Collier-rideau
De pluie. — Qu’un quai ainsi finisse
— Jamais vu! — Le pont:
— Bien? (de dos)
Ici? Le-veґe des yeux
Calmes. (Pret — le convoi.)
Jusque chez vous, je peux…
Pour la der-nie`re fois!
8
Le der-nier pont.
(Ma main: que moi, je la deґgage?
La rende? — Non!)
Le dernier pont, dernier peґage.
L’eau et les cieux.
Pie`-ces pour la mort — eґtaleґes.
Un sou gracieux
Du a` Charon pour le Leґtheґ.
La pie`ce est d’ombre,
D’ombre — la main. Pas un bruit quand
Ces pie`-ces tombent.
Et donc, d’ombre est la main qui prend
La pie`-ce d’ombre.
Sans un reflet, sans un eґcho.
Pie`-ces — aux tombes!
Les morts ont assez des pavots.
Le pont.
Des-tination
Des amants sans espoir, haut centre:
Pont, toi — passion:
Convention: rien que «passage-entre».
Moi — comme au nid
Tapie, la cote — je m’y serre.
Ni avant, ni
Apre`s: L’espace d’un eґclair!
Ni jambes, ni
Bras. Le treґfonds des os l’atteste:
Seul mon flanc vit,
Que, contre le voisin, je presse.
Tout dans le flanc!
La vie! Lui — la veille et l’oreille!
C’est jaune et blanc
Colleґs! A l’esquimau pareille,
— Presseґe, colleґe
A la fourrure. Et vous, Siamois!
Quoi? Vous — lieґs?!
Cette femme-la`, souviens-toi,
Maman — tu lui
Disais: dans son triomphe quiet,
Et toute oubli,
Elle te portait, mais — moins pre`s!
— Communs! Conjoints!
Vois nos jours! Tu m’as berceґe contre
Ton cur! Plonger?
Non! Lacher ta main — Qu’on n’y compte
Pas! Et blottie,
Blottie… Inarrachablement.
Pont: non — mari:
Amant! — Pur «passage-devant».
Tu nous fais vivre,
Pont! Nos corps: pature du fleuve!
Givre a` la vitre,
Hutre: m’extirpent — ceux qui peuvent!
Hutre! A la vitre,
Givre! Ni divin, ni humain!
Me je-ter vive,
Comme une chose, moi, dont rien
Du monde faux
Des choses, n’a eu le respect!
Je reve: il faut!
C’est nuit! Dis qu’au matin, apre`s:
L’ex-press et Rome!
Grenade? Saurais-je ou` je vais,
Dans le deґsordre
Des Himalayas de duvets?
Bre`-che, trou sans
Neige: mon dernier sang la chauffe.
Entends mon flanc!
Les vers — c’est tellement plus gauche…
Dis, reґ-chauffeґ?
A qui te loueras-tu demain?
Raison: faucheґe!
Dis que le pont n’a pas de fin
Et n’en au-ra pas…
— Fin
— Ici? — Geste incolore,
D’enfant. — Bien? — Je le bois.
— Un petit peu en-core:
Pour la dernie`re fois!
9
Au long d’usines reґsonnantes,
Vibrant a` l’appel des voix…
Sous la langue le secret hante
Femmes et veuves, — a` toi voi —
— la` je dis le secret de l’etre
Qu’Eve a` l’Arbre a celeґ, vivante:
Je ne suis pas plus qu’une bete
Que quelqu’un a blesseґe au ventre.
Ca brule… L’ame qu’on arrache
Avec la peau! Au trou! Fumeґe!
Partie, l’heґreґsie-grand-panache,
L’ineptie, — «ame» deґnommeґe!
Chreґtienne, terne infirmiteґ!
Fumeґe! De compresses — couvrir!
Elle n’a jamais existeґ!
Etait — le corps, il voulait vivre,
Ne veut plus.
Pardonne-moi! Je ne voulais
Pas! Clameur des fonds eґventreґs!
