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Полное собрание сочинений в 90 томах. Том 59. Письма, 1844-1855 гг.

ce bruit terrible m’a réveillé et effrayé, je croyais qu’on allait à l’assaut et j’ai bien vite fait seller mon cheval; mais ceux qui avaient déjà passé quelque tems au camp me dirent que je n’avais qu’à me tenir tranquille, que cette canonade et fusillade était une chose ordinaire et qu’on appelait en plaisantant «Allah». — Alors je me suis recouché, mais ne pouvant m’endormir je me suis amusé ma montre à la main, à compter les coups de canons que j’entendais et j’ai compté 100 explosions dans l’espace d’une minute. Et cependant tout ceci n’a pas du tout de près l’air aussi effrayant que cela le parait. La nuit quand on n’y voyait rien, c’était à qui brulerait le plus de poudre et avec ces milliers de coup de canons on tuait tout au plus une 30-ne d’hommes de part et d’autre. Vous me permettrez chère tante de m’adresser dans cette lettre à Nicolas; car une fois que je me suis mis à donner des détails de la guerre je voudrais continuer et m’adresser à un homme qui me comprenne et vous puisse donner des explications sur ce que vous paraitra obscure. — Ceci donc est le spectacle ordinaire que nous avions tous les jours et dans lesquels quand on m’envoyait avec des ordres dans les tranchées je prenais aussi ma part; mais nous avions aussi des spectacles extraordinaires, comme celui de la veille de l’assaut, quand on a fait sauter une mine de 240 poudes des poudres2 sous l’un des bastions de l’ennemi. Le matin de cette journée le Prince3 avait été aux tranchées avec tout son état major (comme le Général4 auprès du quel je suis en fait partie j’y ai aussi été) pour faire les dispositions définitives pour l’assaut du lendemain5 le plan — trop long pour que je puisse l’expliquer ici — était si bien fait tout était si bien prévu que personne ne doutait de la réussite. A propos de cela il faut que je vous dise encore que je commence à avoir une admiration pour le prince (au reste il faut en entendre parler parmi les officiers et les soldats — non seulement je n’ai jamais entendu dire du mal de lui mais il est généralement adoré). Je l’ai vu au feu pour la première fois pendant cette matinée. Il faut voir cette figure un peu ridicule avec sa grande taille, ses mains derrière le dos, sa casquette en arrière, ses lunettes et sa manière de parler comme un dindon. — On voit qu’il est tellement occupé de la marche générale des affaires que les balles et les boulets n’existent pas pour lui; il s’expose au danger avec tant de simplicité qu’on dirait qu’il n’en a pas l’idée et qu’involontairement l’on a plus peur pour lui que pour soi même et puis donnant ses ordres avec tant de clarté et de précision et avec ça toujours affable avec chacun. C’est un grand homme c. à d. un homme capable et honnête comme je comprends ce mot, un homme qui a voué toute sa vie au service de sa patrie et pas par l’ambition mais par le devoir. Je vais v-s raconter un trait de lui qui se lie à l’histoire de cet assaut manqué que j’ai commencé à raconter; l’après diner du même jour on a fait sauter la mine et près de 500 pieus d’artilerie ont fait feu sur le fort qu’on voulait prendre et ont continué ce feu pendant toute la nuit, ceci était un de ces coups d’oeil et une de ces émotions qu’on n’oublie jamais. Le soir de nouveau le Prince avec tout le tremblement est allé coucher aux tranchées pour diriger soi même l’assaut qui devait commencer à 3 heures de la nuit. — Nous étions tous là et comme toujours à la veille d’une bataille nous faisions tous semblant de ne pas plus penser à la journée de demain qu’à une journée ordinaire et tous j’en suis sûr au fond du coeur ressentaient un petit serrement de coeur (et pas même un petit mais un grand) à l’idée de l’assaut. Comme tu sais Nicolas que le tems qui précède une affaire est le tems le plus désagreable, c’est le seul où on a le tems d’avoir peur et la peur est un sentiment des plus désagreables. Vers le matin plus le moment approchait plus le sentiment diminuait et vers trois heures quand nous attendions tous à voir partir le bouquet de fusées qui était le signal de l’attaque, j’étais si bien disposé que si on venait me dire que l’assaut n’aurait pas lieu cela m’aurait fait beaucoup de peine. Et voila que juste une heure avant le moment de l’assaut arrive un aide de camp du Maréchal avec l’ordre d’ôter le siège de Silistrie. Je puis dire sans craindre de me tromper que cette nouvelle a été reçu par tous — soldats officiers et généraux — comme un vrai malheur, d’autant plus qu’on savait par les espions, qui nous venaient très souvent de Silistrie et avec lesquels j’avais très souvent l’occasion de causer moi-même — on savait que ce fort pris — chose dont personne ne doutait — Silistrie ne pouvait tenir plus de 2, 3 jours. N’est ce pas que si cette nouvelle devait faire de la peine à quelqu’un ce devait être au Prince, qui pendant toute cette campagne ayant fait toutes choses pour le mieux au beau milieu de l’action a venu [?] venir le maréchal sur son dos pour gater les affaires et puis ayant la seule chance de réparer nos revers par cet assaut il reçoit un contre ordre du Maréchal au moment de la commencer. Eh bien le Prince n’a pas eu un moment de mauvaise humeur, lui qui est si impressionable, au contraire il a été content de pouvoir éviter cette boucherie dont il devait porter la responsabilité et tout le tems de la retraite qu’il a dirigé lui même ne voulant passer qu’avec le dernier des soldats qui s’est faite avec un ordre et une exactitude remarquable il a été plus gai qu’il ne l’a jamais été. — Ce qui contribuait beaucoup à sa bonne humeur c’était l’emigration de près de 7 000 familles Bolgars que nous prenions avec pour les sauver de la férocité des Turcs, férocité à laquelle malgré mon incrédulité j’ai été obligé de croire. Dès que nous avons quitté les différents villages Bolgars que nous occupions les Turcs y sont venus et excepté les femmes assez jeunes pour un harem ils ont fait main basse sur tous ce qu’il y avait. Il y a un village dans lequel je suis allé du camp pour y prendre du lait et des fruits qui a été exterminé de la sorte. — Alors dès que le Prince avait fait savoir aux Bolgars que ceux qui le voulaient pouvaient avec l’armée passer le Danube et devenir sujets Russes, tout le pays s’est soulevé et tous avec leur femmes, enfants, chevaux, bétail arrivaient au pont, mais comme il était impossible de les prendre tous le Prince a été obligé de refuser à ceux qui sont venus les derniers et il fallait voir comme cela le chagrinait; il recevait toutes les députations qui venaient de ces pauvres gens, il causait avec chacun d’eux, tâchait de leur expliquer l’impossibilité de la chose, leur proposait de passer sans leur chariots et leur bétails et en se chargeant de leur moyens de subsistance jusqu’à ce qu’il arrivassent en Russie, payait de sa propre bourse des vaisseaux particuliers pour les transporter, en un mot faisant tout son possible pour faire du bien à ces gens. Oui chère tante je voudrais bien que votre prophetie se réalise. La chose que j’ambitionne le plus est d’être l’aide de camp d’un homme comme lui qui j’aime et qui j’estime du plus profond de mon coeur. Adieu chère et bonne tante, je baise vos mains. Dites je vous prie à Valérien que je le prie d’ecrire à Пятигорск, au Docteur Drosdoff chez lequel j’ai laissé mon télescope pour le prier de me l’envoyer ici. Je le prie aussi de joindre à cette lettre celle que je lui ai laissé pour Drosdoff6 et l’argent que peuvent couter les frais de poste.

