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Полное собрание сочинений. Том 20. Статьи из Колокола и другие произведения 1867-1869 годов

germe dans cette période pleine d’activité, d’initiation de poésie et d’entrain.

On a beau être renégat, on n’abjure pas facilement les rêves de la jeunesse par des raisons d’Etat. Et je suis convaincu que Katkolf ne se sent pas trop à l’aise, lorsqu’il se rappelle ces années, avant la chute, lui si intimement lié avec Bélinsky, lui qui fréquentait si souvent notre cercle chez Ogareif. Traîner dans la boue la religion d’un autre temps, jeter l’injure et la calomnie aux hommes que l’on estimait, et qui n’ont pas changé, et cela non par fanatisme, mais par des considérations de position, d’office… est un chien de métier. Que de souvenirs incommodes! que de rencontres ressemblant à des remords de conscience! Tout changea avec la Révolution de février. Il est inutile de tracer encore une fois le triste tableau des temps sombres de la terreur noire, sans merci, mesquine et féroce qui suivirent, en Russie, 1848. Je l’ai déjà fait beaucoup de fois. La censure reçut l’ordre de refuser Vimprimatur à tous mes articles, sans distinction; la correspondance était impossible, les passeports pour l’étranger ne se délivraient presque pas. Isolé, désœuvré, je m’attelai, vers la fin de 1849, avec Proudhon,àla Voix du Peuple. — Une couple de mois plus tard elle était étouffée, on m’expulsa de France en 1850.

Ne sachant où aller, où rester, je voulais, après l’Italie, passer quelques jours en Angleterre — et j’y restai plus de dix ans.

C’est dans la solitude sui generis de Londres, dans ce désert surpeuplé, que je voyais tous les jours plus clairement que je n’avais rien à faire dans ce milieu des naufragés où le sort m’avait jeté. L’ignorance des questions sociales, l’orthodoxie formaliste des prêtres de la révolution, leurs idées arrêtées, arriérées, les utopies plus redoutables que l’insolence des conservateurs, tout ce monde qui fermentait, qui se décomposait autour de moi, me fit encore une fois penser à Proudhon. Je lui proposai de venir en Angleterre et d’y fonder ensemble une grande revue socialiste. Il acceptait le projet; mais craignant la locomotion comme tous les vrais Français, il ne voulait pas quitter Paris.

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Quelques mois après il était obligé de fuir en Belgique — et moi je retrouvai enfin mon ancre de salut. Rien de nouveau: c’était l’idée fixe, la pensée directrice de mon adolescence, de ma jeunesse, de toute ma vie — la propagande russe.

J’organisai à Londres l’imprimerie libre, et dès l’automne de 1853 j’imprimais, j’imprimais sans le moindre succès. Les cartes se tournèrent avec la mort de Nicolas, le grand tué de Sébastopol.

Tout ce qui aspirait à la liberté, tout ce qui se pressait de sortir à la lumière, d’en finir avec le mutisme imposé, se tourna vers la presse de Londres. Son succès était colossal.

En 1857, Ogareff quitta la Russie et vint partager mes travaux. C’est lui qui proposa de publier le Kolokol à côté de l’Etoile Polaire. Dès ce moment je puis parler au nom de nous deux.

D’abord écoutons les aveux du collaborateur de Katkoff:

On se souvient certainement de l’entraînement et de l’intérêt qu’excitaient alors (1857—1863) les imprimés russes qui paraissaient à l’étranger, ils étaient lus par les hommes des plus diverses positions sociales, par les vieux et les jeunes, par les savants et les ignorants. Los uns cherchaient en eux les résultats finals de la sagesse européenne et l’explication des questions obscures de la vie russe; d’autres, particulièrement les jeunes gens, voyaient dans ces écrits comme l’accomplissement du sacerdoce de la parole libre, l’amour pour le prochain opprimé, la lutte contre l’injuste et l’arbitraire; il y en avait qui éprouvaient un plaisir de trouver des remarques bien appointées et bien aiguisées contre leurs rivaux; d’autres, enfin, qui lisaient par mode. Les libraires exploitaient d’une manière adroite la veine. Les grandes routes, à l’étranger, étaient parsemées d’éditions russes, on pouvait les avoir dans chaque librairie, dans les hôtels, les cafés, les débarcadères, même dans les voitures de chemins de fer.

Les meneurs des éditions étrangères étaient alors à l’apogée de leur gloire et de leur puissance; ils étaient entourés de l’auréole des martyrs; ils attiraient par le mystère, par la pureté supposée des motifs et des buts, par la nouveauté du verbe libre plein de passion et de sarcasmes allant droit au but.

Nous pourrions remercier notre éloquent adversaire, s’il n’y avait pas d’aspics cachés sous les fleurs de son bouquet.

Si nous avons eu des succès, c’est parce que nous exprimions la pensée russe, la pensée de tous les réveillés chez nous; parce

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qu’on sentait le même battement de cœur. «Vous avez, — me disait un ultrapanslaviste très connu, — contrairement à l’expression de Danton, emporté à l’étranger la terre de votre patrie sous votre semelle, et c’est pour cela que, ne partageant pas vos idées, nous ne pouvons pas nous détacher de vous». Mais qui donc a soupçonné la pureté de nos motifs? qui a découvert nos buts équivoques?

