— j’sais plus. — Viendrez a` l’Alcazar?
— Non: famille. En moi: tout, mais pas Judas.
Bon An a` venir! (Tu naissais demain!) —
Raconter ce que j’ai fait quand on vint
M’apprendre…? Chut… Mot lacheґ. L’habitude!
La vie, la mort — depuis longtemps j’en use
Entre guillemets, comme de nuds vides.
Je n’ai rien fait, mais il s’est fait tre`s vite
Quelque chose, — sans ombre, sans eґcho,
Mais — faisant!
Dis: ton voyage la`-haut?
Comment rompit et ne s’est pas rompu
— Comment — le cur? Et comment, sur les purs —
Sang d’Orel, deґpassant, dit-it, les aigles,
Se coupait le souffle: comme l’eґclair?
Ou plus doux? A qui volait sur de vrais
Aigles russes: ni hauteurs, ni valleґes.
De sang — notre lien a` ce monde-la`:
En Russie tu fus: ce monde-ci a
Muri celui-la`. Un bond ajusteґ!
La vie, la mort sont par moi prononceґes
En ricanant — c’est qu’on touche a` la sienne!
La vie, la mort — je les prononce a` peine,
Avec un asteґrisque (nuit enviable:
Au lieu de l’heґmisphe`re ceґreґbral —
Les eґtoiles!)
Faudrait pas oublier,
Mon ami, ceci: que si l’alphabet
Russe a pris le relais de l’allemand
Ce n’est pas pour la raison qu’a` preґsent
Tout conviendrait, que le mort (mendiant) tout
Mangerait sans broncher!, — mais que ce monde-
La`, le notre, — a` treize ans je l’ai compris
Au cimetie`re Novodieґvitchi:
Non, n’est pas non-parlant, mais tout-parlant.
Et je le demande non sans tristesse:
Que ne demandes-tu comme on dit «Nest»
En russe? Une seule rime «zviozdy»
(Etoiles) couvrant tous les (nids) «gniozda».
Je m’eґcarte? Mais rien de tel, je crois,
Ne se trouverait — s’eґcarter de toi.
Tout, n’importe quel propos, Du Lieber,
Me`ne a` toi le mot, si meme on oublie
Le motif (plus que le russe m’est cher
L’allemand, entre toutes je preґfe`re
Celle des anges. Soit!) — de meme la`
Ou` tu n’es pas — point de lieu, si — un: la
Tombe. Rien ne fut ainsi, — tout le fut,
— Est-il possible que de moi nul…plus…? —
Ca va, Rainer, alentour c’est comment?
Instamment et obligatoirement —
La premie`re vision de l’univers
(:Du poe`te parmi lui), — la dernie`re
De la plane`te, a` toi seul donneґe, — toute!
Non du poe`te avec la poussie`re, ou
De l’esprit avec le corps (isoler —
C’est deґsoler, insulter les moitieґs) —
Mais de toi avec toi, de toi a` toi,
— Tenir de Zeus: est-ce de bon aloi? —
De Castor — toi a` toi — avec Pollux,
Du marbre — toi a` toi — avec la mousse,
Ni seґparation, ni rencontre, mais —
Confrontation: et rencontre premie`re
Et seґparation.
Ta propre main (traces
D’encre) — comme ton regard s’y attache
Du haut de tant de milles (des milliers?)
— Hauteur infinite puisqu’incommenceґe
Au-dessus de ce cristal qui recouvre
Meґditerraneґe et autres soucoupes.
Rien ne fut ainsi, — tout prendra quel tour?
Et avec moi tout au bout du faubourg.
Rien ne fut ainsi, tout deґja` s’enchane
— Qu’est-ce — a` qui s’est biffeґ une semaine
Trop tot! — Ou` regarder (qu’on s’interroge),
Accoudeґ sur le rebord de la loge,
D’ici-bas — sinon vers ce monde-la`,
De la` — vers le si-souffrant ici-bas.
J’habite a` Bellevue. Ville de feuilles
Et de nids. Avec le guide — un coup d’il:
Bellevue. Prison avec vue select
Sur Paris — palais de chime`res celtes —
Sur Paris — et un peu plus loin que lui…
Accoudeґ sur le rebord cramoisi
Combien a` toi ca doit sembler
Ridicule du haut deґmesureґ
Qui est tien, et combien donc doivent l’etre
Pour moi nos Bellevue et Belveґde`re!
Bon. Passons! Vu l’occurrence. L’urgence.
Le Nouvel An au seuil. A quoi — et quels gens —
Avec qui trinquer? Avec quoi? Au lieu
D’eґcume — du cotton. Moi au milieu
Des douze coups: pourquoi? Que dois-je faire
Portant cette rime: Rainer — en terre,
En plein bruit de Nouvel An? Et si toi,
Si pareil il s’est eґteint — c’est que la
Vie n’est pas la vie, la mort — pas la mort.
C’est que tout se brouille: tout au bout, lors
De notre rencontre — je comprendrai.