5 Juillet. Bucarest.

Je félicite Serge sur son jour de naissance. Dites lui je vous prie que c’est mal à lui de ne m’avoir écrit jusqu’à présent. Quoique jusqu’à présent j’ai fait la même chose, je suis plus excusable. 1) parceque je suis seul à écrire à tous et 2) parceque quoique je ne lui écrive pas à lui il lit toujours mes lettres, à vous, à Nicolas ou à Valérien tandis que moi je n’ai de lui d’autres nouvelles qu’il se porte bien et qu’il est allé à Lébédiane. Au reste j’espère, que Nic. Serge et Basil7 penseront à moi quand ils seront ensemble à Béresovka8 et que je recevrai d’eux tous une lettre de là. —

На конверте:

Eя Высокоблагородію Татьянѣ Александровнѣ Ергольской въ

г. Тулу.

Дорогая и чудесная тетенька!

Представьте себе, что я только вчера получил ваше и Митенькино письмо от 14-го апреля, писанное еще из Курска.1 Отвечать на все получаемые мною письма, вошло в мою привычку; но отвечать на ваши — т. е. думать о вас, с вами беседовать, одно из величайших моих удовольствий. Как я уже писал вам кажется в своем последнем письме, я в Бухаресте живу покойно и приятно. Итак, рассказывать я буду о прошедшем — свои воспоминании о Силистрии. Столько я видел интересного, поэтического и трогательного, что время, проведенное мною там, никогда не изгладится из моей памяти. Лагерь наш был расположен по ту сторону Дуная, т. е. на правом

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ce bruit terrible m’a réveillé et effrayé, je croyais qu’on allait à l’assaut et j’ai bien vite fait seller mon cheval; mais ceux qui avaient déjà passé quelque tems au