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Полное собрание сочинений. Том 21. Статьи из Колокола и другие произведения 1867-1869 годов дневниковые записи и художественные произведения 1869 года

les Croates — comme les rois et les grands noms d’autres pays.

L’inexorable vieillard sourit.

Les neveux perdus jugeaient encore plus sévèrement l’aristocratie genevoise, et surtout le neveu le plus profondément perdu de tous — James Fazy.

James Fazy c’est la peine éternelle du patriciat de Genève sa torture avant la mort, son bourreau. Son pilori prosecteur et fossoyer. Sang de leur sang, chair de leur chair, descendant d’une des anciennes familles qui s’ennuyaient pour le bon Dieu avec Calvin — Fazy leva sans scrupule sa main parricide pour terrasser les pieux vieillards à cheveux d’argent et à la bourse d’or.

Se mettant à la tête des mécontents, il prit ces «oncles de la patrie» élus par leurs propres fermiers, employés et commis par le collet et les jeta dehors le Grand Conseil. Après quoi, très naturellement il se mit à leur place et séance tenante vota pour soi-même et se confia au nom du peuple genevois une puissance dictatoriale. Saint Gervais et la pauvre Genève étaient en jubilation.

Les vieillards épouvantés montèrent encore un étage plus haut et mirent à leur porte un verroux de plus… leur cerveau commença à se ramollir avec plus de vitesse et leur cœur à se durcir en proportion. Plus d’esprit, plus de talent — rétrécissement moral. J. Fazy était à peu près le dernier homme spirituel de l’ancienne Genève.

Il ressemble beaucoup à un oiseau de proie. Septuagénaire et courbé, il rappelle encore un épervier maigre et affamé — il a un bec impitoyable, un œil perçant. Plein d’activité, d’audace, de projets, d’accusations — il est tout prêt de jeter un gant, d’en relever deux. Pensez donc ce qu’il a été il y a vingt-deux ans, au temps du «Sonderbund» — et c’est à un pareil adversaire qu’allaient se frotter nos vieillards!

Orateur fougueux, acerbe, sans ménagements, sans scrupules, Fazy savait de main de maître profiter de tout bois — pour en faire une massue, de toute pierre pour en faire une fronde. Il assommait ses adversaires par des plaisanteries et par des chiffres, par des théories générales et par des allusions personnelles, par des indiscrétions et par des réticences. Courtisan de la foule — il

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ne parlait jamais sa langue et ne cachait nullement ses manières d’homme bien élevé. Tout lui profitait — tout d’abord ses défauts. Au milieu du saint ennui de la ville austère de Calvin, le laisser aller décolleté de Fazy, son inconduite avouée, ses vices brillants — décuplaient la haine que lui portaient les vieillards purs et lui attachaient toute la jeunesse — Fazy dépassait d’une tête ses partisans et de trois — tous ses adversaires. Ajoutez à cela une grande sagacité dans les affaires, un coup d’œil sûr et décidé, une force et une facilité de travail extraordinaires, une grand persistance et une irascibilité inquiète, hargneuse — et vous comprendrez que la partie n’était pas égale. Diplomate et démagogue, conspirateur et commissaire de police, président d’une république et bon vivant — il trouvait encore un superflu de forces non occupées — qui le dévoraient, le tourmentaient. Le cadre du canton était évidemment trop petit pour lui, et le gênait. Il allait dix fois par an à Paris pour se rafraîchir dans les parties fines et aux bals de l’Opéra.

La petite ville le gâta, il s’habitua à crier, à donner des coups, de poings sur la table, a s’emporter contre les observations. Voyant toujours des hommes au-dessous de sa taille, il prit un sans-gêne insolent. Entouré d’une société avare ou pauvre, il prit l’habitude de jeter l’argent, et lorsqu’il n’en avait pas il fit des dettes. Les dettes, notre seul moyen économique et national en Russie, notre petite ruse de ménage, les dettes devaient aux yeux des harpagons de Genève perdre Fazy plus que les sept péchés mortels — d’autant plus qu’il ne les payait jamais.

Au reste, ses dettes et leur haine ne lui donnaient que peu de souci, tant que la Genève jeune, travailleuse, pauvre lui donnait sa voix et son poing. Mais tout a une fin dans les choses humaines.

Près de quinze ans le tyran du Léman gouverna le canton, il agrandit la ville, abatit les fortifications, planta des jardins, bâtit des palais, jeta des ponts, ouvrit une maison et ne pensa jamais a fermer d’autres maisons — mais les jours de son omnipotence furent comptés par les vieillards.

Un allié de l’autre rive leur vint en aide.

Fazy était fait à la lutte — il y avait vieilli et quand il lui arrivait de ne pas prendre tout de suite le dessus, il se retirait comme un lion blessé dans son S. Gervé — pour en sortir deux fois plus fort et plus courroucé.

