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Полное собрание сочинений и писем в шести томах. Том 4. Письма 1820-1849

там, где ваше имя, милостивый государь, не просто ценится, как европейская именитость, но где дорожат им, как родовым достоянием, — где с каждым днем, по мере развития народного самопознания, растет и крепнет сочувствие с вами и с вашими.

Простите, будьте счастливы и действуйте долго и успешно на пользу и благо вашей родины и всего славянского мира. Urbi et orbi*.

Поручая себя вашей памяти и дружбе, с искренним почтением и преданностию честь имею быть, милостивый государь, ваш покорный слуга

Ф. Тютчев

Тютчевой Эрн. Ф., 13/25 июня 1843*

83. Эрн. Ф. ТЮТЧЕВОЙ 13/25 июня 1843 г. Вена

Vienne. Ce 13 juin <18>43

C’est donc demain, ma chatte chérie, que nous nous lançons dans la haute mer. J’ai obtenu de mon frère qu’il abrégeât le temps de sa cure, si bien que c’est définitivement demain, le 14, que nous partons. Nous prenons le chemin de fer qui nous conduit à moitié chemin de Cracovie, puis par Cracovie à Varsovie où nous nous arrêterons quelques jours et d’où je t’écrirai.

Ce qui me contrarie souverainement, c’est de partir d’ici avant d’avoir ta lettre qui est en chemin en ce moment. J’aurai bien le soin de recommander ici qu’on me la transmette à Varsovie, mais m’y trouvera-t-elle? Si bien que maintenant je pourrais rester des 3 et 4 semaines sans avoir de tes nouvelles, car dès à présent c’est à Moscou qu’il faudra que tu m’adresses tes lettres. A Moscou…

Eh bien, ma chatte, commences-tu maintenant à croire à l’absence? Quant à moi, j’en suis pénétré… Il me semble qu’il y a six mois que je t’ai quitté… et cependant avant-hier, le 11, il y a eu juste un mois, que nous lisions, le soir, dans le grand salon quelques pages de Jocelin*. Te souviens-tu de cette soirée? Ah oui, je dois l’avouer, l’absence me réussit mal, les objets qui m’entourent, loin de me distraire par leur nouveauté, ne font que m’attrister. Ils s’interposent comme un mur entre moi et cette vie aimée que j’ai quittée et qui recule tellement dans le lointain, qu’il me semble impossible que jamais je parvienne à la ressaisir. Quant à toi, tu me fais l’effet d’un être fantastique impossible. Je me demande si je suis bien le même homme qui il y a quelques jours encore s’appelait le bon loup, le vieux chien, etc. etc., qui était l’objet d’une préoccupation constante, d’une si affectueuse sollicitude. Décidément c’était un rêve et ce qui le prouve, c’est qu’il était si doux.

Allons, un peu de raison pour l’amour de Dieu, car si cette disposition d’esprit allait prendre le dessus, que deviendrai-je à Moscou, que je sentirai la distance croître entre nous, croître par centaines de lieues, et la chaîne s’alourdit de plus en plus, en s’allongeant?.. Un peu de raison me serait si nécessaire, ne fût-ce que pour faire aboutir ce maudit voyage à un résultat quelconque et pour ne pas perdre tout le fruit de sacrifice que je m’impose, car, je le prévois, je vais au-devant d’une foule d’impressions pénibles, des malentendus, de contradictions, tant à Moscou, qu’à Pétersbourg, et ce n’est qu’à force de calme et de raison que je puis espérer de les conjurer, en partie au moins…

Que fais-tu en ce moment, ma chatte chérie? A la réception de cette lettre tu seras probablement dans les préparatifs de ton déménagement pour Tegernsee. La bonne Casimire y est-elle déjà? Car à l’heure qu’il est je la suppose délivrée de la grossesse de sa belle-fille? Vas-tu quelquefois, pour l’amour de moi, saluer le Bouvreuil sur son perchoir? Sais-tu quelque chose de Sévérine et de son congé? La bonne humeur de ton frère se soutient-elle? Et l’inexorable belle-sœur* a-t-elle fait grâce à la figure de la Böhnen? Comment celle-ci se plaît-elle à Munich?[22] Mais avant toute chose parle-moi de ta santé, c’est-à-d de cette sacrée mâchoire qui brave tous les remèdes? Les sangsues et les poudres t-ont-elles procuré quelque soulagement? Et Marie? Maintenant que la voilà maîtresse absolue du terrain, comment puis-je me flatter que je n’en serai pas damné à tout jamais. Quoiqu’il en soit, embrasse-la mille et mille fois pour moi. Que ne donnerais-je pas pour la voir en ce moment, de cette table d’auberge où j’écris, remuer laborieusement les meubles dans ton coin?

Je quitterai Vienne demain matin à 7 h. Cette fois Vienne me laissera un souvenir beaucoup plus terne que les précédentes. C’est après tout une petite ville comparativement à une ville comme Paris et de plus un fort maussade séjour pour tout étranger qui serait ici à demeure. L’autre jour le Brochet et moi, nous sommes allés fraternellement passer une demi-journée à Schönbrunn*. Nous avons grimpés à la Gloriette, située sur une hauteur en face du Château d’où l’on domine tout Vienne. La vue qu’on a de là est magnifique, et les deux amis sont restés plongés dans une muette extase, contemplation, sans songer même à se communiquer leurs impressions respectives. Après quoi ils se sont dirigés vers la ménagerie, où l’un d’eux a paru beaucoup s’amuser, et ont fini leur tournée par le casino où ils se sont fait servir l’un qui était encore à jeun un chétif dîner, et l’autre sa tasse de café au lait. Puis vers le soir ils sont rentrés ensemble, sans se parler beaucoup, il est vrai, mais heureux en apparence de la présence l’un de l’autre.

