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Полное собрание сочинений. Том 20. Статьи из Колокола и другие произведения 1867-1869 годов

sua sponte toute l’Alliance. On se mit d’accord enfin; mais depuis ce temps les sociétés prirent divers noms: Société du Nord et Société du Sud, et ne se confondirent plus. Pestel réforma aussi sa société; elle était beaucoup plus avancée, tranchée et décidée que celle de Pétersbourg. Pestel allait droit au renversement du gouvernement impérial; il était persuadé que la forme républicaine était possible pour la Russie. Homme aux idées vastes, aux convictions inébranlables — «il n’a jamais faibli ni dévié une ligne, — dit Yakouchkine, — pendant les dix années», qu’il était véritable dictateur de la Société du.Sud. C’est lui qui parlait de la nécessité d’introduire l’élément fédéral, qui gardait au delà des frontières, entrant en communication avec

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la Société des Slaves-Unis, qui envoyait le prince Volkonsky et Bestoujeff — faire une entente avec les Polonais; enfin c’est Pestel qui le premier montrait «la terre», la possession foncière et l’expropriation de la noblesse comme la base la plus sûre pour asseoir et enraciner la révolution. Les hommes du Nord, même Ryléieff, ne sont jamais allés si loin.

L’empereur était très alarmé, il ne savait rien de positif, mais il présumait beaucoup, lorsqu’un coup inattendu acheva de le troubler. En 1821, il était à Leybach, c’était le temps du congrès; là il jouait encore son rôle de libéral. Metternich voyait bien qu’il en était déjà fatigué et voulait l’entraîner à la réaction pure et franche (l821), il cherchait quelque chose pour frapper l’imagination de l’empereur. Le hasard le servit admirablement. Un jour le prince se présente chez l’empereur, le matin, lui parle, tout consterné, sur l’envahissement de tous les Etats par l’esprit révolutionnaire, sur la négligence des gouvernements; et voyant un sourire sur les lèvres d’Alexandre Ier, lui dit: «Sire, ne pensez pas que votre pays soit à l’abri des idées révolutionnaires; au moment où j’ai l’honneur de vous parler, le régiment de la garde Séménovsky est en révolte à Saint-Pétersbourg.

L’empereur pâlit.

— D’où savez-vous cela? Moi je n’ai rien entendu.

— Un courrier du comte Lebzeltern vient d’arriver avec cette dépêche.

Alexandre était anéanti. Le prince Metternich se retira rayonnant. Le coup avait été porté.

Le régiment qui a acclamé le premier Alexandre dans la célèbre nuit de mars 1801, le régiment qu’il aimait le plus, un des meilleurs de la garde, peut-être le meilleur — en état de mutinerie. Et le ministre autrichien en est informé, et lui, empereur de toutes les Russies, ne l’est pas.

Le courrier russe, envoyé par le commandant de garde quelques heures après le courrier de Lebzeltern, arriva enfin. C’était Pierre Tchaadaïeff, si célèbre après. L’empereur le reçut mal. Après il voulut lui attacher les aiguillettes d’aide de camp- Tchaadaïeff ne voulait ni être gourmande pour la faute d’un autre, ni être récompensé à la suite d’une histoire malheureuse comme l’affaire du régiment Séménovsky, il donna sa démission.

Quelle était donc cette histoire du- régiment Séménovsky? Nous avons publié dans l’Etoile polaire un récit fait par un contemporainxlix[49].

Le régiment Séménovsky était en effet un des meilleurs de la garde; couvert de gloire, ayant à sa tête un homme distingué, le général aide de camp, comte Potiomkine, et dans son sein des officiers excellents, éclairés, quelques-uns membres de la Société, comme les deux Mouravioff-Apostol, etc.; ils déploraient le système barbare des vexations et punitions qu’on infligeait aux soldats, et prirent la résolution d’abolir complètement la bastonnade, les verges et toute punition corporelle dans le régiment. En même temps il tâchèrent d’améliorer le sort Ides soldats, de veiller sur leur nourriture, de faire croître leurs épargnes. Le colonel les aidait, les protégeait; les vieux militaires regardaient de travers ces innovations.

En 1821, Araktchéieff faisait je ne sais quelle collecte pour les colonies militaires. Les invitations étaient des ordres, tout le monde s’empressait de porter son denier. Pas un officier du régiment Séménovsky ne souscrit. C’était assez. Il fallait les perdre. Il parla à l’empereur du relâchement de discipline, de l’esprit des officiers, conseilla d’éloigner le comte Potiomkine du commandement; et l’empereur donna au comte Potiomkine une division entière de la garde et désigna un certain Schwarz, Allemand ou Juif allemand, comme colonel de ce brillant régiment Séménovsky. C’était un de ces tyrans mesquins et sans pitié, ignorant, irascible, pédant et Allemand, pédant dans le service, pédant dans la discipline, comme on en voyait et on en voit encore des centaines dans l’armée russe. Il comprit pourquoi on l’avait désigné et se mit à corriger le régiment. Dès les premiers jours il était détesté par les officiers. Mais ceux qui souffraient le plus étaient les soldats; nuit et jour il ne leur laissait de repos; il continuait à la clarté des chandelles les exercices militaires pour les reprendre avant le jour, punissant la moindre négligence, a moindre contravention avec une sévérité froide et féroce. La patience des soldats, déshabitués d’être maltraités, devait se briser.

