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Полное собрание сочинений. Том 20. Статьи из Колокола и другие произведения 1867-1869 годов

48, la veille du premier essai, en grand, d’introduire le socialisme dans l’organisation de l’Etat. L’à-propos était admirable, mais l’essai échoua et la préoccupation des esprits était telle, que le livre de Haxthausen glissa inaperçu.

Nous avons aussi essayé d’élever notre voix au milieu de l’abattement général et de la plus sombre réaction (1850 —1855), nous n’avons pas mieux réussi que le vieux baron westphalien; on fit semblant de prendre note, on passa outre. Les événements parlèrent à leur tour. Un souffle de vie traversa la Russie: le servage tombait, la noblesse tombait, le vieil édifice du tribunal inquisitorial s’écroulait; des voix formidables se firent jour à travers les grilles de la censure; le gouvernement, entraîné pour un moment par le courant, était mal à son aise, et pas loin de faire des conces-

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sions. Une doctrine réaliste, forte, jeune, se formulait de plus en plus, avec une logique inexorable et une audace de conséquences et d’applications à toute épreuve. Tout cela passa comme une ombre inaperçue… L’attention était ailleurs, le monde occidental ne regardait que l’atroce tragédie qui se déroulait en Pologne. Oui, c’était une tragédie d’autant plus atroce qu’on ne s’y attendait pas. En 1861, tout le monde, en Russie, était pour la Pologne; le gouvernement n’était pas encore décidé entre une petite charte et un gibet, entre un grand-duc ou Mouravioff,— lorsqu’une iinain puissante lui est venue en aide, la main de la diplomatie européenne, avec ses notes pacifiquement guerrières. A la piqûre de cette intervention à main désarmée, un patriotisme farouche s’empara de la société; tout ce qui couvait encore de sauvagerie au fond de l’âme russe, surnagea avec une insolence qui n’avait pas d’exemple dans notre histoire moderne. On se rua sur la Pologne et sur la Jeune Russie. Ce n’est qu’alors que le gouvernement se sentit assez fort pour commencer le procès terrible de tendances, procès à cent têtes, sans fin, absorbant victime sur victime, s’étendant sur tout le pays et qui continue encore.

Ce n’est pas un reproche que nous vous adressons. Nous savons que vous n’êtes pas responsables des malheurs que vos secours diplomatiques ont fait tomber sur la pauvre Pologne, nous savons très bien que vous n’avez pas de part dans les affaires publiques. On vous passe les actes pour les discuter, comme on passe les malades des hôpitaux à la chambre de dissection,— après leur décès. Nous sommes trop dans la même position pour ne pas avoir la délicatesse du ménagement. Malheureusement vous vivez dans un monde de fictions et d’illusions, comme les descendants des ci- devant familles souveraines rêvent toujours la couronne perdue sur leur tête —vous aussi, vous rêvez à émanciper les peuples, à défendre leurs libertés comme les vôtres.

Vos libertés… et où sont-elles?

Il faut monter bien haut sur les Alpes ou traverser la mer pour en voir un petit bout.

L’orgueil d’un grand passé ne vous permet pas de voir ni votre état actuel, ni ses causes, ni le danger qui vous menace.

Votre danger n’est pas du côté de la Russie; si la Russie a été jusqu’à Paris, c’est qu’il y avait des Prussiens et autres

Allemands pour l’accompagner et lui montrer le chemin. Votre danger est dans l’avortement de la Révolution.

Il est cruel de troubler les rêves d’un viellard que nous estimons, mais pourquoi est-il si arrogant et si aveugle, si provocateur, si intolérant? On pourrait penser qu’il parle encore de la tribune tonans de la Convention, fièrement appuyé sur les droits del’homme, inviolable, libre, respecté. On pourrait penser que c’est l’Europe de Voltaire et des encyclopédistes, des jacobins et des girondins, de Kant et de Schiller.

L’Angleterre seule pourrait avoir le verbe haut, elle se tait.

La liberté est aux Etats-Unis et ce sont eux qui, bien loin d’une haine contre la Russie, lui tendent une main amicale en vue de son avenir.

Nous sommes tout prêts à honorer en vous votre passé. Nous ne demandons pas mieux que de couvrir vos plaies, par gratitude pour l’enseignement que vous nous avez donné; mais un peu de justice pour ceux qui sont d’hier (comme s’exprimait Tertullien) et qui ont leur demain assuré.

Malheur oblige, oblige au moins à ne pas jeter des pierres aux autres, à ne pas continuer le rôle impossible de régulateur et libérateur du monde entier, du grand horloger de l’univers.

Votre pendule s’est arrêtée.

IV

En bas, la commune rurale, tranquille dans son attente, lente, mais sûre dans son développement; conservatrice comme la mère qui garde l’enfant dans son sein, souffrant beaucoup, souffrant tout, sauf la négation de sa base, de son fondement. Elément féminin et pierre angulaire de tout l’édifice, sa monade, l’alvéole du tissu énorme qu’on appelle la Russie.

En haut, à côté de l’Etat qui écrase, du gouvernement qui pacifie — la pensée libre devient une force, une puissance reconnue par ses ennemis, signalée par l’empereur dans une épître scolasti-que adressée au président du Conseil d’Etat, signalée par l’Eglise myope et endormie, signalée par la police littéraire à la police chasseresse sous le nom de nihilisme.

