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Полное собрание сочинений. Том 20. Статьи из Колокола и другие произведения 1867-1869 годов

désintéressement et à leur amour du bien public. A cet effet, Il soumettra la conduite des juges au tribunal de l’opinion publique, qui a été toujours plus impartiale que les tribunaux supérieurs, souvent entraînés à violer la loi parce qu’ils tiennent au principe de l’arbitraire. Um tribunal siégeant en présence de tous et donnant aux parties le droit de publier ses sentences, sera l’un des plus sûrs remparts de la justice.

Il fixera une fois pour toutes d’une manière certaine, les bases du patrimoine de l’Etat. Il calculera les richesses de ses vastes possessions. Il répartira les impôts parmi ses sujets dans une proportion immuable et inaccessible aux variations que peut causer le flux et le reflux des signes représentatifs de la richesse.

Il restreindra en particulier les dépenses qui ne sont pas profitables à l’Empire et qui n’ajoutent pas à l’éclat de sa couronne; Il réduira sa Cour, Il en chassera cette foule de flatteurs et de courtisans serviles qui se figurent impudemment que la fortune de l’Empire leur appartient et qu’ils ont droit avant tous les autres hommes à la faveur de l’Empereur, par cette seule raison que le hasard les a placés près de Sa personne.

Il modérera le goût frivole du luxe dans les constructions, c’est-à-dire le goût des embellissements des rues et des places dans les capitales, quand on ne voit encore dans tout le reste de l’empire que des cabanes sans toitures. Il ne fera pas appel aux arts pour se faire élever des monuments; mais. Il trouvera des monuments plus solides dans l’extrême sagesse de ses institutions et dans l’amour de son peuple: ceux-là ne peuvent être détruits par le temps, et au lieu d’inspirer la vaine admiration de la curiosité, ils ex — citent le respect de tous les siècles et de tous les peuples!

En général, Il considérera le produit de la sueur sanglante de ses sujets-comme dédié au bien commun et II recherchera, avant tout, ce qui est beau moralement.

Il négligera de s’occuper de détails et de dépenser à des riens le temps précieux qui peut à peine suffire aux préoccupations générales du souverain du plus vaste Empire du monde. Il embrassera d’un coup d’œil des masses entières, donnera une impulsion régulière aux roues principales-de la grande machine de l’Etat — et toutes les autres marcheront régulièrement!

Comme les lois les plus parfaites seraient inutiles à un peuple corrompu, et resteraient inintelligibles pour un peuple d’ignorants, Il donnera sans

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doute toute sou attention à l’éducation de ses sujets, conformément aux besoins locaux et individuels de chacun d’eux.

D’un autre côté, Il travaillera également à moraliser ce qu’on appelle les dernières classes. Il assurera les droits de l’humanité aux paysans des seigneurs; Il les fera participer à la propriété et fixera des limites à leur dépendance.

J’ai entendu dire que notre jeune souverain recevait avec indifférence les acclamations uniformes de ces poètes qui récitent leurs flatteries apprises par coeur à tous les tzars, sans exception, et affirment à chacun d’eux qu’il vaut mieux que son prédécesseur; c’est ce qui m’a inspiré la hardiesse d’émettre ces pensées…

O Toi que mon cœur adore! ne rejette pas cette offrande que je Te fais sincèrement et dans le but le plus désintéressé…

Sire! je me prosterne à Tes pieds et je les arrose des larmes du dévouement éternel le plus pur!.. Tu es le génie bienfaiteur de ma chère Patrie!..

II

Le lendemain, Trochtchinsky annonça à l’empereur qu’il amenait avec lui l’auteur de la lettre, et que c’était un employé de ses bureaux, nommé Vassily Nazarovitch Karazine. L’empereur, après avoir congédié Trochtchinsky, fit appeler Karazine dans son cabinet et, lorsqu’ils furent complètement seuls, lui dit:

— C’est vous qui m’avez écrit cette lettre?

— C’est moi qui suis le coupable, Sire, — répondit Karazine.

— Laissez-moi donc vous embrasser; je vous remercie, je voudrais avoir beaucoup de sujets comme vous. Continuez à me parler toujours aussi franchement, continuez à me dire toujours la vérité!

L’empereur le pressa contre sa poitrine, et Karazine, pleurant comme un enfant, se jeta à ses pieds en disant:

— Je jure de Vous dire toujours la vérité.

Alexandre le fit asseoir, causa longtemps avec lui, lui ordonna de lui remettre ses lettres à lui-même. — Les portes du cabinet de l’empereur furent ouvertes pour lui…

Laissez entrer chez moi le marquis Poza Sans aucune formalité préalable.

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…Notre marquis Poza avait commencé déjà sa carrière politique deux ans auparavant. A vingt-cinq ans il avait abandonné le service militaire. Plein d’instruction et doué d’une rare variété d’aptitudes, il avait pris congé du régiment Séménovsky pour étudier la Russie et s’occuper des sciences exactes. La frénésie de Paul avait alors atteint à son plus haut degré de violence. Lorsque le jeune homme avait envisagé la situation de la malheureuse Russie, tiraillée tantôt à droite, tantôt à gauche, et sans discernement par ce maniaque, une telle hor-reur,une telle indignation et un tel désespoir s’étaient em¬parés de son âme qu’il avait résolu de partir à tout prix pour l’étranger.

