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Полное собрание сочинений. Том 20. Статьи из Колокола и другие произведения 1867-1869 годов

à la terre n’est pas discutable; c’est un fait, non une thèse. La notion originaire de la propriété a été très bien éliminée de la discussion par Proudhon. C’est une donnée primordiale, un dogme «d’origine divine», c’est une cause première de l’histoire. On trouve un rapport de l’homme à la propriété préexistant à l’histoire, permanent, comme celui qui c’est développé par le droit romain, les coutumes germaniques, et qui continue en Occident dans les voies de l’individualisme, jusqu’à la rencontre des idées sociales qui le nie et l’arrête. On trouve un centre inculte en Orient qui se développe en Russie sur une base communale, et qui va à une jonction avec le socialisme qu’il affirme de facto, qui lui donne des proportions tout autres, et lui ouvre un avenir immense.

Il semble que toute l’histoire sombre et lourde du peuple russe n’a été soufferte qu’en vue de ces évolutions par la science économique, de ces germes sociaux. On serait tenté d’applaudir la marche lente du développement historique chez nous.

Passant une longue série de siècles monotone et écrasante, courbé sous le joug de la pauvreté, courbé sous le fouet du servage, il conserva sa religion de la terre. Etrange et lugubre voie d’un développement dans lequel, très souvent, le mal apportait le bien et vice versa. Un des coups les plus durs qu’a subis le peuple russe était le coup de civilisation, qui tâchait de nous dénatio-

naliser sans nous humaniser, et c’est elle qui nous fit la révélation de nous-mêmes, par le socialisme qu’elle abhorre.

Le peuple des champs a été laissé en dehors de la civilisation imposée. Le grand pédagogue, Pierre Ier, se contentait de river plus fortement les chaînes du servage. Le paysan, conspué, outragé, pillé, vendu, acheté, releva la tête pour un instant, versa des fleuves de sang, fit frémir Catherine II sur son trône; et, battu par les armées de la civilisation, retomba dans un désespoir morne, passif, ne tenant plus qu’à sa terre, à cette dernière mamelle qui l’empêchait de mourir de faim et que le servage même ne savait lui arracher. C’est ainsi qu’il est resté immobile et dans un état de prostration, de désespoir, presque un siècle entier; protestant quelquefois par l’assassinat du seigneur ou de malheureuses révoltes partielles.

Pendant que le paysan armé passait les Balkans et les Alpes, remportait des victoires et élargissait les frontières de l’empire, son père, son frère mouraient sous la verge, pillés légalement par une noblesse avide, dépensière et sauvage; tout lui était ôté, sa force musculaire, sa femme, son enfant — et par un illogisme étonnant, la terre (amoindrie, écourtée, mal choisie avec intention) lui restait.

Que de larmes tombèrent sur elle faisant un nouveau lien entre elle et le pauvre patient persécuté! Personne ne saura ce qu’il a souffert pendant ces cent ans de prospérité de l’Etat. Sa plainte, son cri de douleur et d’agonie, son reproche, tout est perdu dans les archives d’une police inexorable, dans les souvenirs éparpillés de quelque servante, de quelque valet de chambre. Ce Laocoon succombait avec ses fils par une obscure nuit d’hiver, sans avoir un statuaire pour témoin de sa lutte inégale avec deux serpents — la noblesse et le gouvernement. La neige a tout couvert par son linceul,— et c’est ce crime historique, ce crime en détail, qui frappait chaque village, chaque commune, qui, en se perpétuant, en durant, a aidé le paysan malheureux à faire légaliser son droit à la terre.

Si l’émancipation était venue avant notre temps, on aurait ôté la terre au paysan sans lui donner une liberté réelle. Un demi-siècle de martyre et de douleur de plus a sauvé son grand instrument de travail. Le droit à la terre n’aurait pu résister à

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la pression des idées économiques de l’Occident, appuyées non seulement par le gouvernement, si indifférent quant au choix des moyens, mais aussi par les «éclairés», les libéraux, les doctrinaires, les publicistes. Ce n’est qu’après la formidable critique de l’ordre des choses existant par le socialisme, que le principe vital du développement russe a pu être sauvé.

La terre a été presque partout oubliée par les révolutions en Occident; elle était au second plan, comme les paysans. Tout se faisait dans les villes et par les villes, tout se faisait pour le tiers-état, on songeait quelquefois après à l’ouvrier des villes, presque jamais au paysan. Les guerres des paysans en Allemagne font une exception, aussi demandèrent-ils à hauts cris la terre, et ils furent complètement écrasés. Il y avait sécularisation, confiscation, morcellement, changement de main, de classe, déplacement de la propriété foncière; le tout ayant des conséquences très graves; il n’y avait ni une base nouvelle, ni un principe, ni une organisation générale. Nous n’avons rien entendu, ni des hauteurs de la Convention, sauf Robespierre, qui est venu à la tribune renier ses velléités agraires, ni des barricades de Juin. Un des hommes les plus avancés, Lassale, trouve que la terre attache trop, fixe trop, alourdit la libre individualité de l’ouvrier, retient sa marche comme un boulet attaché à ses pieds; tandis que nous aimons mieux sentir sous nos pieds le sol nourricier, que de nous balancer dans l’air, au gré des vents, sans autre appui contre la misère que la double misère de la grève.

