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Полное собрание сочинений. Том 20. Статьи из Колокола и другие произведения 1867-1869 годов

fardeau trop lourd que Rome mettait sur ses épaules. Une grande partie de son idéal de conquérant était réalisée, le restant ne suffisait plus pour le pousser. Il possédait son passé, le prestige de la force, de la civilisation, de la richesse; il pouvait tout de même traîner longtemps, ramolli et fatigué. Mais arrive une révolution qui lui dit en face: «Tes vertus sont des vices brillants pour nous; notre sagesse est absurde pour toi, qu’avons-nous donc de commun?» Il fallait l’écraser ou tomber devant la croix et le crucifié.

Vous connaissez la légende (Heine s’en est si bien souvenu, dans son voyage de Helgoland) de ces bateliers retournant,effrayés, agités, de la Grèce en Italie. Ils racontaient (c’était du temps

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de Tibère) qu’une nuit, lorsqu’ils touchaient la terre du pélopo-nèse, un homme sinistre apparaissait sur les rochers, leur faisant signe d’approcher et leur criant à haute voix: «Pan est mort!»

Il n’était pas mort alors, le vieux Pan, mais il agonisait et il n ‘y avait plus de remède pour le sauver que la mort. Son extrême-onction durait des siècles. Il se convertit, prit l’habit et légua tout son avoir à l’Eglise. Un moine se mit à la place des Césars, l’Olympe devint un jardin de lazaret et se remplit des moribonds* des desséchés, des sans-soxes, des exécutés; un gibet avec un cadavre prit la place de Jupiter, et celle de ses joyeux convives — deux femmes en larmes. Voilà ce que nous entendons par révolution radicale.

Les restes, les fragments, les pierres désagrégées de l’ancien édifice se conservèrent, mais furent incorporées dans le nouveau, mais ne primèrent plus.

Le monde chrétien, de son côté, a eu ses grandes crises et ses-grandes évolutions, transformations, mais pas une radicale. La. Renaissance, la Réforme ne sortent pas de l’Eglise, elles la simplifient, l’humanisent, l’ornent et l’adorent dans la nouvelle-édition. La Révolution même représente la sécularisation du christianisme et la canonisation du monde antique. Elle est chrétienne et romaine par son génie, sacrifiant sans pitié l’individu au ««salus populi», au Moloch de l’Etat, de la république, comme l’Eglise sacrifiait l’homme vivant au «salut de l’âme, à la gloire-de Dieu». La Réforme, la Révolution firent, en luttant, des pas de géant et frisèrent des principes parfaitement justes, mais- irréalisables dans la condition donnée de l’Etat. Les pièces de résistance, les masses de vieilles murailles qu’elles entraînèrent dans leur nouvelle cité, empêchaient chaque pas. Ils perdaient toute l’énergie en contradictions insolubles, en luttes sans issue..

Droits de la personne juridique.

Droits de l’homme.

Droits de la raison.

Liberté, Egalité, Fraternité.

Arc-en-ciel plein de promesses, touchant des deux bouts la terre sans prendre racine.

L’inviolabilité de l’individu se brisait à la protection absolue de la propriété par l’Etat. Le droit de l’homme heurtait le

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droit romain. Le droit de la raison était nie par une religion armée. Et ainsi de suite. La liberté était impossible avec un gouvernement fort, avec une Eglise de l’Etat et une armée aussi de l’Etat. Pas d’égalité avec l’inégalité du développement, entre les sommets inondés de lumière et les masses couvertes de ténèbres. Pas de fraternité entre le maître qui use et abuse de son avoir et l’ouvrier qui est usé et abusé parce qu’il n’a rien. Quel est le génie qui pourrait réunir en une formule harmonique, résoudre en une équation, énoncer d’une manière intelligible le rapport et l’action mutuelle des grandes forces contradictoires, des facteurs hétérogènes qui s’entre-déchirent et restent en même temps bases de la société moderne? Est-ce qu’il y a quelque chose de commun entre la jurisprudence et la science économique, entre le tribunal et la statistique? peuvent-elles convenablement coexister? Vous le sentez, vous le savez, et c’est à. cause de cela que vous commettez un péché contre l’esprit. Vous êtes dans l’état d’un homme qui a levé une jambe pour passer la frontière, et saisi d’un accès de nostalgie, reste dans cette position lamentable.

Personne ne vous force de vous expatrier, mais alors il faut rester tranquillement près du foyer paternel et ôter les habits d’un révolutionnaire en voyage. Le cumul de conservatisme et de ré¬volutionarisme commence à révolter. Vous avez des remords, et pour vous justifier à vos yeux, vous répétez la vieille chanson des dangers de la morale, de l’ordre, de la famille, surtout de la religion. Et

vous-mêmes, vous n’en avez pas, sauf un mince déisme impuissant et stérile. La religion vous apparaît seulement comme le grand frein pour les masses, la grande intimidation dessimples, le grand paravent qui empêche au peuple de voir clair ce qui se passe sur la terre, en élevant ses yeux vers le ciel.

Morale, famille. Quelle morale? La morale de l’ordre, de-l’ordre existant, la morale du respect de l’autorité et de la propriété; le reste — fioritures, ornements, décors, sentimentalisme et rhétorique.

