car,
Biento t, je vais tout laisser —
Je pense a` celui qui portera
Cette veste de loup,
A celui — qui se preґlassera sous ce plaid,
Avec cette fine canne a` te te de leґvrier,
A celui — qui portera mon bracelet
D’argent orneґ de turquoises…
A tous ces papiers, a` toutes ces fleurs
Que je ne peux pas — conserver…
Ma dernie`re rime — et toi,
Ma dernie`re nuit.
Je n’ai pas communieґ, je n’ai pas suivi la Loi.
Jusqu’a` la fin, et la messe dernie`re, je peґcherai —
Comme aujourd’hui je pe`che, comme hier j’ai peґcheґ,
Avec passion! De tous les sens que Dieu m’a donneґs!
Amis! Complices! Vous qui m’exhortez a` la flamme!
Vous, accuseґs comme moi! Vous deґlicats professeurs!
Filles et jeunes gens, arbres, eґtoiles, nueґes, Terre —
Au jugement dernier, tous devant Dieu nous passerons.
Il n’y a pas, dans ce maudit
Volume, de tentation
Pour une femme. — Ars amandi,
Pour une femme — toute la terre.
Le cur — des philtres d’amour,
Le philtre — le plus su r. — Une femme,
De`s son berceau est un peґcheґ mortel,
Pour l’un ou pour l’autre.
Le ciel est loin! Les le`vres
Sont proches, dans la brume…
— Dieu, ne juge pas! Tu n’eґtais pas
Une femme, sur terre!
Je connais la veґriteґ! Assez des veґriteґs anciennes!
L’homme sur terre ne doit pas contrer l’homme!
Voyez: le soir, voyez: deґja` presque la nuit!
Et quoi encore: des poe`tes, des amants, des capitaines?
Deґja` — le vent s’eґpuise, deґja` — la roseґe sur la terre,
Biento t — deґja` — la neige durcira dans le ciel eґtoileґ,
Et — biento t — tous, sous terre nous dormirons: car,
Sur terre, tous, nous nous empe chions de dormir.
Une fleur eґpingleґe a` la poitrine.
Je ne sais deґja` plus qui l’a eґpingleґe.
Inassouvie, ma soif de passion,
De tristesse et de mort.
Par le violoncelle et par les portes
Qui grincent, par les verres qui tintent
Et le cliquetis des
Des trains du soir,
Par le coup de fusil de chasse
Et par le grelot des troїkas —
Vous m’appelez, vous m’appelez,
Vous — que je n’aime pas!
Mais il est encore une joie:
J’attends celui qui, le premier,
Me comprendra, comme il le faut —
Et tirera a` bout portant.
J’ai ouvert le coffret de meґtal,
J’ai pris ce cadeau — des larmes:
Un anneau avec une perle superbe,
Avec une superbe perle.
Je suis sortie sur le seuil, un vrai chat,
J’ai exposeґ mon visage au vent.
Les vents — qui soufflent, les oiseaux — qui volent,
Les cygnes — a` gauche, a` droite — les corbeaux,
Nos chemins — par des co teґs diffeґrents.
Tu t’eґloigneras — avec les premiers nuages, avec l’orage,
Et ton chemin — dans l’eґpaisse fore t, sur les sables bru lants.
Ton a me — s’eґpuisera,
Tes yeux — pleureront.
Mais au-dessus de moi — la chouette criera.
Mais au-dessus de moi — l’herbe bruissera.
Nous n’avons jamais eґteґ ensemble: c’est doux
Pour moi. — Personne ainsi n’a rien repris.
Je vous embrasse, par-dela` les centaines
Des verstes qui nous seґparent.
Je sais: nos dons sont dissemblables.
Ma voix, pour la premie`re foix, est basse.
Que vous importe, jeune Derjavine,
Mon vers mal eґleveґ! —
Pour le terrible vol, je te salue:
— Vole, jeune aigle, vole! —
Tu supportes le soleil dans les yeux, —
Mon jeune regard est-il si lourd?
Personne ne vous regardait partir
Plus tendrement, plus deґfinitivement…
Je vous embrasse, par-dela` les centaines
Des verstes qui nous seґparent.
Tu le`ves la te te trop haut —
Un orgueilleux, un menteur.
C’est, pour moi, en ce feґvrier,
Un joyeux compagnon!
