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Собрание сочинений в тридцати томах. Том 7. О развитии революционных идей в России

polonais, que c’est «de la clémence», que «ce sont des erreurs des saints». Non; ce sont là des fruits d’une longue et consciencieuse méditation, d’une intuition profonde des destinées du monde slave. Il est beau de pardonner à ses ennemis, mais il est quelque chose de plus humain encore: c’est de les comprendre, car comprendre c’est déjà absoudre, réhabiliter, se réconcilier.

– Le monde slave tend à s’unir; cette tendance apparaît immédiatement après la période napoléonienne. L’idée d’une fédération slave germait déjà dans les plans révolutionnaires de Pestel et de Mouravioff. Plusieurs Polonais ont pris part à la conspiration russe.

Lorsque la révolution de 1830 éclata à Varsovie, le peuple russe ne manifesta aucune animosité contre les rebelles du tzar;»a jeunesse était, cœur et âme, pour la cause polonaise. Je me rappelle avec quel enthousiasme nous nous précipitions vers les nouvelles de Varsovie; nous avons pleuré comme des enfants au récit du service funèbre célébré dans la capitale de la Pologne, en honneur de nos martyrs de Pétersbourg. La sympathie pour les Polonais nous exposait à des punitions criminelles; il fallait la refouler dans son cœur et se taire.

Il est possible qu’un sentiment d’animosité, sentiment d’ailleurs parfaitement mérité, et celui d’un patriotisme exclusif, avait prédominé encore en Pologne lors de la guerre de 1830. Depuis, Mickiewicz, les travaux philologiques et historiques de plusieurs écrivains slaves, une connaissance plus approfondie des peuples européens acquise pendant le triste pèlerinage de l’émigration, ont donné aux idées une tout autre direction. Les Polonais ont senti que la guerre n’était pas entre eux et le peuple russe; ils ont compris qu’ils ne pouvaient combattre autrement que POUR LEUR LIBERTÉ ET LA NÔTRE, ainsi que le disait l’inscription sublime de leur drapeau révolutionnaire.

L’héroïque émissaire Konarski, qui fut en 1839 torturé et fusillé à Vilna, appelait à la révolte les Russes et les Polonais sans distinction de nationalité. La Russie le remercia d’une manière qui fut aussi tragique que tout ce qu’elle fait depuis qu’une botte à l’allemande foule sa poitrine.

Un jeune homme enthousiaste, ardent, dévoué, officier russe du régiment en garnison à la forteresse, Koravaïeff, résolut de sauver Konarski. Son jour de service arrivait; il avait déjà tout préparé pour la fuite, quand, trahi par un malheureux coaccusé du martyr polonais, il se vit déjoué dans son projet. Le jeune homme fut arrêté; chargé de fers, il est allé expier, aux mines de la Sibérie, le réveil d’un devoir supérieur à sa consigne. On n’a jamais entendu parler de lui.

J’ai passé cinq années en exil, dans les provinces éloignées de l’empire; j’ai eu l’occasion d’y rencontrer une grande quantité de Polonais exilés; il y en a dans chaque ville de district, des familles entières ou des malheureux isolés. Je m’en rapporterais volontiers à leur témoignage; j’en suis convaincu que la sympathie ne leur a pas fait défaut parmi les habitants du pays. Il est bien entendu, Monsieur, que je ne parle ici ni de la police, ni de la haute hiérarchie militaire. Cette dernière ne se distingue nulle part par son amour pour la liberté, et encore moins en Russie Je pourrais aussi vous citer les étudiants polonais envoyés chaque an dans les universités russes, afin d’être tenu loin des écoles polonaises; qu’ils racontent l’accueil que leur faisaient partout leurs nouveaux camarades. Ils nous quittaient les larmes aux yeux.

Vous vous rappelez, Monsieur, qu’en 1847, à Paris, lorsque les émigrés polonais célébraient l’anniversaire de leur révolution, un Russe se présenta à leur tribune pour demander l’amitié et l’oubli du passé. C’était notre malheureux ami Michel Bakou-nine. Au reste je ne veux pas seulement en appeler à l’exemple d’un de mes compatriotes. Je choisis parmi ceux que l’on croit être nos ennemis, un homme que vous-même avez nommé dans votre belle légende sur Kosciusko. Interrogez à ce sujet le Nestor de la démocratie polonaise, demandez des renseignements à M. Biernacki, l’un des ministres de la Pologne révolutionnaire. Je m’en rapporte à cette noble intelligence, que d’ailleurs de longs malheurs auraient certainement pu aigrir contre tout ce qui porte le nom de Russe; il ne démentira pas mes paroles.

La solidarité qui lie la Pologne et la Russie entre elles d’abord et au monde slave ensuite, ne peut plus être contestée; elle apparaît dans toute son évidence. Plusencore; sans la Russie, le monde slave n’a pas d’avenir; sans la Russie, il se fondra, il avortera, il sera absorbé par l’élément germanique; il deviendra autrichien, il ne sera pas lui-même. Or, je ne crois pas que telles soient ni sa mission ni sa destinée.

En suivant le développement successif de votre idée, je dois vous avouer, Monsieur, qu’il m’est impossible d’accepter le raisonnement par lequel vous tâchez de prouver que l’Europe entière ne soit qu’une personne, dont chaque nation forme un organe indispensable.