Il était défendu de délivrer des passeports, et l’on n’avait pas permis à Karazine de quitter la Russie. Il avait alors résolu de passer la frontière sans passeport. Au passage du Niémen, il avait été pris par des dragons et conduit à Kovno.

La perte de Karazine était inévitable. Il eut recours au moyen de salut le plus dangereux et présentant le moins de chances de succès; — ce fut ce moyen qui le sauva. Pour prévenir le rapport officiel de l’autorité, il envoya, le 14 avril 1798, par estafette, la lettre suivante à Paul:

Sire,

Un criminel infortuné prend la hardiesse de T’écrire: son crime est d’avoir désobéi à Tes ordres, autocrate de la Russie, mais non d’avoir violé les lois de l’honneur, de la conscience, de la religion et de la patrie. Daigne l’écouter avant de le condamner. Qu’un seul rayon de Ton esprit tombe sur moi avant que l’éclair de Ta colère m’anéantisse!

J’ai voulu abandonner ma patrie, le grand pays sur lequel s’étend Ta domination; j’ai tenté d’enfreindre Ta volonté qui m’avait été doublement exprimée, c’est-à-dire à la fois d’une manière générale, comme à tous les Russes, et individuellement. Pendant la nuit du 3 de ce mois, j’ai été arrêté par une patrouille du régiment de grenadiers de Catherine, au moment où je traversais le Niémen à Kovno: un rapport officiel ne tardera pas à Te parvenir à ce sujet.

Vraisemblablement on va chercher des renseignements sur moi à Saint-Pétersbourg, où j’ai résidé pendant quelque temps, et dans la province de 1 Ukraine, où je suis né et où j’ai des biens. J’ose affirmer ici à l’avance que ces renseignements ne fourniront pas de nouveaux chefs d’accusation contre moi. Je n’avais nullement . besoin de chercher mon salut dans la fuite, et le motif réel de ma fuite restera un problème pour mes juges.

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Reçois donc ici ma confession: j’ai voulu me mettre à l’abri de Ton gouvernement, parce que ses rigueurs m’ont épouvanté. De nombreux exemples de sévérité, colportés par la renommée d’un bout à l’autre de Ton empire, et sans doute exagérés par elle, poursuivaient jour et nuit ma pensée et mon imagination. Je ne me connaissais pas de crime. Au milieu de l’isolement de la vie champêtre, je ne pouvais avoir ni occasion ni sujet de T’offenser. Mais l’indépendance seule de mes idées pouvait être déjà un crime…

Maintenant Tu es libre de me punir et de justifier mon effroi, ou de me pardonner et de me forcer à verser des larmes de repentir en reconnaissant que j’ai conçu une si fausse idée d’un empereur grand et clément!

Il n’arrivait pas souvent à Paul de lire de pareilles lettres. L’idée de son despotisme avait épouvanté un jeune homme au point de le décider à fuir, et l’ingénuité avec laquelle ce jeune homme avouait son crime, le surprirent à l’improviste. Prenant, la troisième position de la danse et s’appuyant avec pédanterie sur sa canne, Paul dit, de sa voix rauque, au criminel amené en sa présence: «Je te montrerai, jeune homme, que tu te trompes, et que le service peut être tolerable en Russie, même sous mon règne. Auprès de qui veux-tu prendre du service?» Bien que l’intention qu’avait eue Karazine de passer la frontière ne témoignât pas précisément un violent désir de goûter aux charmes du service de Paul, il n’y avait pas à réfléchir, et Karazine nomma Trocht-chinsky. Paul ordonna de l’inscrire au nombre des employés de Trochtchinsky, et de ne plus l’inquiéter.

Un pareil homme était un trésor pour Alexandre; il semblait qu’il l’eût compris. L’activité infatigable de Karazine et son savoir aussi proiond que varié étaient faits pour frapper l’empereur: en effet, il était à la lois astronome, chimiste, agronome et sta¬tisticien; ce n’était pas un rhéteur comme Karamzine, ni un doctrinaire comme Spéransky, c’était un homme d’un esprit vivant, qui jugeait toutes questions à un point de vue nouveau et proposait pour chacune une solution parfaitement juste.

Tout d’abord, l’empereur envoie sans cesse chercher Karazine et lui écrit des billets de sa propre mainxxxviii[38]. Karazine, enivré par ses succès, sent ses forces se décupler; il compose des projets, et entre autres le projet d’un ministère de l’instruction publique;

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il présente un mémoire sur l’extirpation de l’esclavage (c’est-à-dire du servage) dans le peuple; en même temps il rédige des notes sur les écoles populaires et compose lui- même deux catéchismes, l’un laïc et l’autre spirituel, puis tout à coup, au moment même où sa faveur est à son comble, il prend son congé et va se perdre dans la Petite-Russie, son pays. Ne croyez pas qu’il est allé se reposer et rassembler de nouvelles forces; non, de tels hommes ne se fatiguent pas, et il revient à Pétersbourg au bout de quelques semaines avec 618000

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désintéressement et à leur amour du bien public. A cet effet, Il soumettra la conduite des juges au tribunal de l'opinion publique, qui a été toujours plus impartiale que les