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Un soir, après l’appel, la compagnie de Sa Majesté refusa de se retirer, déclarant qu’il était impossible de continuer un service pareil et demandant à haute voix son capitaine. Le capitaine Kochkaroff tâcha de les apaiser, et promit de porter leur plainte au général en chef; les soldats se retirèrent. Il tint sa parole, mais le comte Vassiltchikoff donna une autre tournure à l’affaire. Le lendemain soir il ordonna à la compagnie de se réunir au manège; là elle était déjà attendue par un bataillon du régiment des grenadiers avec des fusils chargés. Ils avaient, l’ordre de mener la compagnie à la forteresse. Les soldats obé¬irent. Lorsqu’on apprit cela, une grande agitation s’empara de tout le régiment. Les soldats disaient à haute voix que la compagnie de Sa Majesté était seule punie, parce qu’elle s’était dévouée pour eux tous; qu’ils voulaient, comme ils ont partagé la protestation, partager le sort delà compagnie et se rendre à la forteresse.

Les officiers tâchèrent de les dissuader, les soldats répondirent qu’ils ne voulaient pas abandonner leurs frères: alors les officiers se mirent dans leurs rangs. C’était grand et beau.

Le ci-devant colonel, le général aide de camp Potiomkine, vint lui-même les conjurer, les haranguer; mais, voyant qu’ils étaient inébranlables, il fondit en larmes et ne put continuer. Il prévoyait les suites funestes. Le chef du corps vint aussi. Il demanda aux soldats pourquoi ils ne s’étaient pas plaint? par les moyens légaux. Les soldats répondirent qu’il y avait un mois, un de leurs compagnons sortit des rangs pendant

l’inspection pour porter une plainte, et qu’il avait été durement puni pour cela par lui- même.

— Mais enfin que voulez-vous donc?—demanda le comte Vassiltchikoff.

— Que l’on mette en liberté la compagnie de Sa Majesté ou qu’on mène tout le régiment à la forteresse.

Le général leur répondit que s’ils voulaient se mettre en rangs il les mènerait à la forteresse. Les soldats obéirent, les officiers (à l’exception de deux) se mirent à leurs places — et le régiment alla silencieux et tranquille à la forteresse. Pas un désordre la nuit. On cassa seulement quelques carreaux et glaces dans la maison de Schwarz, qui avait disparu dès le matin.

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Le régiment fut dissous. On relégua provisoirement les soldats dans diverses forteresses delà Finlande. Après un jugement offlniaire. quelques sous-officiers furent condamnés au knout et à l’exil à Nertchinsk; les subalternes étaient incorporés dans des régiments des garnisons éloignées, où ils restèrent jusqu’en 1840. Les officiers étaient renvoyés de la garde à l’armée. Le; colonel Vadkovsky, le commandant de la compagnie Kochkaroff, et le colonel démissionnaire Ermolaeff, exilés au Caucase; le prince Stcherbatoff, qui se trouvait à Moscou et ne prit aucune part à toute l’affaire, fut le plus puni. On trouva, nous ne savons quelle phrase dans une lettre qu’il avait écrite. On l’envoya comme soldat au Caucase, où il mourut en 1829lf50j.

L’enquête avait été dirigée par les généraux Orloff et Lévachoff, deux noms lugubres qui se répéteront bien souvent pendant nos études sur ce temps.

Vassiltchikoff perdit le commandement de la garde; Schwarz, démissionné, alla se perdre et se faire oublier dans son village de Novgorod.

L’empereur revint à Pétersbourg tout bouleversé. Le fantôme d’une conspiration militaire le poursuivait jour et nuit. Soupçonneux, méfiant et ne pouvant rien découvrir positivement, il prenait des mesures, qui décelaient ses préoccupations.

En 1822, il fit brusquement fermer les loges maçonniques, qu’il protégeait lui-même. Immédiatement après, ordre de faire souscrire à tous les employés de l’Etat une déclaration qu’ils n’appartiennent à aucune société secrète, et un engagement pour l’avenir de s’en abstenir.

Yakouchkine raconte une anecdote très remarquable. Elle prouve jusqu’à quel point l’empereur était attentif. Se trouvant dans le gouvernement de Smolensk en 1821, pendant une terrible famine, Yakouchkine se rencontra là avec Von Wiesen, Passek et autres. Ils firent des quêtes pour les paysans qui mouraient de faim. Ils donnèrent leur propre argent et firent tant, à Moscou et à Pétersbourg, que le gouvernement s’émut et envoya à Smolensk un vieux sénateur, Mertvaho, qui ne faisait rien, n’aidait personne. Des sommes considérables furent réunies par eux, et ce qui était beaucoup plus insolite en Russie, elles parvinrent à leur destination.

Un an après, l’empereur parlait un jour à son chef d’état-major le prince Pierre Volkonsky, de cette maudite société secrète insaisissable et pourtant active, minant l’opinion publique et la dominant. Le prince, qui était un ami du tzar, hasarda de mani¬fester quelque doute sur la puissance de cette charbonnerie.

«Tu ne comprends rien, — lui dit l’empereur, — et tu ne connais ni ces gens ni leurs forces. Sais-tu que l’année passée ils ont nourri quelques districts du gouvernement de Smolensk pendant la famine?»

Et il nomma Yakouchkine, les généraux Passek et Von Wiesen. Le temps s’assombrissait.

Bientôt ce même prince Volkonsky devint suspect et tomba en disgrâce. Il ne voulait pas aller faire la cour à Araktchéieff à sa campagne,l’empereurl’éloigna du

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