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Собрание сочинений в тридцати томах. Том 7. О развитии революционных идей в России

подавлено. Народ впал в оцепенение, умолк и покорился…

Между тем дворянство развивалось, образование начинало оплодотворять умы, и, как живое доказательство этой политической зрелости нравственного развития, необходимо выражающейся в деятельности, явились эти дивные личности, эти герои, как вы справедливо называете их, которые «одни, в самой пасти дракона отважились на смелый удар 14 декабря».

Их поражение, террор нынешнего царствования подавили всякую мысль об успехе, всякую преждевременную попытку. Возникли другие вопросы; никто не хотел более рисковать жизнию в надежде на конституцию; было слишком ясно, что хартия, завоеванная в Петербурге, разбилась бы о вероломство царя: участь польской конституции была перед глазами. В продолжение десяти лет умственная деятельность Не могла обнаружиться ни одним словом, и томительная тоска дошла до того, что «отдавали жизнь за счастие быть свободным одно мгновенье» и высказать вслух хоть часть своей мысли.

Иные отказались от своих богатств с тою ветреною беззаботностию, которая встречается лишь у нас да у поляков и отправились на чужбину искать себе рассеяния; другие не способные переносить духоту петербургского воздуха закопали себя в деревнях. Молодежь вдалась кто в панславизм, кто в немецкую философию, кто в историю или в политическую экономию; одним словом, никто из тех русских, которые были призваны к умственной деятельности, не мог, не захотел покориться застою.

История Петрашевского, приговоренного к вечной каторге, и его друзей, сосланных в 1849 году за то, что они в двух шагах от Зимнего дворца образовали несколько политических обществ, не доказывает ли достаточно, по безумной неосторожности, по очевидной невозможности успеха, что время размышлений прошло, что волнения в душе не сдержишь, что верная гибель стала казаться легче, чем немая страдательная покорность петербургскому порядку?

Очень распространенная в России сказка гласит, что царь, подозревая жену в неверности, запер ее с сыном в бочку, потом велел засмолить бочку и бросить в море.

Много лет плавала бочка по морю.

Между тем царевич рос не по дням, а по часам и уже стал упираться ногами и головой в донья бочки. С каждым днем становилось ему теснее да теснее. Однажды сказал он матери:

– Государыня-матушка, позволь протянуться вволюшку.

Светик мой царевич, – отвечала мать, – не протягивайся. Бочка лопнет, и ты утонешь в соленой воде.

Царевич смолк и, подумавши, сказал:

– Протянусь, матушка; лучше раз протянуться вволюшку да умереть.

В этой сказке, милостивый государь, вся наша история.

Горе России, если в ней переведутся смелые люди, рискующие всем, чтобы хоть раз протянуться вволюшку.

Но этого бояться нечего… Невольно приходит мне при этих словах на мысль М. Бакунин. Бакунин дал Европе образчик вольного русского человека.

Я был глубоко тронут прекрасными словами, с которыми вы обращаетесь к нему. К несчастию, эти слова до него не дойдут.

Международное преступление совершилось, Саксония выдала свою жертву Австрии, Австрия – Николаю. Он в Шлиссельбурге, в этой крепости зловещей памяти, где некогда держался взаперти, как дикий зверь, Иван Антонович, внук царя Алексея, убитый Екатериною II, этою женщиною, которая, еще покрытая кровью мужа, приказала сперва заколоть узника, а потом казнить несчастного офицера, исполнившего это приказание.

В сыром каземате, у ледяных вод Ладожского озера, нет места ни для мечтаний, ни для надежды!

Пусть же он спокойно заснет последним сном, мученик, преданный двумя правительствами, у которых на пальцах осталась его кровь

Слава имени его и мщение!.. Но где же мститель?.. И мы также погибнем на полпути, как он; но тогда вашим строгим и величавым голосом скажите еще раз нашим детям, что за ними остается долг

Останавливаюсь на воспоминании об Бакунине и жму вам крепко руку, и за него и за себя.

Ницца, 22 сентября 1851.

Michel Bakounine*

Monsieur, Vous avez désiré connaîtie quelques détails biographiques sur Bakounine. Je suis profondément sensible à l’honneur que vous me faites en vous adressant à moi et en me donnant l’occasion de parler de cet homme héroïque avec lequel j’ai été très lié.

Puissent ces notes, écrites à la hâte, vous servir à lui faire une couronne de martyr; il est digne, Monsieur, d’en avoir une, tressée par vos mains.

Vous avez aussi exprimé le désir d’avoir son portrait; avec le temps je parviendrai peut-être à faire venir celui qui a été fait en Allemagne en 1843 et que j’ai vu en Russie. Il est assez ressemblant. En attendant, pour vous donner une idée des traits de Bakounine, je vous recommande les vieux portraits de Spinoza, qu’on trouve dans quelques éditions allemandes de ses écrits; il y a beaucoup de ressemblance entre ces deux têtes.

Michel Bakounine est maintenant âgé de 37 à 38 ans.

Il est né d’une vieille famille aristocratique et dans une position également éloignée d’une grande richesse et d’une indigence gênante. C’est le milieu dans lequel il y a le plus de lumière et de mouvement en Russie. Pour vous donner, Monsieur, une idée de ce qui s’agite et fermente au fond de ces familles» si tranquilles à la surface, il me suffira d’énumérer le sort des oncles de Bakounine, des Mouravioff, auxquels il ressemblait beaucoup par sa haute taille un peu voûtée, par ses yeux bleu-clair, par son front large et carré, et même par sa bouche assez grande.

