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Собрание сочинений в тридцати томах. Том 7. О развитии революционных идей в России

lever la tête au-dessus du niveau tracé par le sceptre impénal; poète, citoyen, penseur, une fatalité inexorable les pousse dans la tombe. L’histoire de notre littérature est un martyrologe ou un registre des bagnes. Ceux-mêmes que le gouvernement a’épargnés périssent, à peine éclos, se pressant de quitter la vie. Là sotto i giorni brevi e nebulosi Nasce una goûte a cui il morir non duole.

Ryléieff pendu par Nicolas.

Pouchkine tué dans un duel, à trente-huit ans.

Griboïédoff assassiné à Téhéran.

Lermontoff tué dans un duel, à 30 ans, au Caucase.

Vénévitinoff tué par la société, à vingt-deux ans.

Koltzoff tué par sa famille, à trente-trois ans.

Bélinnski tué, à trente-cinq ans, par la faim et la misère.

Poléjaïetf mort dans un hôpital militaire, après avoir été forcé de servir comme soldat au Caucase pendant huit années.

Baratynski mort après un exil de douze ans.

Bestoujeff succombé au Caucase tout jeune encore, après les travaux forcés en Sibérie…

«Malheur, dit l’Ecriture, aux peuples qui lapident leurs prophètes!» Mais le peuple russe n’a rien à craindre, car il n’y a rien à ajouter à son malheureux sort.

V La littérature et l’opinion publique après le 14 décembre 1825

Les vingt-cinq années qui suivent le 14 (26) décembre sont plus ditficiles à caractériser que toute l’époque écoulée depuis Pierre Ier. Deux courants en sens inverse, l’un à la surlace, l’autre à une profondeur où on le distingue à peine, embrouillent l’observation. A l’apparence, la Russie restait immobile, elle paraissait même reculer; mais, au fond, tout prenait une face nouvelle, les questions devenaient plus compliquées, les solutions moins simples.

A la surface de la Russie officielle, «de l’empire des façades», on ne voyait que des pertes, une réaction féroce, des persécutions inhumaines, un redoublement de despotisme. On voyait Nicolas entouré de médiocrités, de soldats de parades, d’Allemands de la Baltique et de conservateurs sauvages, lui-même méfiant, froid, obstiné, sans pitié, sans hauteur d’âme, médiocre comme son entourage. Immédiatement au-dessous de lui se rangeait la haute société qui, au premier coup de tonnerre qui éclata sur sa tête après le 14 décembre, avait perdu les notions à peine acquises d’honneur et de dignité. L’aristocratie russe ne se releva plus sous le règne de Nicolas, sa fleuraison était passée; tout ce qu’il y avait de noble et de généreux dans son sein était aux mi-Qes ou en Sibérie. Ce qui restait ou se maintint dans les bonnes grâces du maître, tomba à ce degré d’abjection ou dе servilisme qu’on connaît par le tableau qu’en a tracé M. de Custine.

Venaient ensuite les officiers de la garde; de brillants et civilisés ils devinrent de plus en plus des sergents encroûtés. Jusqu’à l’année 1825, tout ce qui portait l’habit civil reconnaissait la supériorité des epaulettes. Pour être comme il faut, il fallait avoir servi une couple d’années à la garde, ou au moins dans la cavalerie. Les officiers étaient l’âme des réunions, les héros des fêtes et des bals, et, pour dire la vérité, cette prédilection n’était pas dénuée de fondement. Les militaires étaient plus indépendants et se tenaient sur un pied plus digne que les bureaucrates rampants et pusillanimes. Les choses prirent une autre face, la garde partagea le sort de l’aristocratie; les meilleurs officiers étaient exilés, un grand nombre d’autres abandonnèrent le service, ne pouvant supporter le ton grossier et impertinent introduit par Nicolas. On se hâtait de remplir les places vides par de bons troupiers ou des piliers de caserne et de manège. Les officiers tombèrent dans l’estime de la société, l’habit noir prit le dessus, et l’uniforme ne domina que dans les petites villes de province et à la cour, ce premier corps de garde de l’empire. Les membres de la famille impériale, de même que son chef, marquent, pour les militaires, une préférence outrée et illicite dans leur position. La froideur du public pour l’uniforme n’allait cependant pas jusqu’à l’admission des employés civils dans la société. Même dans les provinces, on avait une répulsion invincible pour eux, ce qui n’empêcha pas du reste que l’influence des bureaucrates ne s’accrût. Toute l’administration devint, d’aristocratique et d’ignorante qu’elle était, rabuliste et mesquine, après 1825. Les ministères se changèrent en bureaux, leurs chefs et les fonctionnaires supérieurs devinrent des hommes d’affaires ou des scribes. Ils étaient par rapport au civil ce que les troupiers désespérants étaient à la garde. Connaisseurs consommés de toutes les formalités, exécuteurs froids et dépourvus de raisonnement des ordres supérieurs, ils étaient dévoués au gouvernement par amour de concussion. Il fallait à Nicolas de tels officiers et de tels administrateurs.