Il me semble que toutes les nations germano-romaines sont nécessaires au monde européen, parce qu’elles existent, mais qu’il serait difficile de prouver qu’elles existent parce qu’elles étaient nécessaires. Aristote déjà distinguait la nécessité préexistante de la nécessité postérieure. La nature accepte la fatalité des faits accomplis, mais il y a grande fluctuation et variété dans la possibilité des faits réalisables. Ce n’est donc qu’à ce titre que le monde slave a le droit de revendiquer son unité; d’autant plus qu’une même race le compose.

La centralisation est contraire au génie slave; la fédération, en revanche, découle de sa nature. Une fois groupé et lié ensemble dans une association de peuples libres et autonomes, le monde slave pourra enfin commencer sa véritable existence historique. Son passé ne peut être considéré qu’au point de vue d’une préparation, d’une croissance, d’un purgatoire. Les formes historiques de l’Etat ne correspondaient jamais à l’idée nationale des Slaves, idéal vague, instinctif, si vous voulez, mais par là même accusant une singulière vitalité dans l’avenir. Les Slaves apportaient dans tout ce qu’il faisaient, une étrange demi-attention, voire même, une apathie étonnante. Ainsi nous voyons la Russie entière passer de l’idolâtrie au christianisme, sans secousse, sans révolte, uniquement par obéissance passive aux ordres du grand prince Vladimir, et sous l’influence de Kiev. On précipita sans regret les vieilles idoles dans le Volkhov, on se soumit au nouveau dieu comme à une nouvelle idole.

Huit siècles après, une partie de la Russie acceptait également la civilisation commanditée à l’étranger et munie d’estampille allemande.

Le monde slave ressemble à une femme qui n’a pas encore aimé, et qui par là même paraît ne prendre aucun intérêt à tout ce qui se passe autour d’elle; être inutile; oubliée, étrangère. Mais ne préjugeons pas de l’avenir; la femme est jeune, et déjà une agitation inquiète soulève son cœur et le fait tressaillir. Quant à la richesse du génie national, il nous suffit de montrer la Pologne, le seul peuple slave qui avait, en même temps, des périodes de force et de liberté.

Le monde slave ne paraît hétérogène qu’à la surface. Sous la couche supérieure de la Pologne chevaleresque, libérale et catholique, et de la Russie impériale, assujettie et byzantine; sous la domination démocratique du vay vode serbe, sous la bureaucratie autrichienne qui pèse sur l’Illyrie, sur la Dalmatie et sur le Banat; sous le pouvoir patriarcaj des Osmanlis, et sous la bénédiction du Vladicà de Monténégro, il repose un peuple physiologiquement, ethnographiquement homogène.

La grande partie de ces populations slaves n’ont presque jamaiS subi l’esclavage d’une race conquérante. La dépendance dans laquelle se trouvaient divers membres du monde slave, se bornait le plus souvent à la reconnaissance de la souveraineté, et à l’acquittement du tribut. Tel a été par exemple le caractère de la domination mongole en Russie. Les Slaves parvinrent ainsi à garder à travers les siècles leur nationalité, leurs mœurs, leur langue. Or, d’après ce que nous venons de dire, la Russie ne pourrait-elle pas être le noyau de cette cristallisation, le centre vers lequel gravitât le monde slave, et cela d’autant plus que, jusqu’à présent, c’est la seule partie de la grande race qui se trouve provisoirement organisée en un Etat fort et indépendant.

Cette question n’impliquerait aucun doute si le gouvernement de Pétersbourg avait le moindre instinct de sa vocation nationale, si une idée humaine quelconque pouvait s’allier à ce despotisme désespérant et borné. Mais, dans la situation actuelle, quel serait l’homme d’un peu de conscience, d’un peu d’honnê teté, qui oserait proposer aux Slaves occidentaux la réunion avec un empire soumis à un état de siège permanent, où le sceptre n’est qu’un ignoble bâton de caporal assommant par la schlague? Le panslavisme impérial, tel qu’il a été prôné jusqu’aujourd’hui par des hommes vendus ou égarés, n’a, bien entendu, rien de commun avec toute combinaison basée sur le principe de la liberté.

Ici, la logique même nous amène, inévitablement, à la question la plus grave, la plus légitime.

En supposant que le monde slave ait quelque possibilité d’une existence plus développée dans l’avenir, quel serait l’élément assez prononcé dans son état embryonnal, qui aurait le droit à ce développement? Si les Slaves pensent que leur temps soit venu, l’élément dont je viens de parler doit nécessairement correspondre à l’idée révolutionnaire de l’Europe.

Vous l’avez indiqué, vous l’avez touché, Monsieur, mais vous l’avez laissé échapper d’entre vos mains, en essuyant une généreuse larme de compassion pour la Pologne.

Vous prétendez que «la base de l’existence du peuple russe est le communisme», vous affirmez que «sa force lui est donnée par une sorte de loi agraire, par le partage continuel des terres».

Quel terrible Mané-Thékél venez-vous prononcer!.. Communisme pour base! Partage des terres pour force! Gomment, Monsieur, ne vous êtes-vous pas effrayé vous-même en proférant ces paroles?

Ne tallait-il pas s’arrêter, approfondir, ne pas lâcher la question, avant de vous être convaincu si c’était là une vérité ou un rêve?

Gomme s’il y avait

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