Avec un ennemi tel que Fazy les vieux formalistes, laissés à leurs propres forces, ne pouvaient que battre en retraite. Ils faisaient la petite guerre avec les armes rouillées du parlementarisme et propageaient sous main des calomnies. Ils ne savaient jamais de quel côté frapperait l’ennemi. On pouvait s’attendre à

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tout avec un adversaire si peu scrupuleux. Aussi tant que la masse était pour lui, sa force était inébranlable. Attirer le peuple par les souvenirs de l’ancien servage n’était pas chose facile.

S’appuyant toujours sur son mur vivant, Fazy commerçait à la fin à sentir que le mur n’était plus aussi compact qu’auparavant et ne le soutenait plus avec la même ardeur. Pendant des années il ne voulut pas y croire, il tâcha de douter, mais enfin le doute devenait impossible, par ci, par là des murmures ou pis encore, de l’indifférence. Piqué au vif, le gladiateur se retourna d’un air courroucé pour voir qui se révoltait contre l’ancien chef? Serait-ce l’ombre du socialiste Albert Galeere qui secouait la tête d’un air sombre? Il semblait qu’en désignant les ouvriers l’ombre disait: «Ils ne sont plus à toi». Fazy dédaignait les idées de cet apôtre sévère et l’avait persécuté jusqu’à la tombe. Sous terre il grandit et se fortifia dans les âmes de ses disciples — l’aurore de son jour commençait — le soleil de Fazy se couchait.

Le vieux lutteur s’élança de nouveau en avant — mais pour frapper des deux côtés les forces lui manquèrent.

Tout le drame historique de nos temps — vous le retrouvez dans cette lutte. Le parti radical s’affaiblit, se divisa sans motif visible. Une fraction abandonna le vieux chef, une autre continuait à le porter avec des acclamations sur son bouclier, une troisième se démoralisa sous le nom d’indépendants. La terre disparaissait sous les pieds du dictateur démocratique. Les ouvriers passaient indifférents près du champ clos; la vieille lutte n’avait plus d’intérêt pour eux. Les adversaires avaient beau se prendre aux cheveux et se rouler dans la poussière — il y avait une autre préoccupation.

Depuis 1860 la haine des radicaux et des conservateurs s’envenimait au point de se transformer en une mutilation périodique des membres. Les adversaires profitent de chaque affaire publique pour se «labourer les faubourgs». Après chaque élection, les vainqueurs et les vaincus sont tatoués comme des Iroquois, les uns avec un œil poché, les autres avec un nez en compote, les troisièmes avec des taches bleues. Aucun pays n’apporte sur l’autel de la patrie autant d’efforts musculaires et de horions, que la pieuse cité de Calvin. Aussi nulle part on ne s’occupe avec tant d’acharnement et aussi souvent des élections qu’a Genève. Un mois d’avance on ne fait qu’en parler, un mois après on ne fait que les discuter. Les radicaux et les réactionnaires diffèrent d’avis en tout, sont d’accord sur la grande signification de Genève dans? l’économie du développement universel. Pour les seconds c’est la Rome du «protestantisme épuré», pour les premiers c’est le remplaçant, le ««luogo tenente» de Paris pendant sa léthargie. Ils son ious persuadés que de même que tout le monde regarde une montre

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de Genève pour savoir l’heure, tous les partis politiques regardent le canton pour connaître l’esprit du temps. Après cela, c’est bien naturel de s’occuper nuit et jour des élections — ils élesent non seulement pour la ville et la campagne qui l’entoure, mais pour l’univers entier.

Enfermés à double tour de clef, les stores baissés — les conservateurs conspirent à jeun, enveloppés de flanelle, calculant des subornations à meilleur marché, des influences morales. En même temps les radicaux conspirent encore plus et aussi la porte fermée mais du côté extérieur. La démocratie — votante et militante, — ne se met pas en campagne à jeun, mais à gorgée d’absinthe. Elle reste depuis le matin dans les cafés, prenant avec abnégation patriotique une bière impossible et n’osant pas s’en plaindre, vu que le patron du Café est non seulement radical, mais une puissance, un centre de réunion et un vote.

Au fond, tout cela se fait platoniquement. Ni la ficelle, ni les radicaux ne s’inquiètent nullement du fond des affaires, ils s’occupent des lieux communs et de la victoire ou de la défaite des personnes. Le reste s’efface comme un détail, et il arrive très souvent que les radicaux votent pour un acte conservatif et les conservateurs un acte radical.

Cette gymnastique politique ruina définitivement les anciens partis.

Pendant quinze années de la domination radicale à Genève, ses législateurs ne touchèrent presque pas à tout un arsenal de lois effrayantes et ridicules qui consacrent l’absence la plus effrontée de tous les droits de l’homme et se moquent des notions les plus élémentaires du respect dû a l’individu.

Il suffit de jeter un coup d’œil sur le texte des petits livrets ou «permis de séjour» que l’on impose à tous les étrangers, pour s’en convaincre. Chaque «non-genevois» même un Suisse d’un autre canton est livré sans appel au pouvoir de celui des horlogers auquel dans ce moment est confié le chronomètre de la police. Il a le

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les Croates — comme les rois et les grands noms d'autres pays. L'inexorable vieillard sourit. Les neveux perdus jugeaient encore plus sévèrement l'aristocratie genevoise, et surtout le neveu le plus