quarante mille…
Moins
Quand me me, qu’un seul amant.
Par le fond, ou` sont le limon…
— Mais, moi, je —
l’aimais??
La Lettre
On n’attend pas ainsi des lettres,
On attend ainsi — une lettre.
Un morceau de chiffon,
Un filet de colle
Autour. A l’inteґrieur — un mot.
Du bonheur. — Et — c’est tout.
On n’attend pas ainsi le bonheur,
On attend ainsi — la fin:
Des soldats, une salve
Et, dans le cur — trois
Eclats de plomb. Du rouge aux yeux.
Voila`. — Et — c’est tout.
Pas le bonheur — je suis vieille!
Les couleurs, — chasseґes par le vent!
Le carreґ de la cour
Et le noir des fusils.
(Le carreґ d’une lettre:
L’encre, l’envou tement!)
Pour le sommeil de la mort
Personne n’est vieux!
Le carreґ d’une lettre.
Madeleine
1
Entre nous: les Dix Commandements:
La fournaise de dix bu chers.
Le sang des miens me repousse, —
Tu es pour moi — le sang eґtranger.
Au temps des Evangiles, —
J’aurais eґteґ une de celles…
(Le sang eґtranger — le plus envieґ,
Et le plus eґtranger de tous!)
Vers toi, avec tous mes malheurs, —
Je serais attireґe, coucheґe humblement —
Clarteґ de ce que tu es! — Mes yeux
De deґmons cacheґs, je verserais les onctions —
Et sur tes pieds, et sous tes pieds,
Et me me, simplement, dans le sable…
Les marchands, la passion vendue,
Repousseґe, — elle coule!
Par la bave de la bouche, et par l’eґcume
Des yeux, et par la sueur de tous les deґlices.
De mes cheveux j’enveloppe tes pieds,
Comme dans une fourrure…
Comme une quelconque eґtoffe, je m’eґtends
Sous tes pieds… Mais, es-tu vraiment celui
(Celle!) qui dit a` la creґature aux boucles de feu:
Le`ve-toi, sur!
2
Le flot du tissu, payeґ trois fois
Son prix, et de la sueur des passions,
Et des larmes, et des cheveux — le flot
Entier coule, coule et Lui
Fixe d’un regard bienheureux
L’argile rouge et sec, et:
Madeleine! Madeleine!
Ne t’offre pas ainsi, tellement.
3
Je ne vais pas t’interroger sur le chemin —
Que tu as suivi: tout eґtait deґja` eґcrit.
J’eґtais pieds nus, tu m’as chausseґ
De la pluie de tes cheveux et —
De tes larmes.
Je ne te demande pas, — de quel prix
Sont payeґes ces huiles.
J’eґtais nu, et des formes
De ton corps, toi, — comme d’un mur,
Tu m’as entoureґ.
Plus calme que l’eau, et plus bas que l’herbe,
Je toucherai ta nuditeґ de mes doigts.
Je me tenais droit, tu t’es pencheґe vers moi,
Tu m’as appris la tendresse de ce geste.
Fais-moi une place dans tes cheveux,
Serre-moi dans les langes — et qui ne soient pas
De lin — Porteuse d’onctions!
A quoi bon toutes ces huiles?
A qui bon toutes ces huiles?
Tu m’as baigneґ
Comme une vague.
Tu m’as aimeґe. La veґriteґ
Etait fausse. Le mensonge
Etait since`re.
Tu m’as aime`e — plus qu’on ne peut!
Au-dela` des limites!
Tu m’as aimeґe plus longtemps
Que le temps. — Un revers de main,
Et tu ne m’aimes plus:
La veґriteґ tient en cinq mots.
Deux
1
Il y a des rimes dans ce monde:
On les seґpare — et il freґmit.
Home`re, tu eґtais aveugle.
La nuit — sur tes sourcils,
La nuit — ton manteau de rhapsode,
La nuit — le rideau sur tes yeux.
Sans cela aurais-tu seґpareґ
Heґle`ne et Achille?
Heґle`ne. Achille. Donne
Des noms plus harmonieux.
Oui, le monde est construit
Contre le chaos, pour l’harmonie,
Et pousseґ a` la division,
Il tient sa vengeance,
— L’infideґliteґ des femmes —
Il se venge — Troie en flammes!
Rhapsode aveugle: tu as gaspilleґ
Ton treґsor comme une chose de peu.