Et quels pouvaient donc être ces motifs qui nous ont fait abandonner la patrie, en laissant une grande partie de nos biens clans les griffes du gouvernement et travailler pour elle une quinzaine d’années? Katkoif n’est pas assez naïf pour croire que l’imprimerie, à Londres, était une bonne affaire de finance, comme l’imprimerie du Messager russe; ou que la rédaction du Kolokol était subventionnée par un comité polonais ou un dissident russe. Est-ce qu’il pense, par hasard, que nous avons le mono¬pole des annonces démocratiques et sociales? Une le pense pas. — Eh bien! qu’il fasse un petit effort sur lui-même et qu’il nous dise la vérité; il a tant calomnié, tant inventé, noirci, qu’une faible débauche de vérité ne lui fera pas perdre ses habitudes. Qu’il nous dise donc en quoi notre pureté politique est suspecte, en quoi nos buts sont douteux?

Il est vrai que Katkoff nous a inculpés d’avoir incendié une partie de Pétersbourg et une partie de toutes les villes de la Russie; mais c’était une ruse de guerre contre nous et les nihilistes, contre nous et la jeunesse russe. C’est qu’aussi nous avons été coupables, non d’avoir brûlé la Russie, mais d’avoir ridiculisé Katkoff lorsque d’anglomane borné il devint un absolutiste effréné.

Il se vengea, et cela avec une richesse d’imagination que nous he lui soupçonnions pas. Le roman de l’agence de Toultcha est de toute beauté — il y a là le Comité international, la révolution universelle, Mazzini et un banquier de Londres avec l’initiale T. et, par-dessus, il y a là aussi notre agent, V. Kelsieff.

Or, Katkoff ne prévoyait pas le repentir de Kelsieff. Imprimant les articles de Kelsieff dans sa revue, il le désignait comme un des chefs de la bande noire envoyée par nous pour incendier, je ne sais quoi — le Danube peut-être. Kelsieff, comme l’apôtre

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Paul, converti sur une grande route, est retourné en Russie; il aime à bavarder de sa carrière révolutionnaire, de sa conversion miraculeuse. Mais Katkoff s’est bien gardé de le questionner sur le fond de la chose concernant l’agence de Toultcha.

Et à quoi bon? La farce a été jouée: les hommes intelligents haussèrent les épaules, mais la canaille réactionnaire le crut.

Ici je demande au lecteur la permission de faire une petite digression.

Un rouge des rouges me racontait un jour, à Londres, ses exploits civiques pendant la révolution de Février.Lorsque le peuple s’était installé aux Tuileries, Marrast ou Caussidière donna au rouge en question la mission de veiller sur la propriété de Louis¬Philippe. Il arriva au palais, et, immédiatement, avec le coup d’œil d’un commandant et le savoir-faire d’un commissaire de police, il prend ses mesures.

Au moment où il maltraitait un homme qui avait pris un album, si je ne me trompe, et qu’il menaçait de le faire fusiller, un homme sort de la foule et prend énergiquement la défense de l’individu. Il parla si bien, que la majorité commençait à prendre parti pour lui.

«Je vis, — continua l’écarlate, — que les affaires allaient tourner. Alors tout d’un coup je m’écrie: „Ah! c’est toi, misérable!” L’autre s’arrête tout court. „Tu oses paraître ici! Citoyens, je le connais, c’est un mouchard payé par les partisans du tyran déchu». L’individu s’élance contre moi, veut parler, mais la foule se jette sur lui, l’entraîne, et c’est ainsi que je parvins à rétablir l’ordre».

— Est-ce que réellement c’était un mouchard? — demandai-je avec une naïveté hyperboréenne.

— Et qu’en sais-je, moi. C’était pour la première fois que je voyais ce gaillard; il fallait me défaire de lui.

— Pourtant le peuple pouvait le pendre à la première lanterne.

— C’eût été tant pis pour lui. Dans ces bagarres-là on ne regarde pas de si près. — Et il prit une prise de tabac.

Eh bien, Katkoff était dans une de ces bagarres, il fit passer ses adversaires pour des incendiaires. Des hommes ont été per-

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sécutés, envoyés en Sibérie, c’est triste, mais on ne regarde pas de si près… Et je ne sais pas si Katkoff prise.

Pendant qu’on nous faisait perdre l’haleine en soufflant sur des charbons, un autre incendie, bien plus important, s’allumait en Pologne.

— Ah! nous y sommes, diront nos adversaires en souriant.

— Oui, nous y sommes.

Nous avons écrit pour la Pologne, nous écrirons encore. Le malheur n’est pas pour nous un droit suffisant pour amener l’abandon. Chaque jour, chaque événement, chaque feuille russe, justifient la position que nous avons prise. Le système implacable d’achever la victime, de dépecer le blessé, de lui arracher tout, jusqu’à la langue, nous dégoûte, ainsi que le rôle odieux que jouent les journaux rédigés par des coquins à la solde, ou par des maniaques désintéressés, par des mouchards par position ou des grecs par religion. On connaît trop peu à l’étranger les détails de cette presse obscène, dans laquelle on dénonce journellement les enfants qui

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