le Russe, à quelque classe qu’il appartienne, enfreint la loi, partout où il peut le faire impunément; le gouvernement agit de même. C’est pénible et triste pour le moment, mais il y a un avantage immense pour l’avenir.

En Russie, derrière l’état visible il n’y a pas d’état invisible, qui ne soit que l’apothéose, la transfiguration de l’ordre de choses existant, il n’y a pas d’idéal impossible qui ne coïncide jamais avec la réalité, tout en la promettant toujours. Il n’y a rien derrière les palissades où une force supérieure nous tient en état de siège. La possibilité d’une révolution en Russie se réduit à une question de force matérielle. C’est ce qui fait de ce pays, sans autres causes que celles que nous avons mentionnées, le sol le mieux préparé pour une régénération sociale.

Nous avons dit que, dès l’apparition du saint-simonisme, après 1830, le socialisme fit une grande impression sur les esprits, à Moscou. On voyait dans cette doctrine l’expression d’un sentiment plus intime que dans les doctrines politiques, habitué qu’on était aux communes, aux partages des terres, aux associations ouvrières. Témoins de l’abus le plus exorbitant du droit de

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propriété, nous étions moins froissés par le socialisme que le bourgeois occidental.

Peu à peu les productions littéraires se pénétraient de tendances et d’inspirations socialistes. Les romans et les nouvelles même les écrits des Slavophiles protestaient contre la société actuelle, d’un point de vue qui était plus que politique. Il suf, fit de citer le roman de Dostoïetski Les Pauvres Gens.

A Moscou le socialisme marchait de front avec la philosophie de Hegel. L’alliance de la philosophie moderne et du socialisme n’est pas difticile à concevoir, pourtant ce n’est que dans ce dernier temps que les Allemands ont accepté la solidarité entre la science et la révolution, non qu’ils ne la comprissent pas auparavant, mais parce que le socialisme, comme tout ce qui est pratique, ne les intéressait pas. Les Allemands pouvaient être profondément radicaux dans la science en restant conservateurs dans leurs actions, poètes sur papier et bourgeois dans la vie. Le dualisme nous est, au contraire, antipathique. Le socialisme nous paraissait être le syllogisme le plus naturel de la philosophie, l’application de la logique à l’Etat.

Il est à remarquer qu’à Pétersbourg le socialisme revêtait un autre caractère. Là, les idées révolutionnaires ont toujours été plus pratiques qu’à Moscou; leur fanatisme froid est celui des mathématiciens; à Pétersbourg on aime la régularité, la discipline, l’application. Pendant qu’on dispute à Moscou, on s’associe à Pétersbourg. La franc-maçonnerie et le mysticisme avaient leurs adeptes les plus ardents dans cette dernière ville, c’est là que se publiait le Messager de Sion, organe de la société biblique. La conjuration du 14 décembre a mûri à Pétersbourg, elle ne se serait jamais assez développée à Moscou pour descendre sur la place publique. A Moscou, il est très difficile de s’entendre; les individualités sont trop capricieuses et trop épanouies. AMoscou, il y a plus d’éléments poétiques, plus d’érudition et avec cela plus de nonchalance, de laisser-aller, plus de paroles inutiles, plus de divergence d’opinions. Le saint-simonisme vague, religieux et en même temps analytique allait merveilleusement bien aux moscovites. Après l’avoir étudié, ils passaient tout naturellement à Proudhon, comme de Hegel à Feuerbach.

Le fouriérisme plus que le saint-simonisme convient à la jeunesse

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studieuse de Pétersbourg. Le fouriérisme, qui ne tendait qu’à une réalisation immédiate, qui voulait l’application pratique, qui rêvait, lui aussi, mais qui appuyait ses rêves sur des calculs arithmétiques, qui cachait sa poésie sous le titre d’industrie et son amour de liberté sous l’embrigadement des ouvriers, le fouriérisme devait trouver un écho à Pétersbourg. Le phalanstère n’est autre chose qu’une commune russe et une caserne de travailleurs, une colonie militaire sur le pied civil, un régiment industrieux. On a remarqué que l’opposition qui lutte de Iront avec un gouvernement a toujours quelque chose de son caractère mais en sens inverse. Et je crois bien qu’il y a quelque fond de vérité dans la crainte que le gouvernement russe commence à avoir ducommunisme: le communisme Lest l’autocratie russe renversée.

Pétersbourg devancera Moscou, au nom de ces opinions tranchées, bornées peut-être, mais actives et pratiques. L’honneur de l’initiative lui appartiendra avec Varsovie, mais si le tzarisme succombe, le centre de la liberté sera dans le cœur de la nation, à Moscou.

L’avortement complet de la révolution en France, la malheureuse issue de la révolution de Vienne et la fin comique de celle de Berlin furent en Russie le commencement d’une réaction redoublée. Tout fut paralysé de nouveau, le projet de l’émancipation des serfs abandonné et remplacé par celui de fermer toutes les Universités; on créa une double censure et de nouvelles difficultés à la remise des passeports pour les pays étrangers. On poursuivit les journaux, les livres, les paroles, les costumes, les femmes et les enfants.

En 1849 une nouvelle phalange de jeunes gens héroïques est allée en prison, et de là aux travaux forcés et en Sibérie17[17]. Une terreur accablante abattit tous les germes, fit courber toutes les têtes, la vie intellectuelle se cacha de nouveau ou ne laissa percer

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que la frayeur, qu’une désolation muette, et depuis chaque nouvelle qui venait de la Russie remplissait l’âme de désolation et d’une profonde tristesse.

Nous ne nous arrêterons point à ce tableau lugubre d’une lutte inégale où chaque fois la pensée est écrasée par la force. Il n’y a là rien de nouveau, c’est ce procès interminable qui traverse toute l’histoire et qui aboutit de temps en temps à la ciguë, à la croix, aux autodafés, aux fusillades, aux pendaisons et aux déportations.

Quoi qu’on dise, les moyens que le gouvernement emploie, moyens cruels, ne sont pas cependant de force à étouffer tous les germes du progrès. Ils font périr beaucoup de personnes dans des souffrances morales terribles, mais nous devions nous y attendre, et certes ces mesures réveillent plus de gens qu’ils n’en désarment.

Pour étouffer réellement en Russie le principe révolutionnaire, la conscience de la position et la tendance d’en sortir, il faudrait que l’Europe entrât encore plus avant dans les principes et dans les voies du gouvernement de Pétersbourg, que son retour à l’absolutisme fût plus complet. Il faudrait effacer le mot de «République» du frontispice de la France, ce mot terrible, lors même qu’il est un mensonge et une dérision. Il faut arracher à l’Allemagne le droit imprudemment concédé de la parole libre. Le lendemain de la journée où un gendarme prussien, aidé d’un Croate, aura cassé les dernières presses sur le piédestal de la statue de Guttenberg traînée dans la boue par des frères ignorantins, ou, à Paris, sur la place de la Révolution, un bourreau, béni par le Pape, aura brûlé les œuvres des philosophes

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