le conseil de M. Zola. Mais c’est que l’idéal n’est ni le surnaturel ni l’inexpliqué. L’idéal est au contraire tout ce qu’il y a de plus naturel et de plus, je ne dirai pas d’expliqué, mais de plus certain pour l’homme.
L’idéal en géometrie c’est la ligne parfaitement droite et le cercle dont tous les rayons sont égaux, en science c’est la vérité pure, en morale la vertu parfaite.
Toutes ces choses la ligne droite comme la vérité pure et la vertu parfaite n’ont jamais existé, mais elles nous sont non seulement plus naturelles, plus connues et plus expliquées que toutes nos autres connaissances, mais ce sont les seules choses que nous connaissons avec certitude.
On dit vulgairement que la véritable réalité c’est ce qui existe ou bien que ce n’est que ce qui existe, qui est réel. C’est tout le contraire: la vraie réalité, celle que nous connaissons véritablement, c’est ce qui n’a jamais existé. L’idéal est la seule chose que nous connaissons avec certitude. Ce n’est que grâce à l’idéal que nous connaissons quoi que ce soit, et c’est à cause de cela que ce n’est que l’idéal qui puisse nous guider comme individus et comme humanité dans notre existence. L’idéal chrétien est devant nous depuis 18 siècles, il brille de notre temps avec une telle intensité qu’il faut faire de grands efforts pour ne pas voir que tous nos maux proviennent de ce que nous ne le prenons par pour guide. Mais plus il devient difficile de ne pas le voir, plus certains hommes augmentent d’efforts pour engager les autres à faire comme eux, à fermer les yeux, afin de ne pas le voir. Pour être bien sûrs d’arriver, il faut surtout jeter la boussole par-dessus bord, disent-ils et ne point s’arrêter.
Les hommes de notre monde chrétien ressemblent à des gens qui, pour déplacer quelque objet qui leur gâte l’existence, le tirent dans des directions opposées et n’ont pas le temps de s’accorder sur la direction dans laquelle ils devraient tirer.
Il suffit à l’homme actuel de s’arrêter un instant dans son activité et de réfléchir, de comparer les exigences de sa raison et de son coeur avec les conditions de la vie telle qu’elle est, pour qu’il s’aperçoive que toute sa vie, toutes ses actions sous en contradiction incessante et criante avec sa conscience, sa raison et son coeur. Demandez séparément à chaque homme de notre temps quelles sont les bases morales de sa conduite et presque tous vous diront que ce sont les principes chrétiens ou bien ceux de la justice fondée sur la même loi chrétienne. Et en le disant ils sont sincères. D’après l’état de leur conscience tous ces hommes devraient vivre comme des chrétiens; regardez-les, ils vivent comme des bêtes féroces. De sorte que pour la grande majorité d’hommes de notre monde chrétien, l’organisation de leur vie n’est pas le résultat de leur manière de voir et de sentir, mais de ce que certaines formes nécessaires jadis, continuent d’exister à l’heure qu’il est uniquement par l’inertie de la vie sociale.
Si dans les temps passés, quand les maux produits par la vie payenne n’étaient pas encore aussi évidents et surtout quand les principes chrétiéns n’étaient, pas encore si généralement acceptés, les hommes trouvaient moyen de soutenir consciemment le servage des ouvriers, l’oppression des uns par les autres, la loi pénale et surtout la guerre, il est devenu complètement impossible à l’heure qu’il est d’expliquer la raison d’être de toutes ces institutions. Les hommes de notre temps peuvent continuer leur vie payenne, mais ils ne peuvent plus l’excuser. L’humanité actuelle est arrivée à un tel degré de souffrance à cause de sa fausse conception de la vie et la vraie conception, celle qui donne le vrai bonheur grâce au progrés de l’intelligence humaine est devenue tellement claire et évidente que pour que les hommes de notre temps changent leur vie et l’accordent avec leur conscience; ils n’ont rien à entreprendre, ils n’ont qu’à s’arrêter et interrompre leur besogne. Pour que les hommes changent leur manière de vivre et de sentir il faut avant tout qu’ils changent leur manière de penser et pour qu’un tel changement se produise il faut que les hommes s’arrêtent et qu’ils fassent attention à ce qu’il doivent comprendre. Pour pouvoir entendre ce que leur crient ceux qui voudraient les sauver, ceux qui en chantant et criant roulent vers le précipice, doivent cesser leur vacarme et s’arrêter.
Que les gens de notre monde chrétien s’arrêtent dans leurs travaux et réfléchissent un instaut à leur état et involontairement ils seront amenés à accepter la conception de la vie donnée par le christianisme, conception tellement naturelle, simple et répondant aux besoins de l’esprit et du coeur de l’homme, qu’elle se produit presque d’elle-même dans l’entendement d’un homme qui se serait libéré ne fût-ce que pour un instant de l’enchevêtrement dans lequel le tiennent les complications de son travail et du travail des autres.
