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Собрание сочинений в тридцати томах. Том 7. О развитии революционных идей в России

n’avait pas d’autre vocation dans sa vie, ni d’autre intérêt; il était complètement indifférent aux conditions extérieures de son existence.

Quittant sa patrie, Bakounine ne s’est jamais soucié de ce qu’il abandonnait son héritage. Il n’a jamais pensé comment il ferait pour dîner le lendemain. Avait-il un peu d’argent – il le dépensait, sans compter, follement; il le donnait à d’autres. N’en avait-il pas? Cela n’abattait pas son courage, il en riait avec ses amis, il savait réduire sa vie à presque rien, il se refusait tout, et non seulement il ne s’en plaignait pas beaucoup, mais en effet il souffrait moins que les autres, il acceptait le manque d’argent, comme une maladie.

Il était jeune, beau, il aimait faire des prosélytes parmi les femmes, beaucoup étaient enthousiasmées de lui, et pourtant aucune femme n’a joué un grand rôle dans la vie de cet ascète révolutionnaire; son amour, sa passion étaient aillieurs.

J’ai fait la connaissance de Bakounine en 1839. Je revenais alors à Moscou d’un premier exil et commençais à travailler dans des écrits périodiques, dirigés par Bélinnski, ami intime de Bakounine. Nous passâmes ensemble une année. Bakounine me poussait de plus en plus dans l’étude de Hegel, je tâchais d’importer plus d’éléments révolutionnaires dans sa science austère.

L’automne de 1840 Bakounine quitta la Russie; il se rendit a Berlin pour terminer ses études. Seul de ses amis, j’allais le reconduire jusqu’à Gronstadt. A peine le bateau à vapeur fut-il sorti de la Neva, qu’un de ces ouragans baltiques, accompagnes de torrents d’une pluie froide, se déchaîna contre nous.

Force fut au capitaine de retourner. Ce retour fit une impression extrêmement pénible sur nous deux. Bakounine regardait tristement comment le rivage de Pétersbourg, qu’il pensait avoir quitté pour des années, s’approchait de nouveau avec ses quais parsemés de sinistres figures de soldats, de douaniers d’officiers de police et de mouchards, grelottant sous leurs parapluies usés.

Etait-ce un signe, un avis providentiel?.. Une circonstance semblable retint Cromwell, lorsqu’il voulait s’embarquer pour J’Amérique. Mais Cromwell quittait l’Old England et il était au fond enchanté d’avoir trouvé un prétexte pour y rester. Bakounine quittait la nouvelle cité des tzars. Ah! Monsieur, il faut voir l’enthousiasme sans bornes, la joie, les larmes aux yeux, chaque fois qu’un Russe passe la frontière de sa patrie et pense qu’il se trouve maintenant hors du pouvoir de son tzar!

Je montrai à Bakounine l’aspect lugubre de Pétersbourg et je lui citai ces vers magnifiques de Pouchkine, où il jette les mots comme des pierres, sans les lier entre eux, en parlant de Pétersbourg: «Cité splendide, cité pauvre, air de contrainte, aspect régulier, la voûte des cieux grisâtre et verte… Ennui, bise et granit». Bakounine ne voulut pas descendre sur le rivage, il préféra attendre dans la cabine du bateau l’heure du départ. Je le quittai et me rappelle encore sa haute et grande figure, enveloppée dans un manteau noir et battue par une pluie inexorable, comme il se tenait sur le devant du bateau et me saluait pour la dernière fois avec son chapeau, lorsque je m’enfonçais dans une rue de traverse…

Bakounine étonna d’abord par sa fougue, par ses talents et par la hardiesse des conséquences qu’il osait accepter, les professeurs de Berlin; mais bientôt il s’ennuya et rompit avec le quiétisme de la science allemande. Bakounine ne voyait d’autre moyen de résoudre l’antinomieentre la pensée et le fait, que la lutte, et il devint de plus en plus révolutionnaire. Il fut au nombre des jeunes littérateurs qui protestèrent dans les Annales de Halle, dirigées par Arnold Rüge, contre la manière stérile, aristocratique et inhumaine des professeurs allemands de comprendre la science, contre leur fuite dans les sphères de l’absolu, contre leur abstention sans cœur qui ne voulait participer en rien aux fatigues de l’homme contemporain

Les articles de Bakounine, écrits avec beaucoup de verve et de hardiesse, étaient signés Jules Elysard. Au reste il écriait très peu et travaillait difficilement quand il fallait recourir à la plume.

En 1843 Bakounine, poursuivi par les réactionnaires suisses, fut dénoncé par l’un d’eux, Blüntchli, et reçut aussitôt la sommation de rentrer en Russie. Blüntchli, journaliste et membre du gouvernement à Zurich, lors de l’affaire du communiste Weitling, compromit une quantité de personnes. Ayant entre ses mains les dossiers de Weitling et de ses amis, il fit une brochure, où il rendit public tout ce qu’il devait garder secretr comme magistrat. Il n’y avait aucune lettre adressée à Bakounine ou adressée par lui à Weitling, mais dans je ne sais quel billet Weitling parlait de Bakounine, socialiste russe. Cela a suffi à Blüntchli. Après cette dénonciation il était impossible de rentrer; Bakounine refusa par conséquent d’obtempérer à l’ordre impérial. Alors le tzar le fit juger par son Sénat; on le condamna à la perte de tous ses titres et à la déportation perpétuelle des qu’il rentrerait «pour avoir désobéi aux ordres de S. M. et pour avoir tenu une conduite inconvenante à un officier russe». Bakounine remercia l’empereur par une lettre qu’il fit insérer dans les journaux de Paris, où il vint se fixer, de lui avoir retiré ses titres de noblesse.