Ce nihilisme n’est pourtant ni une organisation quelconque ni un complot, c’est une conviction, une opinion. Et c’est devant

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cette opinion qu’Alexandre pâlit et cria à ses ministres en leur montrant «quelques jeunes gens obscurs» son «Prenez garde à vous!» Il avait raison ou ceux qui lui avaient soufflé la peur. Cette opinion trop libre, cette pensée sans entraves théologiques, sans considérations mondaines, sans idéalisme, romantisme, sentimentalisme, sans vertu de parade et rigorisme affecté,— ne relevait que de la science et ne marchait que dans ses voies. Cette nudité a fait peur, cette simplicité a glacé le cœur des autorités.

Une question se présente tout naturellement: où trouver un pont possible entre cette pensée, sans autre frein que la logique, et la commune affranchie; entre le savoir cru et scrutateur et la foi aveugle et naïve; entre la science adulte et âpre et le grand enfant profondément endormi, rêvant que le tzar est son bon père et la madone le meilleur remède contre le choléra et les incendies? Rêvant aussi que la terre qu’il cultive lui appartient. La minorité réaliste se rencontre avec le peuple sur le terrain des questions sociales et agraires. Le pont est donc tout donné.

La pensée, le savoir, la conviction, le dogme, ne restent jamais chez nous à l’état de théorie et d’abstraction, ne vont pas se confiner dans un couvent académique ou se cacher dans l’armoire d’un savant, parmi les poisons; au contraire, ils s’élancent sans être mûrs, avec trop de précipitation, dans la vie pratique, voulant sauter à pieds joints du vestibule à la fin de l’arène. Nous pouvons vivre, et longtemps, dans un état de torpeur morale et de somnolence intellectuelle, mais une fois la pensée réveillée, si elle ne succombe, tout d’abord, sous le fardeau du milieu lourd et écrasant; si elle résiste à l’offense et à la distraction, au danger et à la nonchalance, elle s’empresse d’aller hardiment jusqu’à la dernière conséquence, notre logique n’ayant pas de rétrécissement, suites et traces d’un passé cicatrisé, mais non effacé.

Le dualisme flottant des Allemands, qui savent que la vie der théorie nach ne coïncide pas avec les sphères pratiques et. s’y résigne, est tout à fait antipathique au génie russe.

La société bigarrée, sans gouvernail, indifférente à la surface, blasée et naïve, corrompue et simple, a été bien loin de rester tranquille devant le nouveau creuset épuratoire de la pensée. Des femmes et des jeunes filles se jetèrent haletantes vers les

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nouvelles doctrines, demandant à haute voix l’indépendance personnelle et la dignité du travail. Rien de pareil ne s’est vu depuis les premiers temps du Saint-Simonisme.

Une société dans laquelle la femme est si lasse et la pensée si impitoyable, doit avoir été profondément travaillée, errante; il faut qu’elle ait été froissée, humiliée, trompée, outragée, qu’elle ait douté enfin, pour se jeter sans crainte ni réserve dans la mer froide et sans limites de la vérité nue. Qui connaît l’histoire de nos âmes en peine, de nos développements malades, estropiés? Nous avons essayé de tracer le drame, le roman, la souffrance de notre embryogénie intellectuelle… Qui s’en sou¬vient?

Arrachés par un coup de tonnerre ou plutôt de tambour, au milieu d’une vie somnolente et végétale, du sein de notre mère (pauvre et grossière paysanne, mais toujours mère), nous nous vîmes dépouillés de tout, à commencer par les habits et la barbe. On nous habitua à mépriser notre mère et à nous moquer de notre foyer paternel. On nous grava une tradition étrangère, on nous flanqua la science et о4 nous déclara, au sortir de l’école, que nous sommes des esclaves attachés à l’Etat et que l’Etat c’est une espèce de père Saturne qui, sous le nom d’empereur, nous avale au premier geste indépendant, au premier mot libre. On nous déclarait naïvement qu’on nous a civilisés dans un but d’utilité publique et gouvernementale et que, partant de là, on ne nous reconnaît aucun droit humain.

Tout ce qui aime mieux avaler avec Saturne, qu’être avalé par lui, s’est rangé de son côté, écrasant de plus en plus le rez-de-chaussée du peuple, et jetant aux travaux forcés les récalcitrants parmi les civilisés «pour cause d’utilité publique».

Un appareil si étrange ne pouvait aller à la longue, il n’avait pas de conditions sérieuses de stabilité, aussi au premier appel, les forces vives débordèrent (1812) et le lendemain de la victoire on commençait à demander des garanties d’une existence humaine. L’essai de 1825 a échoué, mais la secousse était forte. Le trône de Pierre Ier, à peine affermi du tremblement de terre (dernières convulsions d’un peuple qui se débattait contre l’esclavage), reçut un nouvel avertissement, venant des siens. Ce coup n’était pas léger. Nicolas en était à la longue crainte.

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Le trouble intérieur dans

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48, la veille du premier essai, en grand, d'introduire le socialisme dans l'organisation de l'Etat. L'à-propos était admirable, mais l'essai échoua et la préoccupation des esprits était telle, que le