La caserne et la chancellerie étaient devenues les pivots de la science politique de Nicolas. Une discipline aveugle et dénuée de sens commun, accouplée au formalisme inanimé des buralistes autrichiens, tels sont les ressorts de l’organisation célèbre du pouvoir fort en Russie. Quelle pauvreté de pensée gouvernementale, quelle prose d’absolutisme et quelle pitoyable banalité! C’est la forme la plus simple et la plus brutale du despotisme.

Ajoutons à cela le cte Bénkéndorf, chef du corps des gendarmes, formant une inquisition armée,une maçonnerie policière qui avait ses frères écouteurs et écoutants dans tous les coins de l’empire, de Riga à Nertchinsk; président de la 3e section de la chancellerie de Sa Majesté (telle est la dénomination du bureau central de l’espionnage), jugeant tout, cassant les décisions des tribunaux, se mêlant de tout et surtout des délits politiques. Devant ce bureau-tribunal se voyait traduite de temps à autre la civilisation, sous les traits de quelque littérateur ou étudiant, qu’on exilait ou enfermait dans la forteresse et qui était bientôt remplacé par un autre.

En un mot, à la vue de la Russie officielle, on n’avait que le désespoir au cœur; d’un côté, la Pologne disséminée, martyrisée avec une ténacité épouvantable; de l’autre, la démence d’une guerre qui n’a pas discontinué pendant tout le règne et qui engloutit des armées sans avancer d’un pas notre domination au Caucase; au centre, avilissement général et incapacité gouvernementale.

Mais à l’intérieur il se faisait un grand travail, un travail sourd et muet, mais actif et non interrompu: le mécontentement croissait partout, les idées révolutionnaires ont plus gagné de terrain dans ces vingt-cinq années que durant le siècle entier qui les a précédées, et pourtant, elles ne pénétraient pas jusqu’au peuple.

Le peuple russe continuait à se tenir éloigné des sphères politiques; il n’avait guère de raisons pour prendre part au travailqui s’opérait dans les autres couches de la nation. Les longuessouffrances obligent à une dignité de son genre; le peuple russe a trop souffert pour avoir le droit de s’agiter pour une petite amélioration de son état, il vaut mieux rester franchement un mendiant en haillons que de revêtir un habit rapiécé. Mais s’il ne prenait aucune part dans le mouvement des idées qui occupait lesautres classes, cela ne signifie nullement qu’il ne se passât riendans son âme. Le peuple russe respire plus lourdement que jadis, son regard est plus triste; l’injustice du servage et le pillage desfonctionnaires publics deviennent pour lui plus insupportables. Le gouvernement a troublé le calme de la commune par l’organisation forcée des travaux; on a emprisonné et restreint le repos du paysan dans sa cabane par l’introduction de la police rurale (stanovye pristavy) dans les villages mêmes. Les procès contre les incendiaires, les meurtres des seigneurs, les insurrections de paysans s’augmentèrent dans une grande proportion. L’immense population des dissidents murmure; exploitée, opprimée par le clergé et la police, elle est bien loin de se rallier, et l’on entend parfois dans ces mers mortes et inaccessibles pour nous des sons vagues qui présagent des tempêtes terribles. Ce mécontentement du peuple russe dont nous parlons n’est point visible au regard superficiel. La Russie paraît toujours si tranquille qu’on a de la peine à croire qu’il s’y passe quelque chose. Peu de gens savent ce qui se fait derrière le linceul dont le gouvernement couvre les cadavres, les taches de sang, les exécutions militaires, disant avec hypocrisie et arrogance qu’il n’y a ni sang ni cadavres derrière ce linceul. Que savons-nous des incendiaires de Simbirsk, du massacre des seigneurs, organisé simultanément par un nombre de villages, que savons-nous des révoltes partielles qui ont éclaté lors de l’introduction de la nouvelle administration par Kissé-loff, que savons-nous des insurrections de Kazan, de Viatka, de Tambov, où l’on a dû avoir recours aux canons?..

Le travail intellectuel dont nous parlions ne se faisait ni au sommet de l’Etat, ni à sa base, mais entre les deux, c’est-à-dire en majeure partie entre la petite et la moyenne noblesse. Les faits que nous citerons ne paraissent pas avoir une grande importance, mais il ne faut pas oublier que la propagande, comme toute éducation, a peu d’éclat, surtout lorsqu’elle n’ose même pas paraître au grand jour.

L’influence de la littérature s’accroît notablement et pénètre beaucoup plus loin que jadis: elle ne trahit pas sa mission et reste libérale et propagandiste, autant que cela est possible avec la censure.

La soif de l’instruction s’empare de toute la nouvelle génération; les écoles civiles ou militaires, les gymnases, les lycées, les académies regorgent d’élèves; les enfants des parents les plus pauvres se pressent aux différents instituts. Le gouvernement qui alléchait encore en 1804 par des privilèges les enfants à l’école, arrête par tous les moyens leur affluence; on crée des difficultés a l’admission, aux examens; on impose les élèves; le ministre de l’instruction publique limite par une ordonnance l’instruction des serfs. Cependant l’Université de Moscou devient la cathédrale de la civilisation russe; l’empereur la déteste, la boude, il exile chaque année une fournée de ses élèves, il ne l’honore pas de ses visites en passant à Moscou, mais l’Université fleurit, gagne en influence; mal vue, elle n’attend rien, poursuit son travail et devient une véritable puissance. L’élite

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