Exilé une seconde fois après le départ de Bakounine, je n’ai trouvé les moyens et la possibilité de quitter la Russie qu’au commencement de l’année 1847, et c’est alors que je l’ai revu a Paris. Il menait une vie retirée, ne voyait que quelques amis russes et polonais; il fréquentait Proudhon et allait parfois chez Mme George Sand. Il était fatigué, plus triste qu’en Russie, mais était bien loin du désespoir; le temps était lourd en 1847. „Expulsé de Paris après son discours à l’anniversaire de la ^volution polonaise en 1847, il alla à Bruxelles. Le 24 février i ouvrit les portes de la France, d’une grande carrière et de la prison éternelle. Bakounine rajeunit et se sentit pour la pre-»ere fois dans la possibilité de développer toutes ses forces et toute son activité énergique.

Il quitta Paris au mois de mars 1848 pour porter ses conseil sa parole aux Slaves autrichiens. Chemin faisant, il rencontra’ dans la Forêt Noire, une commune de paysans en pleine insurection, allant prendre le château. Bakounine se souviem de son état d’artilleur, leur enseigne les mouvements et les dispositions nécessaires pour prendre le château, leur donne des instructions et remonte dans la voiture pour continuer sa route.

Lorsque Bakounine vint à Prague, il y trouva le congrès slave déjà réuni. Présenté par un député de la Galicie, il fU[invité à prendre part aux travaux de ce premier concile d’une nationalité qui se réveillait enfin, après des siècles de léthargie. On y parlait toutes les langues slaves, il ne manquait qu’une seule, la langue russe. Personne au monde ne pouvait mieux représenter l’idée révolutionnaire de la petite minorité de sa patrie que Bakounine, lui Russe, ami des Polonais, armé de tout ce que la science allemande pouvait donner, et socialiste, comme les hommes les plus avancés de la France. Bakounine, dès son apparition, acquit une influence immense et très populaire. Son extérieur noble et tout à fait slave, son énergie, son caractère ouvert, sa parole claire et profonde, rallièrent autour de lui les hommes effectivement révolutionnaires de la Bohème et les Slaves autrichiens.

Vous connaissez, Monsieur, l’histoire de la révolution de Prague. C’est l’histoire typique de toutes les révolutions, écloses à la suite du 24 février. Victoires faciles au commencement, les vainqueurs se sentant profondément indignes d’être vainqueurs, une foi aveugle aux concessions hypocrites du pouvoir, discussions oiseuses et formalités, perte de temps, prise d’armes inopportune et défaite complète.

Windichgraetz était enchanté des barricades à Prague, tout comme Marrast et Cavaignac l’ont été le 22 juin 1848 à Paris. Il bombarda la ville pendant six jours. Dès le commencement du combat Bakounine descendit dans la rue, mais à la fin il u У avait rien à faire. Windichgraetz devait écraser par les canons et les masses. La population montrait des sympathies autrichiennes. Bakounine abandonna la ville, lorsque la défaite était consommée et alla attendre de meilleurs jours à Dessau.

Jamais dans aucun pays on n’a vu un spectacle plus ignoble, lâche, que celui que donnaient au peuple allemand leurs gouvermants en 1849. Louis-Napoléon, Pie IX sont des héros de Dité de franchise et de loyauté à côté de ces misérables Habsburg et Hohenzollern avec leurs collègues de Saxe, Wurtemberg, Hesse, Bade, etc. Le spectacle de ces trahisons, de ces parjures, petites cruautés à la fois sanguinaires et mesquines, qui indignèrent Paskévitch en Hongrie, rendit furieux les derniers hommes libres en Allemagne, qui n’avaient pas fléchi devant la réaction; on était plus qu’indigné: le cœur se remplissait d’un désir insurmontable de vengeance et de représailles. Les monstruosités commises par les Prussiens dans le duché de Bade, par exemple, étaient telles, que j’ai entendu de braves bourgeois allemands, qui, leur vie entière, n’ont jamais osé penser à contester les droits des rois et des grands, me dire, pâles et tremblants de rage: «Ah! si un jour nous pouvions étrangler de nos mains un officier prussien!» Le parti révolutionnaire, sous cette influence nerveuse et fébrile, avec l’exaltation du désespoir et de l’offense, tenta un suprême effort à Dresde.

Bakounine était là, triste, irrité; il n’en pouvait plus, comme le montrait une lettre qu’il adressa à un de ses amis de Ko then avant la révolution de Dresde. Dès que le mouvement se prononça à Dresde, il apparut sur les barricades, on l’y connaissait et on l’y aimait beaucoup.

Un gouvernement provisoire fut constitué. Il vint lui offrir ses services. Plus énergique que ses amis, sans être investi d’un commandement formel, il devint le chef militaire de la ville assiégée. C’est là qu’il manifesta non seulement un courage, mais aussi une présence d’esprit

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