Condamneґs attendant qu’on les
Fusille, — devant l’eґchiquier
Au petit jour… Le judas comme
Pris d’un rictus narquois — pour nous!
Car c’est bien des pions que nous sommes!
Et quelqu’un la` — mais qui? — nous joue.
Brigands? Ou dieux au bon vouloir?
Tout englobant par le judas —
L’il. Cliquetis dans le couloir
Du deuil. Planche leveґe — deґja`!
Puis, la bouffeґe de cigarette.
(Crachat.) — On a veґcu un coup!
(Crachat.) Chemin droit qui s’arrete
Sur les trottoirs du jeu — au bout:
Fosseґ! Saigner! Par la lucarne:
C’est l’il de la lune qui point…
Et sur le coteґ je regarde,
Pencheґe — que tu es deґja` loin!
10
— Notre cafeґ! — Frisson
Unique — a` l’unisson!
Notre e`glise! O lot!
Couple d’un jour, tre`s tot,
Vagabonds sans adresse,
On ceґleґbrait la messe.
Le bazar, la lavasse,
Autre rive et printemps…
Un cafeґ deґgueulasse, —
C’eґtait du foin vraiment!
(C’est l’ardeur des chevaux
Qu’avec le foin on mate!)
D’Arabie — il s’en faut! —
D’Arcadie, l’aromate
Dudit cafeґ…
Mais comme la patronne,
Nous ayant attableґs,
Souriait, habile et bonne, —
Et les eґgards d’embleґe
Des amantes blanchies:
Vivez! On fane, un jour!
Sans-le-sou, — nos folies,
Baillements, — a` l’amour
Souriant, — a` la jeunesse!
A nos rires — pour rire,
A l’ironie — sans cesse,
Aux visages — sans rides, —
Surtout — a` la jeunesse!
Aux passions — pas d’ici!
Venant d’ou`? — qui se presse,
Venant d’ou`? — qui jaillit
Dans le cafeґ blafard:
— Les burnous et Tunis! —
Aux muscles, aux espoirs
Sous nos chasubles tristes…
(L’ami, qu’on ne me plaigne
Pas: tant de cicatrices!)
Et nous raccompagnant,
Avec son bonnet lisse
Et le linge hollandais…
A mi-souvenir, mi-comprendre,
Comme de la fete enleveґs…
— Notre rue! — D’autres vont la prendre…
— Que de fois nous!… — Loin, ses paveґs…
— Demain de l’Ouest le soleil part!
— David avec Dieu rompt les liens!
— Et nous, au juste? — On se seґpare.
— Il ne me dit strictement rien
Ce mot superabsurdissime:
Seґ-pa-ra-tion. — Une sur cent?
Un mot composeґ de dix signes:
Rien que le vide sous-jacent.
Attends! La Tcheґquie nous eґgare!
En serbe ou croate — on le dit?
Seґ-pa-ra-tion. On se seґpare…
Surabsurdissime anerie!
Oreilles: deґchirement brusque
A ce son — et l’angoisse plus loin…
Seґparation — ce n’est pas russe!
Pas feґminin! Pas masculin!
Pas divin! Quoi! Nous — des brebis
Baillant qu’on disperse au repas?
Seґparation — en quel sabir?
De sens, ca n’en a meme pas,
Ni de son! Bruit creux d’une scie,
Par exemple, pour un dormeur.
Seґparation — ce sont des cris
De rossignols, martins-pecheurs
Chez Khlebnikov…
Est-ce possible?
Reґservoir videґ — voila` l’air!
La main contre l’autre — est audible.
Se seґparer — c’est le tonnerre
Sur la tete… Dans la cabine
L’oceґan! Le cap — le dernier
D’Oceґanie! Rues — trop a` pic:
Se seґparer, mais c’est au pied
De la montagne… Pied pesant:
Deux soupirs… Paume — sans retard,
Et clou! Argument renversant:
Se seґparer — c’est etre a` part,
Or nous sommes soudeґs…
11
Perdre tout en un tour —
Net! Plus rien!