Une seule génération de la famille des Mouravioff donna trois individus magnifiques à l’insurrection du 14 décembre (deux étaient parmi les membres les plus influents; l’un fut pendu par Nicolas, l’autre périt en Sibérie), un bourreau aux Polonais, un procureur général au Saint-Synode et, enfin, une épouse à l’un des ministres de S. M.

On peut se figurer l’harmonie et l’unité qui régnent dans des familles composées d’éléments aussi hétérogènes.

Michel Mouravioff, le gouverneur militaire de Vilna, aimait à répéter: «Je n’appartiens pas aux Mouravioff que l’on pend, mais à ceux qui font pendre».

Bakounine a passé son enfance dans la maison paternelle, à Tver, et près de cette ville dans les possessions seigneuriales de son père. Celui-ci qui passait pour un homme d’esprit et même pour un vieux conspirateur du temps d’Alexandre, ne l’aimait pas trop et se débarrassa de lui, dès qu’il l’a pu. 11 le plaça dans une école d’artillerie à Pétersbourg.

Les écoles militaires en Russie sont atroces, c’est là que l’on forme, sous les yeux mêmes de l’empereur, les officiers pour son armée. C’est là qu’on «brise l’âme» aux enfants et qu’on les dresse à l’obéissance passive. L’esprit vigoureux et le corps robuste de Bakounine passèrent heureusement à travers cette rude épreuve. Il finit ses études et fut admis au service, comme officier d’artillerie. Son père voulant l’éloigner, fit, par l’intermédiaire des généraux avec lesquels il était lié, passer son fils de Pétersbourg dans un parc cantonné dans le triste pays de la

Russie Blanche.

Le jeune homme dépérissait dans cette existence ennuyeuse; il devint triste, mélancolique, au point que ses supérieurs commençaient à avoir des craintes sérieuses sur l’état de sa santé, et grâce à cela, on ne s’opposa pas, lorsqu’une année plus tard il donna sa démission. Libre du service, contre le désir de son Père, sans liaisons, sans appui, sans argent, il vint à Moscou. C’était en 1836. Il était comme perdu dans cette ville qui lui était inconnue; il cherchait à donner des leçons de mathématiques, seule science qu’il connaissait un peu, et n’en trouvait pas. Heureusement, quelque temps après, on le présenta à une dame que toute la jeunesse littéraire d’alors aimait et estimait beaucoup, à Mme C. Lévachoff (on peut bien nommer cette sainte femme; il y a plus de dix ans qu’elle n’existe plus). C’était une de ces existences pures, dévouées, pleines de sympathies éle, vées et de chaleur d’âme, qui font rayonner autour d’elles l’amour et l’amitié, qui réchauffent et consolent tout ce qui s’approche d’elles. Dans les salons de Mme Lévachoff on rencontrait les hommes les plus éminents de la Russie, Pouchkine, Michel Orloff (non le ministre de la police, mais son frère, le conspirateur), enfin, Tchaadaïeff, son ami le plus intime et qui lui a adressé ses célèbres lettres sur la Russie.

Mme Lévachoff devina par cette intuition sagace, particulière aux femmes douées d’un grand cœur, la forte trempe du caractère et les facultés extraordinaires de l’ex-artilleur. Elle l’introduisit dans le cercle de ses amis. C’est alors qu’il rencontra Stankévitch et Bélinnski, avec lesquels il se lia intimement.

Stankévitch[75] le poussa à l’étude de la philosophie. La rapidité avec laquelle Bakounine, qui ne connaissait alors que très peu la langue allemande, s’assimilait les idées de Kant et de Hegel et se rendait maître et de la méthode dialectique, et du contenu spéculatif de leurs écrits, a été étonnante. Deux années après son arrivée à Moscou, ses amis étaient tellement devancés par lui, qu’ils s’adressaient ordinairement à lui, lorsqu’ils trouvaient quelques difficultés. Bakounine avait un don magnifique pour développer les thèses les plus abstraites, avec une lucidité qui les mettait à la portée de chacun et sans rien perdre de leur profondeur idéaliste. C’est précisément le rôle que je prétends être celui qui est dévolu au génie slave par rapport à la philosophie; nous avons de grandes sympathies pour la spéculation allemande, mais nous aspirons encore plus vers la clarté française.

Bakounine pouvait parler des heures entières, disputer depuis le soir jusqu’au matin sans se fatiguer, sans perdre ni le fil dialectique de l’entretien, ni Г ardeur de la persuasion. Et il était toujours prêt à commenter, éclaircir, répéter, sans le moindre dogmatisme. Cet homme était né missionnaire, propagandiste, prêtre. L’indépendance, l’autonomie de la raison, telle était sa bannière alors, et, pour émanciper la pensée, 1 faisait la guerre à la religion, la guerre à toutes les autorités. Et comme chez lui l’ardeur de la propagande s’alliait à un très grand courage personnel, on pouvait dès lors prévoir que, dans e époque telle que la nôtre, il deviendrait un révolutionnaire fougueux, ardent, héroïque. Toute, son existence n’était qu’une œuvre de propagande. Moine de l’église militante de la révolution, il allait par le monde prêchant la négation du christianisme, l’approche du dernier jugement de ce monde féodal et bourgeois, prêchant le socialisme à tous et la réconciliation aux Russes et aux Polonais. Il

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