Nous faisons sonner l’argent, nous
Faisons lentement des ronds de fumeґe,
Nous marchons dans notre ville natale
Comme de solennels eґtrangers.
Quelles mains soigneuses ont toucheґ
Tes cils, cette beauteґ, — quand, et
Comment, et qui, celles, nombreuses,
Qui ont embrasseґ ta bouche — ,
Je ne le demande pas. Mon esprit avide
Matrise ce re ve. En toi,
J’honore un enfant
Divin de dix ans.
Arre tons-nous pre`s de la rivie`re qui rince
Le collier multicolore des lanternes.
J’irai avec toi jusqu’a` la place
Qui a vu des tzars adolescents…
Siffle pour eґvacuer le mal des jeunes
Garc ons, et serre ton cur dans ta paume…
— Mon affranchi impassible
Et violent — Pardon.
D’ou` vient cette tendresse?
Ce ne sont pas les premie`res
Boucles — que je lisse — et
J’ai connu des le`vres plus sombres.
Les eґtoiles s’allument et s’eґteignent,
— D’ou` vient cette tendresse? —
Des yeux s’allument et s’eґteignent,
Tout pre`s de mes yeux.
J’ai entendu des chants
Autres, dans la nuit noire,
— D’ou` vient cette tendresse? —
Sur la poitrine me me du chanteur.
D’ou` vient cette tendresse? —
Et qu’en faire, adolescent
Malicieux, chanteur vagabond,
Aux cils — les plus longs.
Poemes pour Blok
1
Ton nom — un oiseau dans la main,
Un glac on sur la langue — ton nom,
Un seul mouvement des le`vres,
Ton nom — quatre lettres.
Un petit ballon, saisi au vol,
Un grelot d’argent dans la bouche.
Il jaillit dans un sanglot, ton nom,
Et d’une pierre jeteґe dans un eґtang.
Il brille, il gronde, la nuit, ton nom
Dans un leґger cliquetis de sabots.
Et le claquement sonore du fusil
Le soulignera sur notre tempe.
Ton nom — Ah, l’impossible! —
Un baiser sur les уeux, ton nom,
Sur le gel tendre des paupie`res immobiles.
Ton nom — un baiser sur la neige,
Une glaciale gorgeґe bleue — a` la source…
Avec ton nom, le sommeil est profond.
2
Tendre fanto me,
Chevalier sans reproches,
Qui t’a appeleґ
Dans ma jeune vie?
Dans la brume bleue,
Debout, en chasuble
De neige.
Ce n’est pas le vent, qui
Me poursuit a` travers la ville,
Cela fait trois soirs, deґja`,
Que je sens l’ennemi.
Il m’a envou teґe,
Le chantre de neige
Aux yeux bleus.
Et le cygne de neige eґtend
Ses ailes sous mes pieds.
Les plumes s’eґtalent et
S’alte`rent sur la neige.
J’avance sur les plumes,
Ainsi, vers la porte,
Et, au-dela`, la mort.
Par les fene tres bleues,
Il chante pour moi,
Il chante pour moi,
De ses lointains grelots.
Et son appel:
Un long cri, puis
La voix du cygne.
Tendre fanto me!
Je sais, je vois tout en re ves.
Fais-moi cette gra ce: amen,
Amen, tombe en poussie`re!
Amen.
3
Tu passes a` l’ouest du soleil,
Tu vois la lumie`re du soir,
Tu passes a` l’ouest du soleil,
Et la neige en rafale couvre tes pas.
Devant mes fene tres, indiffeґrent —
Tu passeras, dans le silence et la neige,
Mon homme de Dieu, juste et magnifique,
Douce lumie`re de mon a me.
Je ne convoite pas ton a me!
Ton chemin reste a` l’eґcart.
Et je n’enfoncerai pas mon clou
Dans ta main, pa le de baisers.
Je ne t’appelerai pas par ton nom,
Je ne te tendrai pas les bras,
Je m’inclinerai, de loin,
Devant la Sainte face de cire
Et sous la neige lente, dans la neige,
Je me mettrai a` genoux, et,
En ton nom sacreґ,
J’embrasserai la neige du soir.
La`, ou`, majestueusement,
Tu es passeґ, dans un silence de mort,
Douce lumie`re, — gloire des saints —
Dans la possession de mon a me.
4
Pour l’animal — sa tanie`re,
Pour le voyageur — son chemin,
Pour le mort — son corbillard,
Pour chacun — son du .