Banlieue, faubourg: des jours
C’est la fin.
Finis — silex, deґlices,
Nous, jours et eґdifices.
Villas vacantes! (— Me`re ageґe):
Meme respect pour celles-la`!
Car c’est une action que — vaquer!
Le creux ne vaque pas.
(Villas vacantes a` moitieґ,
Mieux vaudrait vous bruler!)
Pas trembler, la blessure
Inciseґe.
Banlieue, banlieue: coutures
Deґchireґes.
Car l’amour — (sans enflure
Superflue) — est couture.
Ni mur, ni pansement, — couture!
— Pas d’armure pour toi!
Couture: le mort cousu dur
En terre, et moi — a` toi!
(Le temps dira de quelle trempe:
Preґcaire ou reґsistante!)
En tout cas, l’ami, — deґchirure!
Mille eґclats et deґbris!
Fracas! Encore heureux (— cassure!)
Qu’elle n’ait pas pourri!
Pas d’infection! Rouge — la vie
Veineґe sous le bati!
Oh! ne perd pas qui rompt
En force!
Banlieue, faubourg: des fronts
Le divorce.
Cerveaux — au vent! (Dans les
Peґripheґries — gibets).
Oh! ne perd pas qui rompt et part,
A l’heure ou` l’aube point!
Une vie cousue pour toi, tard,
Sans bati, par mes soins.
Tordue? Pas de griefs! Faubourg:
Rupture des coutures.
Ames sans appret: plaies
Partout!…
Banlieue, faubourg… Ample est
Le courroux
Du faubourg. Entends le destin,
Sa botte dans les flaques
De boue!… Ami, juge ma main
Qui coud en toute hate:
Le fil — va le deґfaire!
Le der-nier reґverbe`re!
Ici? La magie gagne —
Regard. (Races qui croient:
Regard). — Sur la montagne?
Pour la der-nie`re fois!
12
— Collines. Crinie`re
Drue: pluie dans les yeux.
Le faubourg — derrie`re,
On est en banlieue,
On est. Mais qu’en faire?
Maratre-vireґe,
Plus de lieu sur terre.
Nous, ici: crever.
Un champ. Haie autour.
Fre`re et sur — nous deux!
La vie est faubourg. —
Construis en banlieue!
La cause est, messieurs,
Perdue! — Inutile…
Des faubourgs — rien qu’eux!
Mais ou` sont les villes?!
La pluie rage et broie.
Debout, nous — deux etres:
Rageons. En trois mois
Premier tete a` tete.
Emprunter — c’est a`
Job que voulait Dieu?
Mais sans reґsultat…
On est en banlieue!
A l’exteґrieur! Hors! Hors de la ville!
Remparts franchis! Tu comprends?
Vivre est un lieu ou` c’est impossible:
Le quar-tier juif, du dedans…
Et ne vа-t-on pas le front plus haut,
En devenant juif errant?
Aux yeux de qui n’est pas un salaud,
Le po-grome juif eґtant
La vie. Ne vit que grace aux nombreux
Reneґgats! Grace aux Judas!
Plutot sur les les de leґpreux,
En enfer! — mais pas dans la
Vie, — que pour les reneґgats, que pour
Le bourreau: a` lui — la brebis!
Le droit a` ma carte de seґjour
Je le pieґtine! J’en ris!
Pieґtineґ! Bouclier de David —
Vengeґ! Viser dans la glu
Des corps! N’est-il pas enivrant: vivre —
Le Juif ne l’a pas voulu?!
Ghetto des eґlites! Au trou! Tiens!
Pas de pitieґ! Que des gifles!
En ce monde-ci hyperchreґtien
Les poe`tes sont des Juifs!
13
Aiguiser les couteaux sur
Le roc, ou bien balayer
La sciure! De la fourrure
Sous les mains — mouilleґe!
Eh bien!, les surs, quoi?!