Après la figure du Brochet celle que j’ai vue ici avec le plus de plaisir est assurément la figure de Jennyson. Ne va pas te récrier contre ce témoignage. Il faudrait le voir, comme je le fais, à la lumière de Vienne et à travers le prisme des souvenirs de Munich. Il m’a fait d’ailleurs un accueil parfaitement aimable, et tu pourrais dans l’occasion en faire le compliment à Casimire. Je lui laisse par reconnaissance les 4 volumes de l’ouvrage de Custine*, qu’il était très curieux de lire et qu’il est difficile de se procurer ici. Il m’a promis de les renvoyer à Munic aussitôt qu’il les aura lu et je l’ai même engagé à te les faire parvenir à Tegernsee. Alors, ma chatte, tu n’as qu’à lire le troisième volume, qui contient une description très animée et très pittoresque de Moscou, pour essayer de te faire une idée telle quelle d’une ville qui, à trente et un an de distance, aura été le théâtre des tribulations de Napoléon et des miennes*.

Encore une figure bien connue que j’ai retrouvée ici, c’est l’ami Badeni, le duelliste Badeni, le cruel et sensuel Badeni. Il a passé l’hiver ici et se trouve si bien de sa cure de l’année dernière qu’il ne croit pas être dans le cas de la récidiver. Je le rencontre tous les jours chez le premier confiseur d’ici, où nous nous régalons de glaces à l’envi l’un de l’autre, après quoi il m’accompagne en devisant jusqu’à la porte de mon auberge.

Mon frère, qui est de retour de Bade depuis trois jours, me charge de te dire mille amitiés. Il est plus démonté, plus démoralisé encore que moi de l’horrible voyage que nous allons faire. Ah, qu’il aimerait être encore à l’heureux temps où il pouvait demander tous les jours à Marie: «Wen hast du heute begegnet?»

Adieu, ma chatte chérie. Que le bon Dieu te protège et te conserve, jusqu’à mon retour au moins. Car alors c’est moi qui m’en chargerai. Voici, par surcroît de précaution, le duplicata de mon adresse à Moscou dont tu prierais Viollier de munir une demi-douzaine d’enveloppes de lettre, avant ton départ p Tegernsee.

Перевод

Вена. 13 июня <18>43

Итак, милая кисанька, завтра мы пускаемся в путь. Я добился от брата, чтобы он сократил время своего лечения, так что мы решительно отправляемся завтра, 14-го. Мы проедем по железной дороге полпути до Кракова, затем от Кракова в Варшаву, где пробудем несколько дней, и оттуда я тебе напишу.

Мне в высшей степени досадно уезжать отсюда, не получив твоего письма, которое должно теперь быть в пути. Я позабочусь о том, чтобы мне переслали его в Варшаву, но застанет ли оно меня там? Я так могу остаться на 3–4 недели без весточки от тебя, так как с этого дня тебе следует адресовать свои письма ко мне в Москву. В Москву…

Ах, милая кисанька, начинаешь ли ты теперь думать о разлуке? Что до меня, я проникнут ею насквозь… Мне кажется, вот уже полгода, как я тебя покинул… и тем не менее третьего дня, 11-го, ровно месяц прошел с тех пор, как мы читали с тобой вечером в большой гостиной «Жоселена»*. Помнишь ли ты этот вечер? Да, должен сознаться, разлука мне плохо удается; окружающие меня предметы, вместо того чтобы привлекать меня своей новизной, только внушают грусть. Они встают словно стена между мною и той любимой жизнью, которую я оставил и которая течет вдали так, что мне кажется невозможным когда-нибудь соединиться с ней. Что до тебя, ты мне кажешься невероятно фантастическим существом. Я спрашиваю себя, в самом ли деле я тот человек, который еще несколько дней назад звался славный волчище, старый пес и пр. и пр., который был предметом постоянных забот и самого любовного участия. Решительно это был всего лишь сон, а то, что он был так сладок, только подтверждает это.

Полно, дай Бог мне немного благоразумия, ибо если такое расположение духа возьмет верх, то что будет со мной в Москве, когда я почувствую, что расстояние между нами выросло, выросло на сотни верст, и цепь делается чем длиннее, тем тяжелее?.. Немного благоразумия так необходимо мне только ради того, чтобы мое проклятое путешествие имело хоть какой-то положительный результат и чтобы я не растерял те плоды, ради которых я принял на себя эту жертву; я предвижу, что мне придется пройти через множество тяжелых впечатлений, недоразумений, противоречий — как в Москве, так и в Петербурге, и только успокоившись и обретя благоразумие, я могу надеяться преодолеть

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там, где ваше имя, милостивый государь, не просто ценится, как европейская именитость, но где дорожат им, как родовым достоянием, — где с каждым днем, по мере развития народного самопознания, растет