Aux femmes — la ruse,
Au tzar — l’eґtat,
A moi — la glorification
De ton nom.
5
Chez moi a` Moscou — brillent les coupoles,
Chez moi a` Moscou — les cloches sonnent,
Et les seґpultures, chez moi, sont aligneґes, —
Y dorment les tzarines et les tzars.
Tu ne sais pas, toi, qu’a` l’aube, au Kremlin,
On respire plus a` l’aise — que partout ailleurs!
Tu ne sais pas, toi, qu’a` l’aube, au Kremlin,
Et jusqu’a` l’aube, je te prie comme un dieu.
Et tu passes au-dessus de la Neva,
Au moment ou`, au-dessus de la Moscova,
Je me tiens te te baisseґe,
Et les reґverbe`res tombent de sommeil.
De toute mon insomnie je t’aime,
De toute mon insomnie je t’eґcoute —
Lorsque partout dans le Kremlin
S’eґveillent les carillonneurs.
Mais mon fleuve — avec ton fleuve,
Mais ma main — avec ta main
Ne se rencontrent pas, o ma Joie,
Tant que l’aube n’a pas rejoint l’aube nouvelle.
6
On pensait — un homme!
On l’a fait mourir.
Il est mort. A jamais.
— Pleurez sur l’ange mort!
A la fin du jour,
Il chantait la beauteґ du soir.
Trois flammes de cire
Tressaillent, superstitieusement.
Des rayons eґmanaient de lui —
Cordes bru lantes sur la neige.
Et trois cierges de cire — et
Le tout au soleil! Au porteur de lumie`re!
O, regardez — comment les sombres
Paupie`res se sont enfonceґes!
O, regardez — comment
Ses ailes se sont briseґes!
Le reґcitant noir reґcite,
Les gens oisifs fla nent…
— Le chantre mort repose
Et ceґle`bre la reґsurrection.
7
Probablement — derrie`re ce petit bois
Le village, ou` je vivais.
Probablement — l’amour est plus simple,
Il est plus facile, que je ne croyais.
Oheґ! — Les diables, crevez donc!
Il s’est souleveґ, il a leveґ — le fouet —
Et, apre`s l’injure — le coup, cinglant,
Et, de nouveau, les grelots chantent.
Au-dessus des bleґs faiblissants, miseґrables,
La perche se dresse — et apre`s elle une autre perche,
Et le fil de fer haut dans le ciel chante,
Et il chante la mort.
8
Et une nueґe de mouches autour de haridelles indiffeґrentes,
Et le cher andrinople de Kalouga gonfleґ par le vent,
Et le cri des cailles, et le grand ciel, et
Le flot des choches par-dessus le flot des bleґs,
Et les parlotes: les Allemands, — c’est assez mais jusqu’ou`! —
Et la croix tre`s jaune derrie`re le petit bois bleu,
Et la douce chaleur, et un tel eґclat en tout,
Et ton nom, qui sonne comme: Ange.
9
Faible rayon dans les teґne`bres noires de l’enfer —
Ta voix dans le grondement et l’explosion des obus.
Et la`, dans le tonnerre, comme un quelconque
Seґraphin, elle annonce, cette voix sourde,
— On ne sait de quels anciens matins brumeux —
Combien il nous a aimeґs, nous, aveugles et anonymes,
Et le manteau bleu, et le peґcheґ — de perfidie… Et
Combien — plus tendrement — plus fortement encore —
Combien il n’a cesseґ de t’aimer, Russie, disparue
A jamais dans la nuit — pour de tristes histoires!
Et ses doigts glissent — le long de ses tempes —
Ils semblent interroger — d’un geste perdu —:
Les jours nous attendent, et la tromperie de Dieu,
Et quel nom a` venir pour un soleil qui ne se le`vera plus…
Ainsi, prisonnier en tete-a`-tete avec lui-meme,
(Ou bien cet enfant qui parle en revant)
Nous est apparu sur toute la vaste plaine —
Le cur sacreґ d’Alexandre Blok.
10
Il regarde, la`, fatigueґ des lointains,
Chef sans partisans,
La` — et l’eau du torrent dans le creux de sa main —
Prince sans terres.
La` — ou`, pourtant, tout: possessions et soldats,
Et pain, et me`re.
Ton hеґritage est