Il y a des rimes assembleґes —
Dans l’autre monde. Et notre
Monde s’eґcroule dans la division. Mais
Qu’importent les rimes? Heґle`ne, vieillis donc!
…Et le meilleur des hommes d’Achaїe!
Et Sparte la voluptueuse!
Il n’y a que le freґmissement des myrtes,
Et le sommeil de la cithare:
Heґle`ne, Achille:
Une paire deґpareilleґe.
2
Il n’est pas eґcrit, en ce monde,
Qu’un puissant s’unisse a` un puissant.
Ainsi Siegfried et Brunhild, seґpareґs,
Un mariage reґgleґ par le glaive,
Dans la haine fraternelle de cette union
— Comme des buffles! — Roc contre roc.
Il a quitteґ le lit nuptial, lui, inconnu,
Elle, non reconnue — elle dormait.
Seґpareґs! — me me sur le lit nuptial —
Seґpareґs! — me me les mains jointes —
Seґpareґs! — en notre langue double —
Tardive et deґsunie — voila` notre union!
Mais il est une offense encore
Plus ancienne: l’Amazone abattue,
Comme un lion, le fils de Theґtis
N’a pas rencontreґ la fille d’Are`s:
Achille n’a pas rencontreґ
Pentheґsileґe.
Souviens-toi, son regard vient d’en bas —
Elle regarde comme un chevalier abattu!
Son regard ne descend plus de l’Olympe —
L’argile! — Et pourtant il vient d’en haut!
Qu’importe cette jalousie qui seule
L’occupe: gra ce a` sa femme, il tire
Cela des teґne`bres. Ce n’est pas eґcrit,
Il n’est qu’un eґgal — face a` un eґgal…
Et nous ne nous rencontrons pas.
3
Dans un monde ou` chacun
S’abaisse et s’exteґnue,
Je sais — un seul
Egale ma vertu.
Dans un monde ou` tant
Et plus nous seґduit,
Je sais — un seul
Egale mon eґnergie.
Dans un monde ou` tout
Est lierre, moisissure,
Je sais — un seul,
Toi, — dans l’absolu,
Mon eґgal.
Tentative de jalousie
C a va comment, la vie, pour vous —
Avec une autre — Plus simple, non?
Un coup de rame, et la meґmoire aussito t,
Comme la rive, au loin s’eґcarte
De moi, le a` la deґrive, (dans le ciel
Pas dans l’eau!). Ames! Vous serez
Des surs, toutes deux, vous,
Les a mes, pas des amantes!
C a va comment, la vie, pour vous —
Avec une simple femme? Sans
Les diviniteґs? Vous avez deґtro neґ
Votre reine (vous aussi, par la` me me),
C a va comment, la vie, pour vous —
Les tracas — les tendresses? Et le reґveil —
Comment? Et que faites-vous, malheureux,
De l’immortelle vulgariteґ?
«Des affrontements, puis des sursauts —
C a suffit! Je trouverai ailleurs!»
C a va comment, la vie, pour vous — avec
N’importe qui, vous, que j’avais choisi?
Plus traditionnelle, plus mangeable —
La cuisine? On s’en lasse — a` qui la faute…
C a va comment, la vie, pour vous — avec
Un fanto me, vous, qui avez trahi le Sinaї?
C a va comment, la vie, pour vous — avec
L’une ou l’autre, ici ou la`? Votre moitieґ,
Vous aimez? Et la honte, comme les re nes de Jupiter,
Est-ce qu’elle fouette votre front?
C a va comment, la vie, pour vous —
La santeґ — c a va? Et le chant — comment?
Et la plaie de l’immortelle conscience,
Comment la matrisez-vouz, malheureux?
C a va comment, la vie, pour vous — avec
Votre sous-produit? Et le prix — lourd?
Apre`s les marbres de Carrare, c a va
Comment, la vie, pour vous — avec la camelote,
Le pla tre? (Il est sculpteґ dans la masse,
Dieu, et le voici reґduit en morceaux!).
C a va comment, la vie, avec la cent-millie`me —
Pour vous — qui avez connu Lilith!
Est ce qu’elle s’use la nouveauteґ
D’un article de pacotille? Las des philtres,
C a va comment, la vie, pour vous —
Avec la femme pratique, sans sixie`me
Sens?
Alors, te te entre les mains: heureux?
Non? Dans le fond sans profondeur,
Comment c a va, mon cheґri? Pire, ou
Comme pour moi
Aupre`s d’un autre?
