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Собрание сочинений в тридцати томах. Том 6. С того берега. Долг прежде всего

que la commune et de plus fort que le pouvoir; ce quleque chose est difficile à exprimer par des mots, et plus difficile encore à indiquer du doigt. Je parle de cette force intime n’ayant pas entièrement conscience d’elle-même, qui tenait si merveilleusement le Peuple russe sous le joug des hordes mongoles et de la bureaucratie allemande, sous le knout oriental d’un Tartare et sous la verge occidentale d’un caporal; je parle de cette force intime, à l’aide de laquelle s’est conservée la physionomie ouverte et belle et la vive intelligence du paysan russe, malgré la discipline avilissante du servage, et qui, au commandement impérial de se civiliser, a répondu, après un siècle, par la colossale apparition d’un Pouchkin; je parle de cette force, enfin, et de cette confiance en soi qui s’agite dans notre poitrine. Cette force, en dehors de tous les accidents extérieurs et malgré eux, a conservé le Peuple russe et protégé cette foi inébranlable qu’il a en lui-même: à quelle fin?.. C’est ce que le temps nous apprendra.

«Communes rurales russes et république, villages slaves et institutions sociales». Ces mots, ainsi accouplés, résonnent sans doute d’une manière bizarre aux oreilles des lecteurs de Haxthausen. Beaucoup, j’en suis sûr, demanderont si l’agronome westphalien était dans son bon sens; et pourtant Haxthausen a parfaitement raison; l’organisation sociale des communes rurales en Russie est une vérité tout aussi grande que la puissante organisation slave du système politique. Cela est étrange!.. Mais n’est-il pas encore plus étrange, qu’à côté des frontières européennes un Peuple ait vécu pendant mille ans, qui compte aujourd’hui cinquante millions d’âmes, et qu’au milieu du dix-neuvième siècle sa manière de vivre soit pour l’Europe une nouveauté inouïe?

La commune rurale russe subsiste de temps immémorial, et les formes s’en retrouvent assez semblables chez toutes les tribus slaves. Là, ou elle n’existe pas, c’est qu’elle a succombé sous l’influence germanique. Chez les Serbes, les Bulgares et les Monténégrins, elle s’est conservée plus pure encore qu’en Russie. La commune rurale représente pour ainsi dire l’unité sociale, une personne morale, l’Etat n’a jamais dû aller au-delà; elle est le propriétaire, la personne à imposer; elle est responsable pour tous et chacun, et par suite autonome en tout ce qui concerne ses affaires intérieures.

Son principe économique est l’antithèse parfaite de la célèbre proposition de Malthus: elle laisse chacun sans exception prendre place à sa table. La terre appartient à la commune et non à ses membres en particulier; à ceux-ci appartient le droit inviolable d’avoir autant de terre que chaque autre membre en possède au dedans de la même commune; cette terre lui est donnée, comme possession sa vie durant; il ne peut et n’a pas besoin non plus de la léguer par héritage. Son fils, aussitôt qu’il a atteint l’âge d’homme, a le droit, même du vivant de son père, de réclamer de la commune une portion de terre. Si le père a beaucoup d’enfants, tant mieux, car ils reçoivent de la commune une portion de terre d’autant plus grande; à la mort de chacun des membres de la famille, la terre revient à la commune.

Il arrive fréquemment, que des vieillards très âgés rendent leur terre et acquièrent par là le droit de ne point payer d’impôts. Un paysan, qui quitte pour quelque temps sa commune, ne perd pas pour cela ses droits sur la terre; ce n’est que par l’exil qu’on peut la lui retirer, et la commune ne peut prendre part à une décision de cette sorte que par un vote unanime; elle n’a cependant recours à ce moyen que dans les cas extrêmes. Enfin, un paysan perd aussi ce droit dans le cas où, sur sa demande, il est affranchi de l’union communale. Il est alors autorisé seulement à prendre avec lui son bien mobilier, rarement lui permet-on de disposer de sa maison ou de la transporter. De cette sorte, le prolétariat rural est chose impossible.

Chacun de ceux qui possèdent une terre, dans la commune, c’est-à-dire chaque individu majeur et imposé, a voix dans les intérêts de la commune. Le président et ses adjoints sont choisis dans une assemblée générale. On procède de même pour décider les procès entre les différentes communes, pour partager la terre et répartir les impôts. (Car c’est essentiellement la terre qui paie et non la personne. Le gouvernement compte seulement les têtes; la commune complète le déficit de ses impôts par têtes au moyen d’une répartition particulière, et prend pour unité le travailleur actif, c’est-à-dire le travailleur qui a une terre à son usage.)

Le président a une grande autorité sur chaque membre, mais non sur la commune; pour peu que celle-ci soit unie, elle peut très bien contrebalancer le pouvoir du président, l’obliger même à renoncer à sa place, s’il ne veut pas se plier à leurs;vœux. Le cercle de son activité est d’ailleurs entièrement administratif; toutes les questions qui vont au-delà d’une simple police, sont résolues, ou d’après les coutumes en vigueur, ou par le conseil des Anciens, ou enfin par l’Assemblée générale. Haxthausen a commis ici une grande erreur en disant que le président administre despotiquement la commune. Il ne peut agir despotiquement que si toute la commune est pour lui.