Et quand est-ce qu’une révolution s’est présentée comme immorale? Une révolution est toujours austère, vertueuse par métier, pure par nécessité; elle est toujours dévouement, parce qu’elle est toujours danger, perte des individus au nom de la généralité.

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Est-ce que les premiers chrétiens étaient immoraux? ou les Huguenots, ou les Puritains, ou les Jacobins? Ce sont les coups de main, les coups d’Etat qui ne sont pas excessivement immaculés, mais ce sont des rétrovolutions. Quant à la religion, la révolution n’en a pas besoin, elle est elle-même religion.

Le socialisme même, dans ses phases les plus exaltées, juvéniles dans le saint-simonisme et le fouriérisme, n’est jamais allé ni à la communauté des biens des Apôtres, ni à la république d’enfants trouvés de Platon, ni à la négation de la famille au point de créer des institutions d’infanticide anticipé et des maisons publiques de célibat et d’abstinence…

Il ne s’agit, en réalité, ni de famille, ni de morale, il s’agit de sauver un peu de liberté et beaucoup de propriété; le reste, c’est de l’éloquence, de la circonlocution. La propriété, c’est le plat de lentilles pour lequel vous avez vendu le grand avenir auquel vos pères ont ouvert les portes grandes en 1789. Vous préférez l’avenir sûr d’un rentier retiré des affaires, parfaitement bien — mais ne dites pas que c’est pour le bonheur de l’humanité et le salut de la civilisation que vous le faites. Vous voulez toujours entourer votre conservatisme obstiné de signes révolutionnaires; cela offense et vous outragez les autres peuples, comme si vous étiez encore à la tête du mouvement; l’offense frise le ridicule.

Proudhon disait très inhumainement à une nation malheureuse: «Vous ne savez pas mourir». Nous voudrions vous dire: «Vous ne savez ni renaître, ni vous résigner à une vieillesse verte et franche». Notre position, à nous, est pire que la vôtre, plus grossière, mais beaucoup plus simple, et n’oublions pas que chez vous c’est le couronnement de l’édifice, tandis que nous sommes encore aux pilotis de fondement.

III

tion. Nous ne faisons que sortir de la germination, et bien nous en suitv[5].

Nous sommes à la veille de notre histoire. Nous avons végété, nous avons pris corps, nous nous sommes installés, nous avons passé un rude dressage — et nous n’apportons que la conscience de nos forces, de notre aptitude. Ce sont des symptômes plus que des faits. Nous n’avons, à proprement parler, jamais vécu; nous avons été mille ans à la terre et deux siècles à l’école, à l’imita- 

Toutes les richesses de l’Occident, tous les héritages nous manquent. Rien de romain, rien d’antique, rien de catholique, rien de féodal, rien de chevaleresque, presque rien de bourgeois dans nos souvenirs. Aussi aucun regret, aucun respect, aucune relique ne peuvent nous arrêter. Nos monuments, on les a inventés convaincu que l’on était qu’un empire comme il faut doit avoir ses monuments. La question, pour nous, ce n’est pas la conservation de nos agonisants, ni l’enterrement de nos morts, cela ne nous donne aucun embarras, mais bien de savoir où sont les vivants et combien il y en a.

Descendants de colons et non de conquérants, nous sommes un peuple de paysans, surmonté par une légère couche de détachés. C’est le peuple des champs qui est la base et la sève. Les torrents de Slaves, tombant dans les plaines entre le Volga et le Danube, s’assirent là, où ils se sentaient fatigués et occupèrent le sol qui leur plaisait, comme un élément qui n’appartenait à personne. Ils n’avaient pas de titres, ils avaient la faim et la charrue. Les peuplades finnoises qui vivotaient dans ces forêts, dans ces déserts, étaient englobées par les Slaves. Elles continuaient leur pauvre existence, ou se fondaient avec les nouveaux venus, en laissant quelques mots dans leur langue et quelques traits dans leur figure.

Rien d’héroïque, d’épique dans ces origines — défrichement, travail et croisement avec ces pauvres Touraniens, auxquels en veulent tant les publicistes de l’Occident.

Des villes très clairsemées surgissent, des villages fortifiés, des principautés commencent à se former en un Etat fédéral assez informe. Puis le joug des Mongols, lutte et affranchissement, unité forcée, et un Etat en croissance. Cet Etat rudimentaire se

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obstinée qui n’est pas dans le caractère slave. C’est peut-être le premier fruit de l’assimilation de ces races cyclopéennes, immobiles et fortes par leur persistance minéralogique, par leur adhésion élémentaire, par leur longanimité endurante. S’ils ont altéré la pureté slave de notre sang, ils ont corroboré l’Etat qui a servi de noyau à la Russie moderne.

Le peuple de paysans se transformant en un Etat, conserva, et c’est là que gît son avenir et son originalité, la foi que la terre qu’il cultive lui appartient, qu’elle est inaliénable tant qu’il reste dans la commune, et qu’une commune nouvelle le recevant, lui doit la terre. Le gouvernement n’y comprenait rien et laissa les us et coutumes jusqu’au temps de l’introduction du servage (XVIIe siècle), donnant alors terres et paysans aux seigneurs, à la famille régnante, à l’Etat.

Le principe du droit

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fardeau trop lourd que Rome mettait sur ses épaules. Une grande partie de son idéal de conquérant était réalisée, le restant ne suffisait plus pour le pousser. Il possédait son