Amour
Le yatagan? Les flammes? C’est trop! —
Plus modestement, un mal, familier,
Comme la paume de mains aux yeux, —
Comme le nom d’un enfant —
Aux le`vres.
Il est vivant, le deґmon
En moi, il n’est pas mort!
Dans le corps: dans une cale,
En soi-me me: en prison.
Le monde: — les murs.
Une issue: — la hache.
(Le monde — une sce ` ne, —
Balbutie le comeґdien.)
Le bouffon boiteux,
Lui, n’a pas heґsiteґ.
Dans le corps: — dans la gloire,
Dans le corps: — dans une toge.
Vis longtemps! Tu es
Vivant, — tiens a` ta vie!
(Seuls les poe`tes sont dans
Leurs os: — dans leur mensonge!)
Non, pas de promenade pour
Nous, confreґrie de chantres.
Dans le corps: — dans un peignoir
Paternel et douillet.
Nous valons mieux. Dans
Le coton, nous deґpeґrissons.
Dans le corps: — dans une stalle,
En soi-me me: — dans un four.
Nous n’accumulons pas de
Denreґes peґrissables.
Dans le corps: — dans un mareґcage,
Dans le corps: — dans un caveau.
Dans le corps: — en exil
Extre me. — Deґperdition!
Dans le corps: — dans un myste`re,
Sur les tempes: — dans l’eґtau
Du masque de fer.
Petite torche
La Tour Eiffel — a` porteґe de la main!
Va, a` ta main, grimpe.
Mais, tous, nous l’avons vue, et
Aujourd’hui la voyons, et d’autres choses,
Il nous parat ennuyeux
Et pas beau, votre Paris…
«Russie, ma Russie, pourquoi
Bru ler d’un feu si clair?»
Poeme a son fils
Notre conscience — n’est pas votre conscience.
Allez — Assez! — Oubliez tout, enfants,
Ecrivez vous-me mes le reґcit
De vos jours et de vos passions.
Loth, et sa famille de sel —
C’est notre album de famille.
Enfants, reґglez vous-me mes les comptes
Avec la ville qu’on veut faire passer pour —
Sodome. Tu n’as pas frappeґ ton fre`re —
C’est clair, pour toi, mon ange!
Votre pays, votre sie`cle, votre jour, votre heure,
Et notre peґcheґ, notre croix, notre dispute, notre
Cole`re. Serreґs dans une pe`lerine
D’orphelin de`s votre naissance —
Cessez de prendre le deuil
Pour cet Eden que vous n’avez pas
Connu! Et pour des fruits — que vous n’avez
Jamais vus. Comprenez: il est aveugle —
Celui qui vous emme`ne a` l’office des morts
Pour le peuple, et qui mange du pain,
Et qui vous en donnera — comme
C’est rapide, de Meudon au Kouban…
Notre querelle — n’est pas votre querelle.
Enfants, creґez vous-me mes vos propres
Deґsaccords.
Je te remercie, cher fide`le bureau!
Tu m’as donneґ ton arbre
Pour devenir bureau — et
Tu restes — un arbre vivant!
Avec ce jeu de jeunes feuillages
Au-dessus des sourcils, cette eґcorce vivante,
Les larmes d’une reґsine vivante, et
Des racines jusqu’au treґfonds de la terre.
Jardin
Pour cet enfer,
Pour ce deґlire,
Donne-moi un jardin,
Pour mes vieux jours.
Pour les vieilles anneґes,
Pour les vieux malheurs:
Le travail — les anneґes,
Les sueurs — les anneґes…
Pour les vieilles anneґes,
Les anneґes de chien —
Les bru lantes anneґes —
Le frais jardin…
Pour le fugitif
Donne-moi ce jardin:
Sans — ni — personne,
Sans — ni — a me!
Un jardin: ne pas marcher!
Un jardin: ne pas voir!
Un jardin: ne pas rire!
Un jardin: ne pas se moquer!
Sans aucune oreille,
Donne-moi un jardin:
Sans nulle odeur!
Sans a me aucune!
Tu diras: assez de douleur — prends ce
Jardin — solitaire, comme toi.
(Mais tu n’y resteras pas, toi, la`!).
Un jardin, solitaire, comme toi.
Pour les vieux jours, ce jardin, pour moi…
— Ce jardin autre? Et, peut-e tre, cet autre monde? —
Donne-le-moi pour mes vieux jours —
Et pour le pardon de l’a me.
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