Cette erreur a conduit Haxthausen à voir dans le président de la commune l’image de l’autorité impériale. L’autorité impériale, résultat de la centralisation moscovite et de la réforme de Pétersbourg, n’a pas de contre-poids, tandis que l’autorité du président, comme avant la période moscovite, dépend de la commune.

Que l’on considère maintenant que chaque Russe qui n’est point citadin ou noble, doit appartenir à une commune, et que le nombre des habitants des villes, par rapport à la population des campagnes, est extrêmement restreint. Le plus grand nombre des travailleurs des villes appartient aux communes rurales pauvres, surtout a celles qui ont peu de terre; mais, comme il a été dit, ils ne perdent, pas leurs droits dans la commune; ainsi les fabricants doivent nécessairement payer aux travailleurs un peu plus que ne leur rapporterait le travail des champs.

Souvent ces travailleurs se rendent dans les villes pour l’hiver seulement, d’autres y restent pendant des années; ces derniers forment entre eux de grandes associations de travailleurs; c’est une sorte de commune russe mobilisée. Ils vont de ville en ville (tous les métiers sont libres en Russie), et leur nombre s’élève souvent jusqu’à plusieurs centaines, quelquefois même jusqu’à mille; il en est ainsi, par exemple, des charpentiers et des maçons à Pétersbourg et à Moscou et des voituriers sur les grandes routes. Le produit de leur travail est administré par des directeurs choisis et partagé d’après l’avis de tous.

Ajoutez-que le tiers, des paysans appartient à la noblesse. Les droits du seigneur sont un honteux fléau qui pèse sur une partie du Peuple russe, d’autant plus honteux, qu’ils ne sont en rien autorisés par la loi, et qu’ils résultent uniquement d’un accord immoral avec un gouvernement qui, non seulement tolère les abus, mais qui les protège par la puissance de ses baïonnettes. Néanmoins, cette situation, malgré f’insolent arbitraire des propriétaires nobles, n’exerce pas une grande influence sur la commune.

Le seigneur peut réduire ses paysans au minimum de la terre; il peut choisir pour lui le meilleur sol; il peut agrandir ses bien-fonds, et, par là, le travail du paysan; il peut augmenter les impôts, mais il ne peut pas refuser au paysan une portion de terre suffisante, et la terre, une fois appartenant à la commune, demeure complètement sous son administration, la même en principe, que celle qui régit les terres libres; le seigneur ne se mêle jamais dans ses affaires; on a vu des seigneurs qui voulaient introduire le système européen du partage parcellaire des terres et la propriété privée.

Ces tentatives provenaient pour la plupart de la noblesse des provinces de la Baltique; mais elles échouèrent toutes et finirent généralement par le massacre des seigneurs ou par l’incendie de leurs châteaux; car tel est le moyen national, auquel le paysan russe a recours pour faire connaître qu’il proteste[82 — Par les documents que publie le ministère de l’Intérieur, on voit que généralement chaque année, déjà avant la dernière révolution de 1848, 60 à 70 seigneurs fonciers étaient massacrés par leurs paysans. N’est-ce pas là une protestation permanente contre l’autorité illégale de ces mêmes seigneurs?]. Les colons étrangers ont au contraire souvent accepté les institutions communales de la Russie. Il est impossible de briser en Russie la commune rurale, à moins que le gouvernement ne se décide à déporter ou à supplicier quelques millions d’hommes.

L’effroyable histoire de l’introduction des colonies militaires a montré ce que c’est que le paysan russe quand on l’attaque dans sa dernière forteresse. Le libéral Alexandre emporta les villages d’assaut; l’exaspération des paysans grandit jusqu’à la fureur la plus tragique: ils égorgèrent leurs enfants pour les soustraire aux institutions absurdes qui leur étaient imposées par la baïonnette et la mitraille. Le gouvernement, furieux de cette résistance, poursuivit ces hommes héroïques; il les fit battre de verges jusqu’à la mort, et, malgré toutes ces cruautés et ces horreurs, il ne put rien obtenir. La sanglante insurrection de la Staraïa-Roussa, en 1831, a montré combien peu ce malheureux Peuple se laisse dompter. Après que le gouvernement eut comprimé la révolte, il lui fallut encore céder à la nécessité, et se contenter du mot, ne pouvant obtenir la chose.

Voilà précisément pourquoi la Révolution opérée par Pierre Ifut si passivement accueillie par les paysans et rencontra si peu de résistance; c’est qu’elle passait au-dessus de leur tête. Le gouvernement ne commence à prendre des mesures générales, à l’égard des paysans, que depuis qu’en 1838 il a créé le ministère du domaine de l’Etat. Ce n’est

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