Le festin est servi depuis 18 siècles, mais l’un ne vient pas parce qu’il vient d’acheter un terrain, l’autre parce qu’il se marie, un troisième parce qu’il faut qu’il aille essayer ses boeufs, un quatrième parce qu’il construit un chemin de fer, une usine, est occupé à une oeuvre de missionnaire, travaille au parlement, à une banque, à son ouvrage scientifique, artistique ou littéraire. Personne depuis 2000 ans n’a le loisir de faire ce que conseillait Jésus au commencement de sa prédication — de regarder autour de soi, de penser aux résultats de notre travail et de se demander: que suis-je? Pourquoi? Serait-il possible que cette force qui m’a produit avec ma raison et mon désir d’aimer et d’être aimé ne l’ai fait que pour que m’étant imaginé que le but de ma vie est mon bien-être personnel, que ma vie m’appartient et que j’ai le droit d’en disposer de même que de la vie des autres êtres comme il me plaira, j’arrive enfin à la conviction que ce bien-être personnel, de la famille ou de la patrie que je poursuivais ne peut être atteint et que plus je m’efforcerai à l’atteindre, plus je me trouverai en contradiction avec ma raison et mon désir d’aimer et d’être aimé et plus j’éprouverai de désenchantement et de souffrances.
Et n’est-il pas plus probable de supposer que n’étant pas venu au monde spontanément mais d’après la volonté de Celui qui m’y a envoyé, ma raison et mon désir d’aimer et d’être aimé ne m’ont été donnés que pour me guider dans l’accomplissement de cette volonté qui m’a produit?
Une fois cette μετανοία accomplie dans la pensée de l’homme, la conception de la vie payenne et égoïste remplacée par la conception chrétienne et l’amour du prochain deviendrait aussi naturel que l’est à présent la lutte et l’égoïsme.
Et une fois l’amour du prochain devenu naturel à l’homme, les nouvelles conditions de la vie chrétienne se formeraient de soi-même, tout comme dans un lêquide saturé de sel les cristaux se forment de soi-même dès qu’on cesse de le remuer. Et pour que cela se produise et que les hommes s’organisent conformément à leur conscience il ne leur faut aucun effort positif; ils n’ont au contraire qu’à s’arrêter dans les efforts qu’ils font. Si les hommes employaient seulement le centième de l’énergie qu’ils emploient à présent à toutes leurs occupations matérielles, contraires à leur conscience, à éclairer autant que possible les données de cette conscience, à les exprimer aussi clairement que possible, à les populariser et, surtout, à les pratiquer, et beaucoup plustôt et plus facilement que nous ne le pensons, s’accomplirait au milieu de nous ce changement que prédit non seulement M. Dumas, mais qu’ont prédit tous les prophètes, et les hommes acquerraient le bien que leur promettais Jésus par sa bonne nouvelle. «Recherchez le royaume des cieux et tout le reste vous sera accordi».
НЕДЕЛАНИЕ
Редактор парижского журнала «Revue des revues», предполагая, как он указал мне это в своем письме, что мнение двух известных писателей о состоянии умов в настоящее время будет не безинтересным для меня, прислал мне две вырезки из французских газет, содержащих в себе речь Золя, произнесенную на товарищеском банкете студентов, и письмо Дюма к редактору «Голуа». Эти документы имели действительно глубокий интерес для меня, как по причине известности их авторов и их живого интереса к современности, так и потому, что трудно в настоящей литературе найти более краткие, энергичные и яркие выражения о двух самых основных силах, составляющих равнодействующую, движущую человечество: первая — сила привычки, рутина, которая старается удержать его на той дороге, по которой оно шло до сих пор, вторая — это дорога разума и любви, ведущая человечество к свету.
Г-н Золя не одобряет новейших руководителей французской молодежи, рекомендующих ей веру, которая кажется ему ни достаточно ясной, ни достаточно определенной, и со своей стороны предлагает ей верить в то, что является совершенно ясным и определенным — в науку и труд. Существует один малоизвестный китайский философ Лаодзи, основатель религиозного учения (первый и лучший перевод его книги «О пути добродетели» на французский язык принадлежит Станиславу Жюльену), поставившего в основу своего учения тао — слово, которое переводится «путем, добродетелью, истиной». Таким образом, тао может быть достигнуто только неделанием, согласно переводу Жюльена.
По учению Лаодзи, все несчастия человечества происходят не оттого, что люди пренебрегают выполнением того, что нужно, но оттого, что они делают то, что не нужно. Так что, если бы люди соблюдали, как он говорит, неделание, они бы избавились не только от всех личных бедствий, но еще и от тех, какие присущи всякой форме правления, т. е. от того, чем особенно озабочен китайский философ. Мысль Лаодзи кажется странной, но нельзя не согласиться с его мнением, когда мы рассмотрим результаты, к которым приводят дела огромного большинства людей нашего времени.