Il n’y a ni la vie, ni la mort — mais
Un troisie`me eґtat, nouveau. C’est a` lui —
(Vingt-six s’eґloignant, la paille du lit
De l’an vingt-sept placeґe, — feґliciteґ
Par toi de finir et de commencer!)
— Que je trinquerai avec toi a` table,
(Pour le regard cette table incernable)
Mon verre d’un choc muet choquerai
Contre ton verre. Pas comme au troquet,
Pas comme eux: moi contre toi fusionnant
Dans le don de cette rime disant:
Troisie`me.
Au bout de la table j’observe
Ta croix. Que de lieux en banlieue, — de verstes!
Et le buisson, a` qui fait-il donc signe
Sinon a` nous? De lieux — non d’autrui: si
Notres! Tout le feuillage! Tout le bois!
Tes lieux avec moi (les tiens avec toi).
(Qu’un meeting puisse etre un lieu pour nous deux —
Le dire?) Autant qu’ils sont: tous notres! Eux,
Les mois: notres! Les semaines: tout comme!
Et les faubourgs sous la pluie sans personne!
Et les matins donc! Et tout ce domaine
Inentrepris par les rossignols meme!
C’est vrai que je vois mal — dans un caveau,
C’est vrai que tu vois mieux — puisque d’en haut.
Entre nous rien n’a eґteґ accompli.
C’est a` ce point simple et net: pas un pli —
Rien, c’est a` ce point a` notre porteґe
Qu’il est inutile d’eґnumeґrer.
Rien, sinon — ne t’attends pas a` du hors
Ligne (qui sort de la mesure a tort!)
— Etre dedans la ligne, mais laquelle,
Comment entrer?
Refrain sempiternel:
Rien, de quelque chose — rien, nul teґmoin,
Serait-ce meme de loin — l’ombre au moins
De l’ombre! Rien, ni cette heure-la`, ni
Ce jour-la`, cette maison-la`: deґni!
Le condamneґ dans son carcan, lui l’a
— Don du souvenir —: cette bouche-la`.
Les moyens nous eґtaient trop peu confus?
De tout ce-la`, seul ce monde-la` fut
Notre, et nous-memes ne sommes que l’ombre
De nous, — tout notre ici: tout l’autre monde!
Bon confin nouveau — des moins batissables!
Bon nouveau lieu, Rainer, — monde, Rainer!
Bon cap a` l’extreme du deґmontrable —
Nouvel il, Rainer, — oreille, Rainer!
Tout: l’ami, la passion
Etaient pour toi accroc.
Echo, bon nouveau son!
Son, bon nouvel eґcho!
Combien de fois sur le banc de l’eґcole:
Quels sont ces fleuves, lacs, montagnes, cols?
C’est bien — les paysages sans touristes?
J’avais raison, Rainer, c’est donc un site
Montagneux, orageux — le paradis?
Pas celui que les veuves revendiquent —
Car il n’y en a pas qu’un, car un autre
Est au-dessus? Ses terrasses sont hautes?
Le paradis — jugeant par les Tatras —
Ne saurait etre qu’un amphitheґatre.
(Et au-dessus de l’un — le rideau bas
Baisseґ…) Rainer, Dieu est un baobab
Grandissant — j’avais raison? Non pas Louis-
Soleil-d’Or, car trone au-dessus de lui
Un autre Dieu? Il n’y a pas que lui?
Au lieu nouveau, comment ca va — eґcrire?
D’ailleurs, est — toi, est le vers: le vers tire
De toi son etre! En cet heureux seґjour
Comment va — eґcrire? Sans table pour
Le coude? Ca va — sans front pour la plume
(La paume)
— Un mot codeґ de ta coutume!
Rainer, des rimes nouvelles — content?
En effet, comprendre correctement
Le terme rime — qu’est-ce d’autre hors
Plein de rimes nouvelles — la Mort?
Car pas d’issue: la langue est eґpuiseґe.
Plein de consonances et signifieґs
— Neuves! Neufs!
— Au revoir! A se connatre!
Nous verrons-nous? Mais le chant de nos etres:
Avec la terre ou` moi-meme me noie —
Toute la mer, Rainer, et toute moi!
Ne nous quittons pas — griffonne avant l’heure.
Bonnes esquisses sonores, Rainer!
L’escalier du ciel: monteґe des honneurs
Sacreґs… Bonne conseґcration, Rainer!
— Ma paume la tient: et si l’eau deґborde?!
Par-dessus le Rhone et dessus Rarogne,
Par-dessus l’absolu deґpart — je porte
A Rainer — Maria — Rilke — en mains propres.
1
Искусство любви (лат.)
2
Не раскидывайте мои письма! (фр.)
3
Nazdar! — Здравствуй! (чеш.)
4
О любимый! Тебя удивляет эта речь? Все расстающиеся говорят как пьяные и любят торжественность… Гёльдерлин.
5
Memento mori (лат.) — помни о смерти.
6
Т.е. вместо этого камня (горы на мне) будет плоский (плита).
7
Помни (лат.).
8
«Маленький кораблик» (фр.) — детская песенка.
9
Гнездо (нем.).
10 Любимый (нем.).