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Полное собрание сочинений. Том 20. Статьи из Колокола и другие произведения 1867-1869 годов

beaucoup de fautes, beaucoup d’erreurs; mais si nous sommes innocents d’une des faiblesses des émigrations —c’est que nous n’avons jamais posé — ni comme conspirateurs, ni comme dictateurs, révélateurs, ambassadeurs et autres fonctionnaires de la révolution. Nous avons dit et répété que nous n’étions que des représentants fortuits du mouvement souterrain qui, du temps de Nicolas, se faisait en Russie — sa voix libre, son cri d’indignation, de souffrance, d’espérance, lorsque d’occulte le mouvement devint manifeste. Vivos vocare, d’après notre épigraphe, pour leur montrer le même chemin, le même but et les mêmes entraves. Vivos vocare, pour leur dire qu’il est temps —telle était la base de notre propagande; et, comme notre chronomètre allait juste, telle était aussi la base de notre force.

Exposer encore une lois notre profession de foi socialiste et russe, serait inutile. Toutes nos publications, chaque feuille de notre journal, ne contiennent que cela.

Nous avons prêché, nous avons réveillé des hommes qui étaient encore à demi endormis, sans jamais briguer le titre d’archevêque général de la propagande, ni de tambour-major de l’insurrection.

C’est aux journaux les plus réactionnaires de la Russie qu’appartient la primeur de nous faire jouer un rôle de gouvernement occulte, et de nous affubler de titres qui n’ont aucune valeur pour nous.

Au moins ceux-là ont pour eux une cause atténuante — c’est qu’ils savent très bien qu’ils mentent. Ils savent très bien que notre nom nous suffit, et qu’il restera vierge de tout titre, de toute estampille, comme notre poitrine de toute croix ou de toute légion d’honneur.

Peut-être est-ce là que niche notre amour-propre; mais il flous semble que de se nommer tout simplement Ogareff et Herzen,

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vaut un peu mieux que de s’appeler chancelier in partibus ou gonfalonnier in spe. Chaque petite marque de sympathie de nos amis nous fait tressaillir le cœur de joie et de reconnaissance, nous rend fiers et heureux. Mais nous ne reconnaissons à personne le droit de nous affubler d’un titre, de nous donner un pourboire à la boutonnière, de nous distinguer et décorer.

Que voulez-vous — grattez un Russe — vous trouverez toujours quelque chose de barbare en lui.

Cela dit, je passe à mon cahier écrit vers la fin de 1865.

…Le 5 février 1857, on enterrait, à Londres, Stanislas Worcelî.

…Trois Russeslxxxvii[87] aidèrent à porter le cercueil, de sa pauvre demeure, à Hunter-street au cimetière de High-Gate.

Le dernier groupe d’amis s’écoulait lentement et en silence; j’étais du nombre, je m’éloignais accablé de tristesse. J’aimais ce vieillard. Il avait aussi de l’amitié pour moi; mais le dernier temps «un chat noir» traversa entre nous. Il était entouré d’hommes qui ne m’étaient pas aussi sympathiques que lui, ils l’éloignèrent de moi. Quelque temps avant sa mort, Worcell revint à d’autres sentiments.

Un jeune Polonais prononça un discours après Ledru-Rollin; il avait des larmes dans la voix, mais il ne me tendit pas la main — alors j’aurais tout oublié. Après, mon cœur se referma aussi.

Une fois dans ma chambre, je me jetai sur le sopha, complètement anéanti de douleur et d’amertume; une question se dressait de plus en plus noire devant moi. Je me demandai: n’avons-nous pas enterré avec ce juste, ce pur, tous nos rapports sérieux avec l’émigration polonaise? Les circonstances compliquaient étrangement notre position.

La douce tête du malade, ornée de ses cheveux blancs, qui apparaissait, pacificatrice et aimante, pour finir les malentendus et faire taire les dissonnances, disparaissait. Les dissonnances restaient. Nous ne nous entendions pas. Personnellement, individuellement, nous avons eu, alors et après, de bien proches amis parmi les Polonais; mais, en général, notre manière de voir

différait profondément de la leur. Cela introduisait, nécessairement, une certaine tension dans nos rapports; étant très sincères, ils manquaient d’une certaine franchise supérieure. Nous faisions les uns aux autres des concessions tacites.

Les compromis amoindrissent, effacent, neutralisent, mutilent. On perd par les concessions les aspérités, les points saillants de son individualité; on sacrifie le côté le plus énergique, le plus original.

Parvenir à une entente commune n’était pas facile. Nous partions de deux côtés opposés, et nos routes ne se rencontraient, ue se confondaient que dans un point d’intersection — à l’endroit de notre haine contre le despotisme impérial de Péters- bourglxxxviii[88].

Les Polonais allaient à la restauration d’un passé qu’ils aiment et qui a été violemment brisé; ils devaient commencer par y retourner pour continuer leur chemin. La Pologne, suivant l’expression d’un pape, est «terre de reliques», la Russie, terre de berceaux vides. Dans toutes les créations poétiques des Polonais, on voit le crêpe du deuil à côté de la foi ardente, le désespoir à côté de l’abnégation.