Nous ne disons pas que notre rapport au sol soit la solution de la question sociale, mais nous sommes persuadés que c’est une des solutions. Les idées sociales, dans leur incarnation, auront une variété de formes et d’applications comme le principe monarchique, aristocratique, constitutionnel.

Notre solution n’est pas «ne utopie, c’est une réalité, un fait naturel, je dirai physiologique. Les conditions géographiques nous sont propices. Le concours des circonstances extérieures doit correspondre à la velléité, à l’aptitude du nouvel organisme, sinon il avortera. Qu’aurait fait l’Amérique du Nord sans ses données territoriales? De l’autre côté, les meilleures conditions extérieures ne suffisent pas. Qu’ont fait les Espagnols au delà de l’Océan?

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La question, pour nous, consiste non à nier ou à affirmer le droit à la terre, mais à l’élever à la conscience, à le généraliser, à le développer, à l’appliquer, à le corriger par l’indépendance personnelle.

La commune patriarcale concédait la terre à l’individu au prix de sa liberté. L’homme restait attaché au sol, à la commune. C’est avec la terre qu’il passa au seigneur, c’est avec la terre qu’il s’émancipe. Il faut l’émanciper de la terre sans qu’il la perde. Il lui faut la Terre et la Liberté. Il y a une opinion bien arrêtée en Occident, que chaque pas vers les droits de l’individu sera nécessairement pris sur le droit communal. D’où est-ce qu’on sait cela? С ‘est pour la première fois que la commune agraire se trouve enlacée dans un développement social d’un grand Etat. Or il faut attendre à quoi aboutira ce mouvement avant de tirer les conséquences. Cette observation appartient à Stuart Mill. Les faits récents prouvent qu’il n’y a rien d’incompatible dans ces termes de possession communale et de liberté individuelle. Un spectacle immense se produit à côté du monde, qui a fait infructueusement toutes les expérimentations possibles, depuis le phalanstère et l’Icarie, jusqu’aux associationségalitaires. La commune rurale et l’individu rural ont fait des pas de géant en Russie depuis 1861. Le principe rudimentaire du self-governementvi[6], écrasé par la police et le seigneur, se détache de plus en plus de ses langes et de ses liens; l’élément électif s’enracine, de lettre morte devient réalité. Le maire, les juges communaux, la police rurale, tout est électif, et déjà les droits du paysan s’étendent loin au delà de la commune. Il la représente dans le conseil général de la province, dans le jury, et il faut lire les journaux pour savoir comment il s’y prend. Il acquitte quand il peut, il acquitte dans le doute. Eh bien, sa croissance n’est pas marquée, ses pas en avant ne sont pas comptés… et, loin de là, lorsque cette poussée immense d’hommes se réveille, pleine de force, de santé, les civilisés les taxent de bétail humain, d’accord en cela avec les beaux restes de nos seigneurs.

Des humanitaires, des philanthropes, des fraternaux, qui ont des soupirs pour les Peaux- Rouges et des sociétés pour la

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protection des animaux de toutes couleurs, regardent avec dédain ou ne regardent pas du tout un peuple entier qui entre dans la possession d’un terrain immense, et dont le premier mot est une formule sociale, non seulement réalisable, mais réalisée! Un peuple qui a mis à la place d’un droit vague «au travail» le droit explicite «à la terre», et qui au lieu de répéter le terrible cri du désespoir: «Qui a du plomb a du pain», est convaincu qu’il a «du pain parce qu’il a la terre».

Les renseignements ne manquaient pas, mais on ne se donnait pas la peine de se renseigner. On a entendu vaguement parler du communisme russe, asiatique, touranien, et l’on a fini sommairement avec lui, en disant que tous les sauvages ont commencé par les biens communaux pour finir avec le prolétariat, civilisé; que la terre manquera un jour, que l’agronomie ne peut prospérer dans ces conditions, etc., etc. Bien avant l’émancipation des paysans, un seul homme s’aperçut de la signification de la commune rurale chez nous, c’est Haxthausen, que j’ai nommé plus haut.

Rencontrant quelques vestiges d’institutions communales aux bords de l’Elbe et frappé de leur organisation, il s’en va, en 1846, explorer la Russie un peu au-dessous du pavé sur lequel roulait l’élégante calèche du marquis de Custine; il traversa hâtivement Pétersbourg, Moscou et s’enfonça, dans la terre noire. Il en revint en prêchant la commune russe et montrant du doigt ses éléments socialistes et républicains. Par un étrange hasard, c’était la veille de la révolution de

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