— Force et seґcheresse
D’homme! Sous les doigts —
Larmes, non averse!
De quels charmes maintenant
Parler? Sur tes biens — l’eau trone!
Apre`s tes yeux de diamant,
Me ruisselant sous les paumes,
Fin de la fin. Cesse
Pour moi — le naufrage.
Caresses, caresses
Le long du visage.
C’est notre orgueil a` nous deux —
Polonaises, a` nous autres —
Marina. Apre`s tes yeux
D’aigle pleurant sous mes paumes…
Mon ami, tu pleures!
Pardon! Tout est mien!
O sel et rondeurs
Au creux de la main!
Larmes d’homme sont brutales.
Sur le crane — la massue!
Pleure! Et reґpare plus tard
La honte avec moi perdue.
U-ne mer relie —
Les poissons! Se le`ve:
… Coquille sans vie,
Le`vres contre le`vres.
En larmes.
De l’oseille —
Au gout.
— Demain
Au reґveil,
Moi — ou`?
14
Le sentier a` moutons —
Descend. Ville en vacarme.
Vers nous, trois filles vont.
Elles rient. Face aux larmes
Elles rient, — plein midi
Terrestre, hautes cretes
Marines!
— Elles rient
De tes larmes abjectes,
Indues, d’homme!, visibles
Dans la pluie: plaies strieґes!
Perle honteuse qu’exhibe
Le bronze du guerrier.
De tes larmes, — oh! verse! —
Premie`res et dernie`res.
Tes larmes, ces perles
Que ma couronne acquiert.
Mes yeux leveґs — exprе`s!
Ils traversent l’averse,
Fixes. Fixez plus pre`s,
Poupeґes de Veґnus! Reste
Ce lien-ci plus eґtroit
Que l’attrait et l’eґtreinte.
Le Chant des Chants nous doit
La parole — on l’emprunte,
— Obscurs oiseaux: contraint,
Salomon s’eґmerveille,
Puisque pleur en commun
Est bien plus que sommeil!
Lui — ployeґ, eґgal — passe
Les creux d’ombre en arceaux,
En silence, sans trace —
Comme sombre un vaisseau.
Envoye de la mer
Par le vent nord-sud,
Je sais: pas possible!
Possible — j’en use!
En engin mobile,
— Tourniquet d’air: lutte
Chassant les copeaux —
Reve: trois minutes
De dureґe. Presto!
Qu’importe a` quel cou
Tu dors. Trois minutes.
L’Oceґan — Moscou:
Trop long — inutile!
Fulgurant trajet
Reґserveґ: sans frein!
De mon reve j’ai
Sauteґ dans le tien.
Tu reves de moi.
Clair? Flagrant? Plus net
Que sous la paroi
D’un timbre? Une lettre —
Je vaux? Un cachet —
Je vaux? A ton greґ?
Je le jure: c’est
Moi, pas du papier!
Des murs de ceґsure
Libre. Du bord: saut!
Exempt de censure,
Exempteґ de sceau.
Tous berneґs, pantois,
— Cursive du reve —
De la mer a` toi —
Missive si bre`ve!
Si bre`ve deґpeche.
Mon poids? C’est a` rire!
Quel qu’il soit — n’empeche
Rien: avec ma lyre
Entie`re, le loin,
Les Cenci, leurs drames.
Un reve, c’est moins
Qu’un pli de dix grammes.
Six: pour chacun — trois
(Le reve est mutuel)
Tu regardes, — vois!
Pas imperosonnel —
Le nez, forme d’un teґ —
Le front, ancien signe
— Rien a` ajouter —
Des le`vres qui signent.
C’est moi — sans la glose,
C’est moi — sans rature.
Poigneґe — o de roses
Des Alpes!, masure
A la mer, pourtant
Vagues — bien gentilles.
Tiens — de l’Oceґan:
Poigneґe de coquilles.
Prends-les peu a` peu a` leur place en rond.
La mer jouait. Jouer — c’est etre bon.
La