Les formes même de notre pensée, de notre compréhension, de notre intelligence, de nos tendances théoriques et pratiques, sont autres. Le pli de nos idées, leur physionomie ne sont pas les mêmes. Religieux et mystiques, les Polonais n’aiment pas notre esprit scrutateur, analytique, positiviste, sceptique et plein d’une ironie amère. S’ils ont quelquefois la force de ne pas nous haïr, l’alliance avec nous leur paraît toujours une mésalliance, au moins un mariage de raison. En nous donnant la main ils faisaient un effort; en s’approchant de nous, ils ne cachaient pas que c’étaient des exceptions personnelles. Au contraire, de notre côté nous apportions le sentiment humble et douloureux de la culpabilité, de la participation involontaire au crime et une admiration sans bornes pour leur persistance, pour leur élan, pour leur protestation fougueuse et fière.

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Compagnons de prison, nous sympathisions sans trop nous connaître. Mais, lorsqu’après la mort de Nicolas on ouvrit un, peu la lucarne de la geôle, nous nous aperçûmes qu’on nous avait amenés dans la prison par des chemins opposés, et qu’une fois libres chacun irait de son côté.

Les premières années qui suivirent la guerre de Crimée, c’était notre réveil; c’est alors, pour la première fois, que nous respirâmes librement; cela nous grisa un peu. Nos espérances bruyantes et exagérées blessèrent nos compagnons de malheur, elles leur rappelèrent leurs pertes. Le nouveau temps commença chez nous par des exigences téméraires, exagérées. Chez nos voisins on n’entendait que des messes de morts, des prières pour le salut de leur âme, des hymnes épiques, des condoléances.

Le gouvernement nous rapprocha encore une fois. Devant les mitraillades des prêtres et des enfants, devant les balles sifflant, frappant les crucifix, frappant les femmes en deuil; devant les prières et les litanies chargées par la cavalerie — toutes les questions et discussions étaient oubliées. J’ai écrit, les larmes aux yeux, la série d’articles qui m’a valu tant de sympathies de la part des Polonais et même des adresses signées par plus de quatre cents réfugiés polonais, que j’ai eu le bonheur de recevoir à Paris.

…Le 16 juin 1862, trois jeunes officiers russes tombèrent fusillés, à Modline — pour avoir fait la propagande parmi les soldats et les officiers, pour avoir eu en leur possession et fait circuler des livres et des écrits défendus par la censure. C’était le commencement de la tyrannie peureuse et sanguinaire de l’empereur actuel.

Les amis de ces premiers martyrs, indignés, étonnés, cherchant vengeance contre ces premiers actes du régime veau-chacal qui s’inaugurait, s’adressèrent à nous, en vue de l’orage qui se préparait en Pologne. Ils nous demandaient un conseil d’amis, de frères aînés; leur conscience protestait contre le devoir, qui les poussait à devenir bourreaux et défenseurs du gouvernement qu’ils détestaient et qui s’empirait de plus en plus après le grand mensonge de l’incendie, à Pétersbourg. Les jeunes gens étaient décidés à ne pas prendre les armes contre les Polonais.

Beaucoup de Polonais venaient à Londres. On voyait très bien que l’idée de l’insurrection donnait de plus en plus racine,

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qu’ils étaient décidés d’agir et qu’il serait bien difficile de les en détourner. On pouvait facilement prévoir qu’ils se dévouaient à un holocauste sanglant et que par ricochet nous recevrions un coup terrible. Nous en parlions constamment sans les convaincre. Voyant cela, nous leur disions: «Au moins ne mettez pas le peuple russe contre vous, n’effarouchez pas l’opinion publique, elle ne vous sera pas hostile à condition de céder aux paysans la terre cultivée par eux et de laisser la complète autonomie des provinces hors du royaume».

Nous avons tant et tant répété cela, qu’à la fin Padlewsky, Giller et Milowitch vinrent nous voir et nous apportèrent une lettre du Comité central de Varsovielxxxix[89] qui le promettait d’une manière vague, par rapport aux provinces.

Dans les pourparlers avec eux, j’ai cru remarquer qu’ils nous prenaient pour des chefs d’une organisation toute faite en Russie et je m’empressai de les détromper. «Vouspensez, —leur dis-je, — à ce qu’il me paraît, que nous avons une force dictatoriale; vous êtes dans une erreur profondexc[90]. Nous avons notre puissance à nous, puissance active et assez grande, mais elle n’est basée que sur l’opinion publique, sur la sympathie entre nous et nos lecteurs; nous exprimons leurs aspirations, ils retrouvent dans nos paroles les mots qu’ils ne peuvent dire librement à la maison. Le jour où cet unisson, cette harmonie manqueraient, notre puissance s’évaporerait. Nous n’avons personne à qui nous pourrions dire d’aller de ce côté ou de l’autre. Nous insistons fortement sur cela, car nous vous le répétons, si en Russie on ne voit pas sur votre drapeau, tout grand développé, LE DROIT A LA TERRE ET L’AUTONOMIE DES PROVINCES — notre aide, notre sympathie ne vous avanceront en rien et entraîneront nécessairement la perte de toutes les forces que nous avons. Notre lien intime avec les nôtres ne consiste pas dans un rapport de service, mais dans la conformité du battement de nos cœurs; peut-être le nôtre bat-il un peu plus fort, avance d’une seconde — mais malheur s’il s’écartait du rhythme!

Ils partirent, et un de leurs amis me dit avec une franchise que j’ai parfaitement appréciée:

— Moi je

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beaucoup de fautes, beaucoup d'erreurs; mais si nous sommes innocents d'une des faiblesses des émigrations —c'est que nous n'avons jamais posé — ni comme conspirateurs, ni comme dictateurs, révélateurs, ambassadeurs